Reportage

Une joie et un défi pour les mères séropositives : le Cameroun lutte contre la transmission mère-enfant du VIH

21 mai 2010

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UNAIDS Executive Director Michel Sidibé visited the outpatient clinic and maternity ward at Yaoundé’s central hospital. 19 May 2010.

 

Après près de dix ans, Angèle, âgée de 28 ans est à nouveau mère. « Ma fille est ma joie. C’est une petite merveille », affirme cette jeune femme qui a souhaité garder son identité secrète car elle séropositive et vit au Oug-ebe, un bidonville de Yaoundé au Cameroun.

Elle a découvert qu’elle était atteinte du VIH en 2001 après des tests effectués pendant sa première grossesse. Même si elle avait suivi un traitement antirétroviral pour prévenir la transmission du virus à son fœtus, son enfant est né séropositif et est décédé neuf mois plus tard des suites d’une pathologie liée au SIDA. « On m'a dit que j'étais à un stade d’infection très aigu pendant ma grossesse et que les traitements n’avaient donc pas donné de résultats. J’étais anéantie. Mais près de dix ans plus tard, lorsque j’ai appris que la science avait fait des progrès dans ce domaine, j’ai décidé de retomber enceinte », déclare Angèle.

Et son audace a payé et lui a offert un magnifique cadeau : Crissile (nom d’emprunt), une petite fille séronégative en bonne santé. Même si elle savoure chaque instant en compagnie de sa fille, Angèle nous confie qu’elle continue de vivre dans la crainte et le doute. « J’ai toujours peur que l’on me dise un jour que le diagnostic était faux. Ils disent que les tests ne sont pas toujours exacts. ».

En plus de cette angoisse permanente, elle doit également faire face à la stigmatisation et à la discrimination au quotidien. Pendant l’interview, elle a nerveusement fermé les portes et fenêtres afin de garder ses confidences hors de portée de voisins trop curieux. « Nous sommes locataires ici et si le voisinage découvrait que je suis séropositive, nous pourrions nous faire expulser de chez nous. », dit Angèle.

En ce moment, elle est bénévole dans une clinique de jour à l’Hôpital Central de Yaoundé, mais elle n’a pas de travail et doit compter sur le soutien des membres de sa famille.

Ces dix dernières années, la clinique qui offre principalement des soins et traitements aux personnes séropositives a connu de nombreux progrès. L’an dernier, nous avons traité plus de vingt-six mille patients séropositifs et avons placé plus de 6000 d’entre eux en thérapie antirétrovirale. « Il me semble que la discrimination s’est améliorée mais, afin de protéger nos patients séropositifs, nous continuons à cacher ce que nous faisons en disant que nous traitons des pathologies dermatologiques, » déclara le directeur du centre, le Docteur Charles Kouanfack.

Le Cameroun s’est montré précurseur en décentralisant ses réponses face au SIDA. Désormais, presque tous les services de santé sont équipés pour prévenir la transmission mère-enfant du VIH (PTME). Même si la couverture de traitements visant à prévenir la transmission du VIH aux nourrissons concernait près de 34% des femmes séropositives enceintes en 2009, contre seulement 18 % en 2008 ce qui représente une forte amélioration, le pays a encore de nombreux progrès à faire.

Le Docteur Kouanfack affirme que même si les services de santé ont presque atteint leur niveau optimal de couverture de PTME, le problème est que beaucoup de femmes n’accouchent pas dans des hôpitaux ou des cliniques. Les femmes enceintes vivant dans des quartiers ruraux et marginalisés donnent naissance à leurs enfants à domicile avec une sage-femme. La prochaine étape sera donc de mettre en place des stratégies visant à tendre la main aux femmes vulnérables.

Toutefois, le fait d’accroître la couverture du VIH a eu d’autres avantages. « Les ressources destinées au traitement du VIH ont également permis d’améliorer les capacités des systèmes de santé en général. Nous avons pu constater que l’amélioration de la gestion des risques du VIH a permis de renforcer le professionnalisme de nos laboratoires et de notre personnel médical », affirme le Docteur K. Kouanfack.

Le Directeur Exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé, soutient la prévention de la transmission mère-enfant du VIH. Il a fait de l’éradication de la séropositivité chez les nourrissons une priorité majeure. « Il est inacceptable que dans des pays comme la France ou les États-Unis presque aucune femme séropositive ne donne naissance à des enfants atteints du VIH, alors que dans des pays tels que le Cameroun, un grand nombre d’enfants naissent séropositifs, » s’exclame M. Sidibé. « Ce genre d’inégalités est intolérable. Nous savons qu’il est possible d’éviter la transmission mère-enfant du VIH, nous devons donc redoubler d’efforts pour surmonter cette injustice. »

Il a visité le Centre de Traitement du VIH et le service maternité de l’Hôpital Central de Yaoundé cette semaine et a fait l’éloge des efforts réalisés par le Cameroun pour éradiquer la transmission mère-enfant du VIH. Il a toutefois demandé au partenariat de continuer à développer des mesures préventives et de devenir un modèle de PTME en Afrique.