Reportage

Les nations du Pacifique cherchent des solutions au problème des lois et des politiques qui bloquent l'accès aux services de lutte contre le VIH

02 mai 2013

Le Président des îles Fidji, Son Excellence Ratu Epeli Nailatikau (au centre) s'est joint aux délégués de différentes nations (Fidji, Kiribati, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Îles Salomon, Tuvalu et Vanuatu) pour réviser les lois et les politiques qui ont un impact sur les initiatives et les programmes de santé et de lutte contre le VIH.
Photo : ONUSIDA

Pour Kapul Robert*, militant et leader communautaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG), accéder aux services de lutte contre le VIH constitue un défi constant. « La Papouasie-Nouvelle-Guinée possède une loi qui affirme que la sodomie est illégale et cette loi contribue à la forte stigmatisation rencontrée au sein de la société tant envers les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes qu'envers les personnes transsexuelles. »

Quasiment toutes les nations du Pacifique, ainsi que la plupart des pays de la région Asie-Pacifique, présentent des exemples de lois et de pratiques qui criminalisent les personnes qui vivent avec le VIH ou qui sont les plus exposées au risque d'infection, comme les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les personnes transsexuelles, les migrants et les personnes incarcérées. De telles lois et politiques punitives soutiennent la violence et la discrimination et contribuent à la mise en place d'obstacles considérables à l'accès aux services en relation avec le VIH.

Selon M. Robert, qui se présente comme un HSH, il est quasiment impossible à un membre de la population générale de Papouasie-Nouvelle-Guinée d'avouer qu'il a des rapports sexuels avec des hommes sous peine de subir une discrimination immédiate. « C'est très dur d'en parler », explique-t-il. « Si certains sont envoyés dans des cliniques rurales publiques, ils n'y retournent pas tout simplement parce qu'ils ont trop peur d'être jugés. Ils ne peuvent donc recevoir les résultats de leurs tests de dépistage du VIH ou leurs médicaments », précise-t-il. « La loi ne permet pas de se présenter comme HSH ou comme transsexuel ».

En réaction à ces défis, les leaders des secteurs du gouvernement, de la santé, de la justice et de la communauté de sept nations des îles du Pacifique (Fiji, Kiribati, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Îles Salomon, Tuvalu et Vanuatu) se sont rassemblés pour une consultation à Nadi, dans les îles Fidji, à la fin du mois d'avril. L'objectif était d'identifier les actions concrètes nécessaires au niveau des pays pour éliminer les lois punitives, les pratiques d'application de la loi et les problèmes d'accès à la justice afin d'améliorer et de renforcer l'accès aux services de lutte contre le VIH.

« Les nations des îles du Pacifique ont déjà montré leur leadership en matière de riposte au VIH par le passé, et ont joué un rôle crucial en générant un élan en faveur des avancées vers des objectifs communs », a déclaré le Président des îles Fidji, Son Excellence Ratu Epeli Nailatikau. « Mais il nous reste moins de 1 000 jours jusqu'à la date limite fixée pour atteindre les objectifs en matière de VIH. Nous avons aujourd'hui l'opportunité d'identifier les principaux aspects de l'environnement juridique qui entravent l'accès aux services de lutte contre le VIH, et de définir un plan d'action limité dans le temps pour les éliminer. »

Si les lois changeaient, le nombre de cas de VIH parmi les HSH baisserait. Les personnes auraient moins l'impression de subir une discrimination et seraient alors en mesure d'accéder aux services de dépistage du VIH et au traitement antirétroviral

Kapul Robert, militant et leader communautaire

Grâce à cette consultation, des exemples de progrès dans plusieurs pays du Pacifique, dont les îles Fidji, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, où de nombreuses lois punitives ont été révisées ou supprimées, ont été présentés comme des modèles à suivre dans la région. Les actions identifiées dans les plans nationaux et susceptibles d'être reproduites dans les autres nations du Pacifique s'échelonnent d'un soutien apporté à la progression des lois sur le VIH au niveau parlementaire à la sensibilisation des autorités judiciaires et des forces de l'ordre sur les questions clés en matière de justice et de droits de l'homme.

« Il s'agit de la première révision juridique de ce type dans la région Asie-Pacifique », affirme Steven Kraus, Directeur de l'ONUSIDA pour l'Asie et le Pacifique. « Toutes ces nations se sont rassemblées pour tenir un dialogue communautaire significatif et pour échanger avec leurs pairs pour identifier les actions prioritaires. Ce leadership et cette stratégie fortement inclusive mettent le Pacifique sur la voie de la fin de l'épidémie du sida », ajoute-t-il.

Les plans d'actions définis seront mis en œuvre au niveau national et soutenus par des partenariats avec le Secrétariat de l'équipe ressource du Pacifique pour les droits régionaux (RRRT), l'ONUSIDA, le PNUD, l'OIT et d'autres partenaires régionaux.

Pour Kapul Robert, une attention plus poussée aux réformes juridiques et aux pratiques d'exécution de la loi dans le contexte de la riposte au VIH est accueillie très favorablement. « Si les lois changeaient, le nombre de cas de VIH parmi les HSH baisserait. Les personnes auraient moins l'impression de subir une discrimination et seraient alors en mesure d'accéder aux services de dépistage du VIH et au traitement antirétroviral. »

*Ce nom a été modifié afin de protéger l'identité de la personne interrogée.