Reportage

La Conférence internationale sur la réduction des risques s’ouvre à Bangkok

20 avril 2009

Cette semaine, la 20ème Conférence internationale sur la réduction des risques, qui se tient du 20 au 23 avril, réunit des délégués dans la capitale thaïlandaise. Organisée par l’Association internationale de réduction des risques (IHRA), elle a pour thème les droits de l’homme, ce qui souligne l’importance de l’accès universel des consommateurs de drogues injectables à des services de prévention, de traitement, de soins et d’appui dans le domaine du VIH, notamment à des programmes complets de réduction des risques.

Pour les communautés œuvrant en faveur de la réduction des risques, la conférence, qui durera quatre jours, représente l’occasion de partager des idées, des travaux de recherche et des meilleures pratiques, afin de mieux plaider pour l’intégration de la réduction des risques dans les programmes nationaux de lutte contre la drogue et contre le sida.

Le lien thématique entre réduction des risques et droits de l’homme dénonce le fait, de plus en plus clair, que l’accès entravé des consommateurs de drogues injectables à l’ensemble des mesures de réduction des risques – notamment à des aiguilles et à des seringues stériles, au traitement de substitution, à des préservatifs et à des services de conseil et de test VIH – porte atteinte à leur droit individuel de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, sans discrimination d’aucune sorte.

Les lois qui criminalisent la possession de matériel d'injection ou le traitement de substitution sont des obstacles majeurs à l’action contre le VIH, car la peur des mesures répressives et des poursuites judiciaires contraint de nombreux consommateurs de drogues à vivre dans la clandestinité.

« L’un des progrès les plus notables que nous pouvons réaliser en vue de parvenir à l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et à l’appui dans le domaine du VIH consiste à cesser de criminaliser le recours à l’échange d’aiguilles et au traitement de substitution, notamment à la méthadone », a déclaré le Directeur exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé.

L’absence de soutien des autorités publiques à la réduction des risques dans de nombreux pays, les lois qui interdisent les principales composantes des stratégies de réduction des risques et la rigidité des systèmes de réglementation (par exemple : des limites strictes d’importation de traitements de la dépendance aux opioïdes) font qu’il est souvent difficile de pouvoir simplement mettre en œuvre des initiatives de réduction des risques, sans parler d’élargir et d’intensifier de tels programmes.

Le traitement de substitution à la méthadone n’est disponible que dans 52 pays, et 32 pays seulement proposent le traitement de substitution à la buprénorphine. Le traitement de substitution est très peu disponible en Europe orientale et en Asie centrale, où la consommation de drogues injectables représente le mode de transmission du VIH le plus courant.


Accès à la réduction des risques : des progrès importants mais inégaux

Des études ont régulièrement montré que les services de réduction des risques font reculer les infections à VIH et les comportements à risque sans contribuer à un accroissement de la consommation de drogues ou d’autres risques au sein des communautés dans lesquelles ces programmes sont mis en œuvre.

Des faits observés dans différentes régions ont montré qu’il était possible d’élargir et d’intensifier les programmes de réduction des risques, et ce, même face aux résistances publiques. Les caractéristiques communes des programmes à niveau de couverture élevé destinés aux consommateurs de drogues injectables incluent la participation des organisations communautaires, le travail avec les organismes chargés de l’application des lois pour minimiser le harcèlement, des financements adaptés et pérennes, la facilité d’accès pour les usagers, et la participation des consommateurs de drogues injectables aux organes consultatifs et autres structures appropriées.

Au cours des dernières années, des progrès importants mais inégaux ont été enregistrés en matière d’accès à la réduction des risques dans différents milieux. La Chine, par exemple, a élargi les principales composantes de la réduction des risques, atteignant plus de 88 000 personnes avec des traitements d’entretien à la méthadone. En outre, fin 2008, elle avait mis en place 1 109 programmes d’échange d’aiguilles dans 27 provinces. Le Viet Nam a lancé son premier projet pilote de traitement de substitution à la méthadone en 2008, et les programmes de réduction des risques dans le pays ont distribué 15 millions de préservatifs et 7,5 millions d’aiguilles et de seringues au cours des 10 premiers mois de 2007. En 2006, la Bulgarie, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie et la Lituanie ont créé un réseau régional pour élargir et coordonner les services de prévention du VIH destinés aux consommateurs de drogues injectables, avec un financement de la Commission européenne garanti jusqu’en 2009. En Thaïlande, à l’inverse, un récent rapport d’informateurs de la société civile a révélé un développement limité des programmes de réduction des risques malgré l’engagement pris en 2004 par les pouvoirs publics – et dont on a beaucoup parlé – en faveur d’une amélioration de l’accès à la prévention pour les consommateurs de drogues.

Des politiques agressives de lutte contre la drogue empêchent souvent le recours aux programmes de réduction des risques, ce qui souligne la nécessité d’une collaboration entre les ministères de la Santé, de l’Intérieur et de la Justice et d’une sensibilisation du personnel chargé de l’application des lois pour éviter des approches susceptibles de dissuader les gens de participer aux programmes de prévention.

Dans la plupart des pays d’Europe orientale et d’Asie centrale, par exemple, la police arrête parfois des personnes pour la possession de quantités extrêmement faibles de stupéfiants, ce qui peut tout à fait dissuader les consommateurs de drogues de participer à des programmes d’échange de seringues. D’après un rapport officiel de la Géorgie à l’ONUSIDA sur les indicateurs de l’UNGASS, le climat créé par les politiques anti-drogues nationales a fait obstacle aux efforts visant à proposer un accès même minime à des services de désintoxication et de réhabilitation. En Thaïlande, en 2003, la prétendue exécution extrajudiciaire et la violence connexe, qui ont entraîné le décès de plus de 2 000 dealers et consommateurs de drogues présumés, continue d’avoir des répercussions sur la société. Des informateurs de la société civile indiquent que les consommateurs de drogues injectables ont peur d’accéder aux services de réduction des risques et autres services de santé.

Les effets largement bénéfiques des programmes de réduction des risques contrastent avec l'impact limité des approches uniquement répressives sur la réduction de la consommation de drogues et de la criminalité liée à cette consommation. En outre, ces approches s’accompagnent souvent de graves atteintes aux droits de l'homme et de résultats médiocres sur le plan sanitaire pour les consommateurs de drogues.

Lorsque les actions de répression et de santé publique vont de pair, les effets sont très positifs, à l'image des résultats obtenus en Grande Bretagne et en Australie, où la police et les équipes de lutte contre la drogue se consacrent avant tout à combattre la criminalité et s’emploient avec succès à diriger les consommateurs de drogues vers les services de santé et les services sociaux. En Australie, le rendement des investissements placés dans des programmes d’échange d’aiguilles et de seringues durant une décennie a été estimé à 1,5 milliards de dollars américains. Par ailleurs, la Cour suprême d’Indonésie a rendu une décision selon laquelle les consommateurs de drogues injectables ne devaient pas être incarcérés, mais devaient plutôt avoir accès à un traitement.

Le problème mondial de la drogue est complexe et ne peut pas être résolu de manière isolée. Il est urgent que les organisations œuvrant dans les domaines de la lutte contre la drogue et du sida joignent leurs efforts. Le VIH et la consommation de drogues injectables sont deux épidémies distinctes, qui nécessitent néanmoins une stratégie commune.