Reportage

Les microbicides : pourquoi sont-ils importants ? (Partie 1)

20 février 2008

Préalablement à la conférence internationale biennale Microbicides 2008, qui aura lieu du 24 au 27 février à New Delhi, nous nous penchons sur les microbicides. Dans la partie 1 de cette série en deux parties, nous voyons pourquoi on les considère comme importants dans la riposte au VIH. Dans la partie 2 nous reviendrons sur les enjeux de cette technique biomédicale de prévention.

20080220_lab_200.jpg
Si les recherches sur un vaccin contre le
VIH semblent devoir se poursuivre
pendant quelques années, nombreuses
sont les personnes qui pensent qu’avec un
investissement similaire, un microbicide
pourrait être mis au point avec succès
beaucoup plus rapidement.

Avec 2,5 millions de personnes nouvellement infectées par le VIH en 2007, on s’accorde à penser partout dans le monde que de nouvelles techniques de prévention du VIH sont nécessaires pour compléter les stratégies existantes.

Si les recherches sur un vaccin contre le VIH semblent devoir se poursuivre pendant quelques années, nombreuses sont les personnes qui pensent qu’avec un investissement similaire, un microbicide pourrait être mis au point avec succès beaucoup plus rapidement. Un microbicide efficace offrirait une protection significative pour les femmes qui représentent près de la moitié de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH à travers le monde.

L’ONUSIDA collabore avec plusieurs réseaux œuvrant dans le domaine des microbicides afin de mettre en lumière le besoin crucial d’options de prévention contrôlées par les femmes.

Avec d’autres défenseurs dans le monde, l’ONUSIDA continue de souligner l’importance d’un effort concerté pour la mise au point de microbicides et pour les rendre accessibles aux personnes qui en ont besoin. Il est vital de prendre en compte les besoins des femmes en matière de prévention du VIH si l’on veut inverser le cours de l’épidémie.

Pourquoi les femmes nécessitent-elles une protection spécifique contre le VIH ?

C’est une triste réalité que de constater que nombreuses sont les femmes à travers le monde qui n’ont pas le pouvoir de décision pour tout ce qui touche à leur propre corps.

Des normes sociales et culturelles profondément ancrées et les effets des inégalités entre les sexes signifient que bien des femmes et des filles vivent avec la violence ou la menace de violence et sont incapables de négocier avec succès la fidélité ou l’usage du préservatif.

Les femmes qui vendent des services sexuels sont souvent dans l’impossibilité de négocier le port du préservatif avec leurs clients.

Et même les femmes qui s’abstiennent de rapports sexuels avant le mariage et n’ont qu’un seul partenaire sexuel peuvent être vulnérables aux infections sexuellement transmissibles si leur partenaire a des rapports non protégés avec d’autres femmes ou avec des hommes.

c-2279-200x140.jpg
« Les microbicides seront un outil essentiel
pour émanciper les femmes, et pour
stopper la propagation alarmante de
l’infection à VIH chez les femmes » - la
Directrice de la Coalition mondiale sur les
femmes et le sida, Kristan Schoultz.
Photo : ONUSIDA/C.Gira.

Du fait de différences biologiques, lors de rapports hétérosexuels non protégés, les femmes sont au moins deux fois plus susceptibles que les hommes de contracter le VIH d’un partenaire infecté. Les données sur le VIH le confirment ; par exemple chez les jeunes (15-24 ans) en Afrique subsaharienne, on estime que trois jeunes femmes sont séropositives au VIH pour chaque jeune homme

Les experts estiment que si les femmes ont l’option d’utiliser un microbicide pour se protéger contre le VIH, cela pourrait faire toute la différence dans leur vie.

« Un homme peut refuser de porter un préservatif et sa partenaire peut ne pas être en mesure d’insister. L’accès à des microbicides sûrs et efficaces donnera aux femmes plus de choix et les aidera à prendre en charge leur santé sexuelle et leur avenir, » a déclaré la Directrice de la Coalition mondiale sur les femmes et le sida, Kristan Schoultz.

