Reportage

Briser la loi du silence

22 janvier 2013

Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’ONUSIDA, en compagnie de Florence Ngoqo (à gauche) et de la grand-mère maternelle de Thabang Lebese, âgée de 101 ans (à droite).
Photo : ONUSIDA/M.Safodien

Thabang Lebese était un petit garçon qui avait grandi dans le quartier d'Orlando East à Soweto. Dès son plus jeune âge, il tape dans un ballon et impressionne sa famille par son talent sur le terrain. Il n'attendra pas longtemps avant de se voir offrir l'opportunité d'intégrer l'un des plus grands clubs de football d'Afrique du Sud et, à l'âge de 15 ans, il joue dans l'équipe junior des Kaizer Chiefs.

Au cours de ses 13 années de carrière, Thabang aura joué 279 matches en première ligue de football (PSL). Il restera l'un des rares joueurs à avoir exercé dans de grandes équipes : les Chiefs, les Orlando Pirates et les Moroko Swallows. Aujourd'hui encore, les gens se souviennent de ce joueur aimé et adulé de tous et de sa célèbre danse de la victoire qu'il exécutait après chaque but qu'il marquait.

Début février 2012, Thabang est admis à l'Hôpital Helen Joseph pour « une raideur de la nuque et un terrible mal de tête ». Il s'éteindra quelques jours plus tard, le 12 février 2012. Deux semaines après son décès, sa famille annoncera publiquement que Thabang est mort d'une maladie liée au sida.

« En agissant ainsi, nous voulions faire cesser les rumeurs et les ragots. Nous voulions que les gens sachent pour qu'il n'y ait aucune spéculation sur les causes de la mort de Thabang », avait alors déclaré la tante de Thabang, porte-parole de la famille, Naomi Lebese.

Sa famille racontera que Thabang vivait et souffrait seul et en silence, avec seulement quelques amis qui connaissaient la vérité mais ignoraient comment l'aider. Il souhaitait révéler son état, mais c'était trop tard.

« Thabang avait trop peur pour dévoiler publiquement son état sérologique », explique Mabalane Mfundisi, Directeur de Show Me Your Number, le programme de prévention du VIH de l'Union sud-africaine des joueurs de football. « Je pense que les stars du football ont plus de mal à révéler leur état que les gens ordinaires, précisément parce qu'il est tellement plus difficile pour elles de tomber en disgrâce. La pression immense que vivent les joueurs de football les oblige à se montrer parfaits et performants ; et après avoir vécu sous le feu des projecteurs de cette façon, il est difficile d'admettre que l'on est un simple mortel ».

« Tout le monde doit savoir que si une personne est diagnostiquée séropositive au VIH, elle n'est pas toute seule et il existe de multiples moyens de l'aider, notamment avec un traitement vital contre le VIH », explique le Directeur exécutif de l'ONUSIDA Michel Sidibé.

Il est très important de briser la loi du silence qui existe autour du VIH

Michel Sidibé, Directeur exécutif de l'ONUSIDA

L'histoire de Thabang montre que malgré un programme de lutte contre le sida ambitieux, la stigmatisation liée au sida est encore répandue au sein des communautés sud-africaines.

L'ONUSIDA, Show Me Your Number, le Conseil national sud-africain sur le sida (SANAC) et la famille de Thabang se sont associés pour élaborer une annonce de service public racontant l'histoire de Thabang, de manière à mettre en lumière les problèmes liés à la stigmatisation, au silence et au secret qui entourent le VIH. Cette annonce coïncide avec le début de la Coupe d'Afrique des Nations 2013, organisée en Afrique du Sud du 19 janvier au 10 février.

« Il est très important de briser la loi du silence qui existe autour du VIH », a déclaré M. Sidibé. « C'est ce qu'a fait la famille Lebese et ainsi, elle va sauver des vies », a-t-il ajouté.

« Nous pensons pouvoir utiliser l'histoire de Thabang pour aider d'autres personnes dans la même situation », explique la mère de Thabang, Florence Ngoqo. « Nous espérons que les gens qui verrons notre message s'adresseront à leurs proches pour leur demander de l'aide et parler de leur état. Les gens doivent parler et les communautés doivent cesser de vivre dans le déni ».