Reportage

Renforcer le travail avec les HSH en Afrique

23 mai 2008

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Dans de nombreux pays africains, la
recherche indique une prévalence du VIH
plus élevée chez les hommes qui ont des
rapports sexuels avec des hommes en
comparaison de ceux qui sont enregistrés
dans la population générale.

« Comme beaucoup d’hommes gays au Kenya, je suis marié, » déclare Peter (prénom fictif), chauffeur de taxi à Nairobi, occupé à faire la navette pour les hommes qui se rendent à la troisième fête organisée dans la capitale kenyane au cours des six derniers mois, et à laquelle participent plusieurs centaines d’hommes qui s’identifient eux-mêmes comme gays et leurs amis.

« Nous devons dissimuler notre sexualité au reste de la société. Ce n’est pas comme en Europe. Mais j’ai une vie agréable, une famille unie et de bons amis et vraiment, je ne peux pas me plaindre. »

Peter, père de deux jeunes enfants, a toujours vécu à Nairobi. Il a décidé de travailler plutôt que d’assister à la fête qui se tient un peu à l’extérieur du centre ville. « J’aurais bien voulu aller à la fête, mais nous avons eu moins de visiteurs au Kenya cette année, et j’ai besoin de cet argent. Ca fait plaisir de se retrouver dans un environnement où on peut se relaxer en sachant que nous sommes tous pareils. Il n’est pas question que les gens puissent être eux-mêmes, comme ici, dans les bars de la ville.

« Parfois un bar commence à être en vogue parmi des groupes de gays mais alors le moment viendra où le propriétaire du bar leur demandera de ne plus revenir car il a peur d’être poursuivi par la loi et peur que les gens pensent que lui aussi est gay. »

La dernière fête de la toute nouvelle scène de Nairobi a été organisée à la veille de la Journée internationale contre l’homophobie. En plus de permettre de danser et de faire des rencontres, elle a aussi offert un espace aux groupes de soutien pour la distribution d’informations sur la prévention du VIH et de nécessaires pour des rapports sexuels à moindre risque, notamment des préservatifs et des lubrifiants, à un groupe d’hommes souvent décrit par les responsables de la santé publique comme ‘difficiles à atteindre’.

Le lendemain, la Commission des droits de l’homme du Kenya, la Commission internationale pour les droits des gays et des lesbiennes ainsi que la Communauté gay et lesbienne du Kenya ont réservé une publicité d’une demi-page dans un grand journal national pour faire la promotion de la Journée internationale contre l’homophobie et les droits des gays et des lesbiennes au Kenya.

En dépit du fait que les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) sont mieux organisés et plus visibles que jamais tant au Kenya que sur le reste du continent, les termes ‘oubliées’ ou ‘de seconde zone’ sont souvent utilisés pour décrire les épidémies de VIH qui se développent sans rencontrer d’obstacle parmi les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes à travers l’Afrique subsaharienne.

Dans de nombreux pays africains, la recherche indique une prévalence du VIH plus élevée chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes et des taux d’incidence plus élevés pour les relations sexuelles entre hommes en comparaison de ceux qui sont enregistrés dans la population générale. En outre, des niveaux d’infection invariablement plus élevés parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et d’énormes obstacles culturels, sociaux et juridiques – associés à des niveaux élevés de stigmatisation et de discrimination et à la nécessité de s’attaquer au sida au sein de la population générale – ont empêché la fourniture de services de prévention, de soins et de traitement liés au VIH qui soient ciblés sur les HSH.

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Divers projets de recherche et initiatives
du continent indiquent que de nombreux
hommes ayant des rapports sexuels avec
des hommes en Afrique ont également
des partenaires sexuelles féminines et ne
s’identifient pas nécessairement en tant
que gays.

Pour remédier à cette situation, le Conseil national de lutte contre le sida du Kenya a co-organisé une réunion avec le Population Council en mai 2008 afin de réunir des chercheurs, des défenseurs et des responsables de programmes sida en provenance d’autres pays africains pour passer en revue l’état de la recherche et des données probantes autour du VIH et des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en Afrique.

En ouvrant la réunion, le Professeur Miriam Were, Présidente du Conseil national de lutte contre le sida du Kenya, a reconnu les nombreux défis sociaux et culturels en jeu lorsque l’on aborde le risque accru de VIH que courent les hommes qui ont des rapports sexuels entre eux, et a encouragé les participants à voir les choses en face et à élaborer des ripostes constructives pour lutter contre le VIH parmi les hommes qui ont des rapports avec des hommes.

Des données sur la prévalence, le risque et les comportements liés au VIH au sein des groupes d’hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes ont été présentées sur la base des plusieurs études menées au Kenya ainsi que d’études émanant d’Afrique du Sud, du Malawi, de Namibie, du Nigéria, d’Ouganda et de République-Unie de Tanzanie.

