Reportage

Des professionnels de la justice se réunissent à Dakar pour une consultation sur le VIH, la loi et les droits humains

08 février 2011

Le 7 février, le Directeur exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé, est intervenu lors de la cérémonie d’ouverture d’une consultation de haut niveau sur le VIH, la loi et les droits humains à Dakar, au Sénégal.

Des ministres de la Justice et des juges de plusieurs pays d’Afrique centrale et occidentale se sont réunis du 6 au 8 février à Dakar, au Sénégal, pour une consultation de haut niveau sur le VIH, la loi et les droits humains. Cette réunion visait à renforcer l’engagement des professionnels de la justice dans les ripostes nationales au VIH.

80 % des pays d’Afrique centrale et occidentale sont dotés de lois qui criminalisent la transmission du VIH, les relations homosexuelles et le travail du sexe. Dans cette région, les personnes vivant avec le VIH font l’objet de stigmatisations et de discriminations lors de l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé et aux services sociaux. Ces personnes et les populations clés exposées au VIH – comme les travailleurs du sexe et les homosexuels – ont un accès limité au soutien juridique en cas d’injustice dans plusieurs de ces pays.

« Les lois doivent contribuer à la riposte au sida et non s’y opposer – elles ne doivent pas nuire à la santé ou à la survie d’une personne », a déclaré le Directeur exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé, dans ses remarques liminaires lors de la consultation. « Nous devons mettre fin aux discriminations et aux injustices liées au sida », a-t-il ajouté. Il a invité les ministres de la Justice à fonder leurs lois sur les résultats scientifiques et à garantir à tous l’égalité d’accès à la prévention, aux traitements, aux soins et au soutien contre le VIH.

Les lois doivent contribuer à la riposte au sida et non s’y opposer – elles ne doivent pas nuire à la santé ou à la survie d’une personne

Le Directeur exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé

« Nous ne pouvons plus ignorer que la loi constitue un moyen de combattre le VIH », a déclaré le ministre sénégalais de la Justice, le cheikh Tidiane Sy, en faisant remarquer que l’épidémie avait donné lieu à des cas juridiques difficiles et à des affaires liées aux droits humains complexes pour la jurisprudence des pays de la région. Il a également souligné que les professionnels de la justice ne doivent pas seulement rendre des décisions dans les tribunaux mais qu’ « il est tout aussi important que les magistrats s’engagent dans des actions à même d’accroître les connaissances juridiques des populations et de leur garantir l’accès à la justice ».

La consultation – qui était organisée par le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Association africaine des Hautes juridictions francophones (AAHJF) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) – a donné lieu à une discussion sur plusieurs jugements, instruments juridiques et initiatives nationales liés au VIH. Elle a également offert un forum aux personnes directement impactées par les lois relatives au VIH, comme les personnes séropositives, pour un partage d’expériences et de perspectives.

S’adressant aux participants le dimanche, Jeanne Gapiya Niyonzima, qui est séropositive et présidente de l’Association burundaise des personnes vivant avec le VIH, a révélé que son médecin lui avait immédiatement ordonné la suppression de son enfant à naître et l’ablation de son utérus après un dépistage positif au VIH. « En tant que magistrats, vous pouvez pleinement mesurer la gravité de ce type d’abus et son impact sur l’intégrité physique et sociale de la personne concernée », a-t-elle souligné. « Si nous ne réussissons pas à bâtir un environnement social et juridique en faveur de la vie, nous risquons de perdre tous les gains acquis par la riposte au VIH », a-t-elle ajouté.

Les professionnels de la justice peuvent en effet jouer un rôle crucial dans la protection des droits humains et la promotion de la riposte au VIH. Au Burkina Faso par exemple, un pays où 1,2 % de la population adulte est estimée séropositive, le Programme d’appui au monde associatif et communautaire (PAMAC), qui est dirigé par le PNUD, collabore avec des organisations à but non lucratif et un juge et défenseur des droits humains – David Kaboré – sur un projet de formation juridique qui promeut et protège les droits des personnes vivant avec le VIH. Ce projet, lancé en 2003, fournit des conseils juridiques gratuits et confidentiels aux personnes séropositives. Il a contribué à mettre en lumière et à résoudre des cas de discrimination liés au VIH dans le pays.

Dans le monde, de nombreux États  maintiennent des lois et des politiques qui affaiblissent les ripostes au VIH et punissent, sans les protéger, les personnes en difficulté. 79 pays criminalisent les relations homosexuelles entre adultes consentants. Plus de 100 pays, territoires et régions punissent certaines pratiques du travail du sexe. 48 pays, territoires ou entités imposent une certaine forme de restriction à l’entrée, au séjour et à la résidence des personnes séropositives en raison de leur statut sérologique.

L’ONUSIDA se mobilise en faveur des lois et des mesures protectives à même de permettre aux personnes en difficulté de bénéficier de programmes anti-VIH et d’avoir accès à la justice quels que soient leur état médical, leur sexualité et leur lien avec la drogue ou le travail du sexe.

L’année dernière, l’ONUSIDA et le PNUD ont lancé la Commission mondiale sur le VIH et le droit et réuni, à cette occasion, des dirigeants du secteur public de divers horizons sociaux et géographiques, des experts juridiques et des spécialistes des droits de l’homme et du VIH. La Commission, qui est dirigée par le PNUD, agit pour permettre aux lois de soutenir les ripostes au sida efficaces.