« Les microbicides seront un outil essentiel pour émanciper les femmes et pour stopper la propagation alarmante de l’infection à VIH parmi les femmes, » a-t-elle ajouté.

Qu’est-ce qu’un microbicide ?

Un microbicide est un composé qui vise à réduire l’infectiosité des virus ou bactéries. Le terme se réfère désormais à un produit potentiel qui empêcherait la transmission du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles (IST) à l’intérieur du vagin. Un microbicide rectal agirait de la même façon pour protéger les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ainsi que les femmes lors de rapports par voie anale.

Différents candidats microbicides font actuellement l’objet de recherches et de développement ; un grand nombre d’entre eux se présentent sous forme de gel ou de crème à appliquer sur la surface du vagin. Les scientifiques étudient également d’autres manières d’utiliser le médicament comme par exemple au moyen d’un anneau qui serait inséré dans le vagin et permettrait la libération contrôlée d’un microbicide efficace.

Mécanismes d’action

Un microbicide topique efficace – appliqué sur la surface du vagin – agirait probablement de plusieurs manières. Les scientifiques mènent des recherches sur différents produits qui:

  1. Tueraient les organismes pathogènes sans endommager les cellules saines du vagin
  2. Renforceraient le système de défense naturel du corps en augmentant l’acidité naturelle du vagin ce qui inactiverait les virus et bactéries pathogènes
  3. Empêcheraient le virus de pénétrer dans les globules blancs – les cellules cibles du VIH
  4. Inhiberaient la réplication du virus en utilisant des dérivés de médicaments antirétroviraux.


Pour certaines femmes, il est important que l’action du microbicide ne nuise pas à leur capacité à concevoir un bébé. Des microbicides contraceptifs et non contraceptifs sont actuellement en cours de mise au point, ainsi que des microbicides rectaux pour les femmes hétérosexuelles et les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes.

Pas une potion magique

microb-logo-200x140.jpg
La conférence internationale biennale sur
les microbicides ‘Microbicides 2008’ se
tiendra du 24 au 27 février à New Delhi.
Son thème sera « Des efforts en direction
de la prévention du VIH ».
Photo : Microbicides 2008.

Certains partisans estiment que la mise au point réussie d’un microbicide représenterait une émancipation significative pour les femmes qui, du fait de considérations culturelles, économiques et sociales, sont privées de pouvoir et incapables de se protéger contre le VIH.

Avec des enjeux aussi importants, les microbicides semblent être une solution très séduisante. Les experts sont toutefois bien conscients de la complexité des travaux de recherche et de l’efficacité des médicaments, et recommandent la prudence pour éviter de susciter des attentes irréalistes.

Les produits microbicides couronnés de succès seront partiellement protecteurs. S’ils peuvent être efficaces jusqu’à 80% pour prévenir la transmission du VIH au cours des rapports sexuels, ils devront être complétés par d’autres outils de prévention au moyen d’une stratégie associant plusieurs mesures de prévention.

Un ensemble complet de mesures de prévention comprend, mais ne s’y limite pas, le fait de retarder le début de l’activité sexuelle, la fidélité mutuelle, la diminution du nombre de partenaires sexuels, des rapports sexuels sans pénétration, les rapports sexuels à moindre risque, notamment l’utilisation correcte et régulière du préservatif masculin et féminin, et le traitement précoce et efficace pour les infections sexuellement transmissibles.

Dans la partie 2, nous examinons les enjeux actuels de la recherche et de la mise au point de microbicides et nous efforçons de comprendre pourquoi il y a un écart de financement aussi important entre ce qui est nécessaire pour mener les essais cliniques à leur terme et jeter les bases d’une distribution efficace et ce qui est actuellement disponible. Nous étudions également les considérations éthiques relatives aux essais cliniques.