Reportage

Nouvelle politique ONUSIDA pour renforcer le principe GIPA

30 mars 2007

Soutenir la participation active des personnes vivant avec le VIH dans la riposte au sida est un des objectifs majeurs de l’ONUSIDA. S’appuyant sur ses travaux dans ce domaine, l’ONUSIDA a élaboré un document de politique générale comprenant des recommandations à l’intention des gouvernements, de la société civile et des donateurs internationaux, sur la manière d’augmenter et d’améliorer la participation de personnes vivant avec le VIH dans la riposte au sida à l’échelle mondiale, nationale et régionale.

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Nkensani Mavasa, d’Afrique du Sud, s’adressant à l’Assemblée générale
des Nations Unies sur le VIH/sida à New York.
Photo : ONUSIDA/J.Rae.

Le principe GIPA ou ‘participation accrue des personnes vivant avec le VIH/sida’ est un principe qui vise à permettre aux personnes vivant avec le VIH d’exercer leurs droits et responsabilités, y compris leur droit à participer aux processus décisionnels qui affectent leur existence. GIPA a pour objectif d’accroître la qualité et l’efficacité de la riposte au sida et il est essentiel à son progrès et sa viabilité.

L’idée que les expériences personnelles pouvaient modeler la riposte au sida a été avancée pour la première fois à Denver en 1983 par des personnes vivant avec le VIH. Le principe GIPA a été formalisé lors du Sommet 1994 sur le sida à Paris, lorsque 42 pays ont convenu de « soutenir une plus grande participation des personnes vivant avec le VIH/SIDA à tous les niveaux [et] de stimuler la création d’un environnement politique, juridique et social favorable. »

GIPA cherche à faire en sorte que les personnes vivant avec le VIH soient des partenaires à part entière et combat les postulats simplistes et erronés selon lesquels les personnes ne vivant pas avec le VIH sont des ‘prestataires de service’ et celles vivant avec le VIH des ‘bénéficiaires de service’.

Le nouveau document de politique générale de l’ONUSIDA donne une vue d’ensemble du contexte de cette politique, souligne pourquoi son principe est essentiel à la viabilité et au développement à long terme de la riposte au sida, met en évidence certains des défis à son application et expose les grandes lignes de plusieurs des actions que les pouvoirs publics et autres organismes doivent entreprendre pour garantir que ce principe est mis en pratique.

« Aucune institution ne peut à elle seule couvrir toute la gamme des besoins des personnes vivant avec le VIH : il doit donc se créer des partenariats entre les acteurs, » déclare Kate Thomson, point focal GIPA de l’ONUSIDA. « Pour permettre aux personnes vivant avec le VIH de s’engager activement, l’ONUSIDA demande instamment à tous les acteurs de veiller à ce qu’elles aient pour ce faire toute latitude et tout le soutien nécessaire. »

Les gouvernements, les institutions internationales et la société civile sont instamment invités à mettre en œuvre et effectuer le suivi d’objectifs minimum en termes de participation aux organismes décisionnels des personnes vivant avec le VIH, y compris les femmes, les jeunes et les populations marginalisées.

Le document de politique générale souligne également le fait que les processus de sélection doivent être inclusifs, transparents et démocratiques et que les personnes vivant avec le VIH doivent être dès le départ impliquées dans la détermination des priorités de financement et dans le choix, la planification, l’application, le suivi et l’évaluation des programmes VIH. « L’engagement des personnes vivant avec le VIH est d’une urgence croissante lorsque les pays intensifient leur riposte nationale au SIDA pour atteindre l’objectif de l’accès universel à la prévention, au traitement, à la prise en charge et aux services de soutien. » déclare le document.

 

Avantages multiples

Mesurer le degré d’implication des personnes vivant avec le VIH dans les politiques et ne relève pas d’une science exacte ; cependant, l’expérience a montré que les chances de succès sont plus grandes lorsque les communautés sont pleinement impliquées dans la sauvegarde de leur bien-être. Les personnes vivant avec le VIH ont eu l’expérience directe des facteurs qui rendent les individus et communautés vulnérables à l’infection VIH. En conséquence, leur participation au développement et à la mise en œuvre des programmes et à la conception de politiques améliorera la pertinence, l’acceptabilité et l’efficacité de ces programmes.

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Une femme séropositive s’adresse aux étudiants de l’Université de
Beijing, en République populaire de Chine, lors d’une session organisée
par une ONG locale de sensibilisation au sida.
Photo : ONUSIDA/K.Hesse.

« Les personnes séropositives apportent à l’éventail d’organisations et d’institutions travaillant sur le sida la perspective unique de leur expérience, » déclare le Dr Kevin Moody, Coordonnateur international du Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH et le sida, le GNP+.

