Reportage

« Penser politique » : des stratégies pour une riposte efficace au VIH en Asie et dans le Pacifique

28 août 2011

Le Dr Nafis Sadik, envoyée spéciale du secrétaire général
des Nations Unies pour le VIH/sida, le Dr Kent Buse, conseiller principal auprès de l'UNAIDS, et le Dr Werasit Sittitrai, Croix-Rouge thaïlandaise, lors de l'événement
« Penser politique ».
Photo : ONUSIDA/Kim

Des militants, des universitaires et des chargés de programmes sur le VIH se sont rencontrés à Busan, en Corée du Sud, à l'occasion du 10e congrès international sur le sida dans la région de l'Asie et du Pacifique (ICAAP 10), afin d'étudier et de débattre des complexités politiques de la riposte au VIH. L'événement, intitulé « Sciences politiques et politiques sur le VIH en Asie et dans le Pacifique », a mis en évidence la nature souvent hautement contestée de la riposte à l'épidémie.

Cet événement a été organisé dans le cadre d'une initiative mondiale pilotée par l'ONUSIDA et la Société internationale du sida, appelée « Penser politique pour la riposte au sida ». Cette initiative cherche à renforcer l'aptitude des personnes engagées dans cette riposte à comprendre et à influencer les pouvoirs politiques de façon plus systématique, afin de créer un environnement propice pour une riposte efficace au sida.

Les participants ont partagé des analyses politiques efficaces, qui ont permis d'identifier les opportunités stratégiques de faire progresser l'agenda sur le VIH dans une direction positive dans les pays de l'ensemble de la région.

« Lorsque j'ai débuté mes travaux sur la santé reproductive, j'ai découvert beaucoup de suspicion et d'ignorance, même parmi les personnes les mieux informées. Une grande partie de cette attitude négative a aujourd'hui disparu », a déclaré Nafis Sadik, envoyée spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour le VIH/sida. « Les dirigeants politiques ont finalement compris qu'ils avaient davantage à gagner qu'à perdre en répondant à la demande latente considérable en faveur de services de santé reproductive, tout particulièrement chez les femmes, et la même remarque s'applique pour le VIH. »

Les dirigeants politiques ont finalement compris qu'ils avaient davantage à gagner qu'à perdre en répondant à la demande latente considérable en faveur de services de santé reproductive, tout particulièrement chez les femmes, et la même remarque s'applique pour le VIH

Dr Nafis Sadik, envoyée spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour le VIH/sida

Certains pays de la région Asie-Pacifique ont fait montre d'une action politique de riposte impressionnante au cours des dix dernières années. La Thaïlande est un parfait exemple de « success story » des années 1990, avec une baisse drastique du nombre de nouvelles infections au VIH (de 143 000 nouvelles infections en 1991 à 29 000 en l'an 2000). Le Dr Werasit Sittitrai, de la Croix-Rouge thaïlandaise, est intervenu pour expliquer la manière dont ces résultats ont pu être obtenus, grâce à une transformation du paysage politique rendue possible par une sensibilisation basée sur des preuves probantes et par les pressions incessantes de la société civile. « L'une des stratégies les plus réussies a consisté à présenter les conséquences économiques potentielles d'une inaction de nos dirigeants politiques », a-t-il expliqué. 

Même si la région peut aujourd'hui se féliciter des progrès accomplis, la riposte au VIH ne s'en trouve pas moins à un véritable tournant. Les programmes sont retardés par la saturation des donateurs et de nombreux pays appliquent encore des lois et des politiques qui empêchent dans les faits les personnes vivant avec le VIH et les populations les plus exposées au risque d'accéder aux services qui pourraient leur sauver la vie. Dans ce contexte, une meilleure appréciation par les pouvoirs politiques des défis à relever est cruciale pour poursuivre dans la voie du succès - notamment pour la prochaine génération de dirigeants.

L'une des stratégies les plus réussies a consisté à présenter les conséquences économiques potentielles d'une inaction de nos dirigeants politiques

Dr Werasit Sittitrai, Croix-Rouge thaïlandaise

Selon le Dr Kent Buse, président de la session et conseiller principal auprès de l'ONUSIDA, « la riposte au sida est hautement politique parce que certains comportements qui exposent les populations au VIH, à savoir les rapports sexuels, le commerce du sexe et la consommation de drogues, sont tabous dans de nombreuses sociétés. Les personnes qui vivent avec le VIH et qui sont touchées par le virus doivent donc constamment défier les valeurs et les idéologies des leaders et de la communauté internationale. »

Parmi les autres intervenants à l'occasion de cet événement, citons le Professeur Dennis Altman, de l'Université de La Trobe, co-président du Groupe consultatif sur le penser politique, et le Dr David Stephens de RTI International.

Les discussions tenues lors de cette session alimenteront des débats plus vastes ainsi que des événements organisés à l'occasion de la Conférence Internationale de 2012 sur le sida (Washington DC, États-Unis). Une édition spéciale de Contemporary Politics, contenant des études de cas portant sur les éléments de riposte politique au VIH mis en œuvre dans certains pays, est en cours de préparation et devrait être publiée avant la Conférence de 2012.