Organisateur de réunions et associé auprès du Population Council, Scott Geibel a déclaré : « Ces dernières années on a vu un accroissement des recherches axées sur les besoins liés au VIH des hommes africains qui ont des rapports sexuels avec des hommes. La recherche contribue à susciter un accroissement des ripostes programmatiques. Au Kenya, nous apprécions particulièrement le fait que le Conseil national de lutte contre le sida ait pris en considération les résultats de nos recherches et leur ait permis d’éclairer leurs prises de décisions politiques.

« Par le biais du partage des enseignements tirés avec d’autres programmes nationaux africains de lutte contre le sida, nous espérons voir une accélération des ripostes au VIH ciblées sur les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes dans la région. »

En avril 2008, l’Open Society Institute in Southern Africa (OSISA), le Projet de l’Open Society Institute sur la santé sexuelle et les droits (SHARP) et l’Ecole de santé publique Bloomberg de l’Université Johns Hopkins, ont organisé une réunion au Cap, en Afrique du Sud, regroupant des organisations œuvrant dans les domaines de la recherche et du plaidoyer, et portant sur la prévalence du VIH parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en Afrique du Sud, au Botswana, au Malawi et en Namibie.  

Le partenariat de recherche OSISA/SHARP a été lancé en réponse au manque de financement et de programmes œuvrant pour l’accès à la prévention du VIH et aux services de traitement contre le sida qui ciblent les HSH, en dépit de preuves anecdotiques multiples indiquant que les HSH sont une communauté à haut risque de VIH dans la région.

La réunion était destinée à évaluer les études à assise communautaire, gérées par des organisations nationales d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, qui prennent en compte les comportements à risque liés au VIH et décrivent l’épidémiologie de l’infection à VIH parmi les HSH noirs sur des sites urbains dans les quatre pays visés. 

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« La stigmatisation et la discrimination,
même chez les concepteurs de
programmes de lutte contre le sida et les
décideurs, représente toujours un réel
obstacle à l’élargissement. » a déclaré
Andy Seale Conseiller régional principal
de l’Equipe ONUSIDA d’appui aux régions
pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

En plus du fait que ces études révèlent des niveaux plus élevés de VIH, d’autres questions importantes qui ressortent de divers projets de recherche et initiatives du continent indiquent que de nombreux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en Afrique ont également des partenaires sexuelles féminines et ne s’identifient pas nécessairement en tant que gays.

Toutes les études ont estimé que les rapports sexuels anaux réceptifs non protégés étaient les plus risqués pour la transmission du VIH. Le recours au préservatif, bien que souvent plus élevé que parmi les hétérosexuels sexuellement actifs, était fréquemment signalé comme irrégulier et reste souvent relativement faible.

Andy Seale, Conseiller régional principal de l’Equipe ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, a déclaré : « Malgré les preuves toujours plus nombreuses que les hommes ayant des rapports sexuels entre eux sont affectés de manière disproportionnée par les épidémies de VIH généralisées et hyper-endémiques de l’Afrique, ils sont toujours mal ciblés par les plans stratégiques nationaux de lutte contre le sida et par les programmes et services.

« La stigmatisation et la discrimination, même chez les concepteurs de programmes de lutte contre le sida et les décideurs, représente toujours un réel obstacle à l’élargissement. »

Health & Development Networks et SAFAIDS (le service de diffusion de l’information sur le sida en Afrique australe) ont organisé un forum électronique parmi les praticiens œuvrant dans le domaine du sida en Afrique australe, intitulé ‘Mis à l’écart de la prévention’ afin d’identifier les obstacles à l’élargissement.

« Jusqu’ici la discussion nous en a énormément appris – au cours des premières semaines plusieurs messages ont été envoyés de manière anonyme par des gens craignant d’être associés à des travaux axés sur les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et par ceux qui se sentent incapables de s’engager sur ce thème pour des raisons religieuses et morales, » a déclaré Andy Seale.

Le forum électronique a donné lieu à des échanges utiles entre les praticiens de la lutte contre le sida et les organisations LGTBI (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuels) grâce au partage d’outils, de ressources, de stratégies et d’approches, notamment l’élargissement de la prévention ciblée au niveau communautaire.

« Il est clair que avons encore beaucoup à faire – nous devons mettre de côté les tensions entre les approches fondées sur la santé publique et sur les droits et toutes les questions personnelles entourant la moralité. Dans la région, ceux d’entre nous qui travaillons sur le sida devrions faire en sorte que tous les individus – quelles que soient leurs préférences sexuelles – puissent avoir accès aux services de prévention, de soins et de traitement dont ils ont besoin, » a ajouté Andy Seale.