Comme le souligne le document de politique générale, les bénéfices du principe GIPA se font sentir à plusieurs niveaux. Au niveau de l’individu, l’implication renforce l’estime de soi, donne meilleur moral et atténue l’isolement et la dépression et enfin améliore la santé en informant mieux quant aux soins et à la prévention. Au sein des organisations, la participation des personnes vivant avec le VIH peut modifier les perceptions et aussi donner accès à des connaissances et à des expériences enrichissantes. Aux niveaux social et communautaire, la participation publique des personnes vivant avec le VIH, en donnant à celles-ci un visage, peut atténuer les peurs et les préjugés et faire apparaître ces personnes comme des membres productifs qui apportent leur contribution à la vie sociale.

« La participation et la contribution des personnes vivant avec le VIH est l’un des meilleurs exemples d’un progrès mondial en matière de santé publique. Nous sommes partis d’une situation où les personnes vivant avec le VIH étaient lapidées à mort à la situation présente où nous sommes invités à élaborer avec les leaders de ce monde les politiques internationales. Il y a encore un long chemin à parcourir mais nous avons fait un pas historique et des progrès dont nous pouvons être fiers, » explique Gracia Violeta Ross, Présidente du Réseau bolivien des personnes vivant avec le VIH/sida.

 

Du principe à l’action : mener par l’exemple

Le document de politique générale se sert des exemples de décideurs et d’actions de pays et communautés qui concrétisent le principe GIPA. En Tanzanie, près de 80% des parlementaires tanzaniens paient leur cotisation à la Coalition sida des parlementaires tanzaniens (TAPAC). Mettant le principe en pratique, la TAPAC engage des personnes vivant avec le VIH en tant que conseillers et organise des tables rondes régulières avec elles pour discuter des problèmes. Les membres de la TAPAC rencontrent des personnes vivant avec le VIH dans leurs circonscriptions et s’expriment publiquement en faveur de GIPA. « Vous ne pouvez planifier pour elles (les personnes vivant avec le VIH) ; vous devez planifier avec elles ! Les leaders politiques doivent se battre pour les droits des personnes qui vivent avec le VIH en promulguant des lois, en inscrivant dans les budgets les programmes qui leur viennent en aide mais aussi en prenant la parole d’une façon qui « normalise » le VIH, » déclare l’Honorable Lediana Mafuru Mng’ong’o, Membre du Parlement, République-Unie de Tanzanie ; Présidente de la Coalition des Parlementaires africains contre le VIH/SIDA et de la Coalition des Parlementaires tanzaniens contre le SIDA (TAPAC), qui est citée dans le document de politique générale de l’ONUSIDA.

« Si nous voulons gagner la bataille contre le VIH, il nous faut la pleine participation des personnes vivant avec le VIH. Dans le même temps, les personnes vivant avec le VIH doivent rester unies, renforcer leurs organisations et parler d’une seule voix pour influer sur les décideurs politiques et imposer GIPA dans la réalité», ajoute-t-elle.

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Des réseaux de la société civile russe, y compris des personnes vivant
avec le VIH, lors d’un atelier de plaidoyer des communautés et de
constitution de réseaux en vue d’intensifier la prévention VIH.
Photo : ONUSIDA/S. Drakborg.

De manière similaire, au Kazakhstan (qui figure également dans le document de politique générale) il existe un mouvement grandissant pour la participation à la riposte des personnes vivant avec le VIH. Aujourd’hui, les processus de planification stratégique, de suivi et d’évaluation du pays aux niveaux national et local impliquent activement des personnes vivant avec le VIH.

Mais comme le souligne le Dr Isadora Yerasilova, Directrice générale, Centre républicain du SIDA (Programme national de lutte contre le SIDA), dans le document de politique générale, l’implication de personnes vivant avec le VIH n’est pas toujours facile ni bienvenue. Au Kazakhstan, la majorité des personnes vivant avec le VIH sont des consommateurs de drogues injectables et des professionnel(le)s du sexe, et le fait de les impliquer dans la riposte entraîne souvent méfiance et opposition. Toutefois, les décideurs ont pris position et fait avancer les choses.

« Nous avons néanmoins repéré divers partenaires et les avons aidés à développer leurs compétences personnelles et institutionnelles afin qu’ils prennent part à l’action et fassent entendre leur voix. Lentement mais sûrement, nous entrevoyons le succès. A Temirtau, la ville d’Asie centrale qui connaît la plus vaste épidémie de VIH, les effets de l’infection ont été atténués pour de nombreuses familles et un nombre croissant de personnes acceptent ouvertement leur statut, ce qui améliore la compréhension générale et réduit la stigmatisation.

Les personnes séropositives peuvent contribuer de manière importante à relever les défis posés par le sida, si on leur donne l’occasion d’exprimer leurs besoins sur un pied d’égalité avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales ».




Liens:

Télécharger le Document de politique générale de l’ONUSIDA (pdf, 239 Kb) (en anglais)