Reportage

Trouver un vaccin contre le sida dans le contexte de la combinaison des moyens de prévention

18 septembre 2012

William Snow, Directeur exécutif de la Global AIDS Vaccine Enterprise, organisatrice de la conférence, lors de son intervention à l'occasion de la cérémonie d'ouverture.
Photo : Rick Friedman

Entre le 9 et le 12 septembre, plus d'un millier de chercheurs et militants anti-VIH se sont réunis à Boston à l'occasion de la Conférence sur le vaccin contre le sida 2012 et ont discuté de la contribution de la science des vaccins à la réussite de l'objectif de zéro nouvelle infection à VIH dans un contexte de prévention du VIH de plus en plus complexe.

Plusieurs méthodes de prévention du VIH, notamment l'usage du préservatif masculin et féminin, la circoncision masculine médicalisée volontaire, la prévention des nouvelles infections à VIH chez les enfants, la prophylaxie post-exposition (PPE), la prophylaxie préexposition (PPrE) et le traitement préventif, sont aujourd'hui devenues des outils bien établis qui permettent aux personnes d'éviter l'exposition au VIH ou de réduire leur degré de contagion. Des études de modélisation prévoient qu'en élargissant l'accès à des combinaisons stratégiques de ces méthodes adaptées aux besoins locaux, les programmes nationaux de lutte contre le VIH permettront de réduire de manière significative le nombre de nouvelles infections à VIH.

Avons-nous vraiment besoin d'un vaccin ?

Malgré les données récentes prouvant que le traitement anti-VIH permet de prévenir la transmission du virus, ainsi que le fait que la découverte et le développement d'un vaccin s'avèrent coûteux en termes de temps et de financement (845 millions de dollars rien qu'en 2011), les principaux responsables en charge des différents aspects de la recherche sur le VIH présents lors de la conférence se sont accordés à l'unanimité sur la nécessité de poursuivre la quête d'un vaccin contre le VIH.

Nos connaissances sont plus précises et avancent beaucoup plus vite vers des méthodes et des produits qui possèdent une grande probabilité de réussite dans le cadre des essais cliniques

Professeur Glenda Gray, Directrice exécutive de l'Unité de recherche périnatale sur le VIH de l'Université de Witwatersrand et Directrice des programmes du Réseau pour les essais de vaccin anti-VIH en Afrique

Le Professeur Myron Cohen de l'Université de Caroline du Nord de Chapel Hill, qui a dirigé l'étude internationale du Réseau pour les essais de prévention du VIH ayant prouvé l'efficacité du traitement contre le sida dans le cadre de la prévention (étude HPTN 052), a déclaré que l'élargissement de l'accès au traitement relevait à la fois d'un impératif en matière de droits de l'homme et d'une mesure de santé publique efficace. Dans le même temps, il a pesé de tout son poids en faveur de la recherche d'un vaccin contre le VIH d'efficacité maximale. « Nous sommes conscients du fait qu'un traitement capable de supprimer l'infection à VIH réduit de façon drastique la probabilité d'une transmission du VIH, ce qui devrait finalement ralentir la propagation du virus. Mais un traitement urgent à grande échelle du VIH ne saurait se substituer à un vaccin préventif. Nous avons besoin d'un vaccin contre le VIH », a expliqué le Dr Cohen.

Essais de vaccin

L'essai de vaccin RV144 réalisé en 2009 en Thaïlande, qui testait une combinaison de deux vaccins, a donné un taux d'efficacité modeste de 31 %. Toutefois, il a suscité une grande série de nouvelles questions sur la manière dont le système immunitaire humain peut répondre au VIH et à quel moment. « Nos connaissances sont plus précises et avancent beaucoup plus vite vers des méthodes et des produits qui possèdent une grande probabilité de réussite dans le cadre des essais cliniques », a expliqué le Professeur Glenda Gray, Directrice exécutive de l'Unité de recherche périnatale sur le VIH de l'Université de Witwatersrand et Directrice des programmes du Réseau pour les essais de vaccin anti-VIH en Afrique. Actuellement, il n'y a qu'un seul essai de vaccin anti-VIH en cours, qui vise à tester une combinaison de vaccins expérimentaux sur des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des femmes transsexuelles aux États-Unis (HVTN 505). D'autres études sont prévues, notamment trois études destinées à améliorer les résultats du RV144 en Afrique du Sud et en Thaïlande, mais elles ne devraient pas commencer avant 2014.

Synergies entre les stratégies de prévention avec vaccin et sans vaccin

Selon les scientifiques présents à la conférence, pour évaluer toute nouvelle technique dans le cadre d'essais sur les humains, il faut d'abord prouver l'innocuité du nouveau produit, puis le tester par rapport à la norme de traitement ou de prévention. Ils ont fait remarquer à cet égard qu'à mesure que cette norme évolue pour inclure de nouveaux outils tels que la circoncision masculine médicalisée, la PPrE et le traitement anti-sida précoce, des schémas d'essai plus complexes sont nécessaires pour évaluer l'efficacité de la nouvelle technique, ce qui requiert des échantillons plus étendus.

De gauche à droite : Le Dr Dan Barouch, Professeur de médecine à la Harvard Medical School, Chef de la Division de recherche sur les vaccins au Centre médical des Diaconesses Beth Israël et Co-président de la Conférence sur le vaccin contre le sida 2012, et le Dr Anthony Fauci, Directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses.
Photo : Rick Friedman

Le Dr Anthony Fauci, Directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, a souligné qu'étant donné que d'autres stratégies de prévention en partie efficaces sont disponibles, le monde n'aura pas forcément besoin d'un vaccin apportant une protection à 95 %. D'après lui, un vaccin capable de réduire le risque en combinaison avec d'autres stratégies de prévention pourrait être suffisant. Les chercheurs présents lors de la conférence ont déclaré qu'il existait également des indications selon lesquelles les méthodes de prévention basées sur les traitements antirétroviraux pourraient accroître les effets du vaccin ou offrir une protection pendant la période postérieure à la vaccination, lorsque le système immunitaire doit intensifier la production d'anticorps protecteurs.

Renforcer les connaissances avec un seul essai à la fois

Les participants ont admis que la production à grande échelle d'un vaccin prophylactique anti-VIH ne serait pas envisageable avant plus d'une décennie dans le meilleur des cas. La découverte du vaccin, son développement, l'obtention d'une licence officielle, l'élargissement de la production et la fourniture prennent de nombreuses années et nécessitent d'importants investissements. Mathew Rose, Responsable des programmes pour la Young Black Gay Men’s Leadership Initiative, a utilisé une métaphore empruntée à la boxe pour expliquer le défi à venir. Pour soutenir l'enthousiasme et l'engagement jusqu'à la découverte d'un vaccin efficace contre le sida, « nous devons cesser d'attendre l'unique coup qui mettra l'adversaire K.-O. et, à la place, nous devons parfaire l'art du direct », a déclaré M. Rose. « Chaque essai clinique peut donner la réponse finale ou ouvrir davantage de questions clés », a-t-il ajouté. Selon M. Rose, chaque nouvelle question nécessitera un examen stratégique, un nouveau « direct » qui permettra de renforcer les connaissances générales sur la manière dont le corps humain détecte et combat l'infection, de même que les capacités scientifiques pour faire échec une fois pour toutes au VIH.