Reportage

Des personnalités scientifiques mondiales examinent les stratégies pour atteindre l'objectif 90-90-90

22 juillet 2015

D'éminents chercheurs sur le VIH décrivant les résultats de plusieurs essais cliniques menés en Afrique subsaharienne ont déclaré que les modèles de prestation de services innovants permettaient d'obtenir des résultats dans la cascade du traitement du VIH qui approchent ou dépassent l'objectif 90–90–90.

Les résultats de ces études ont été présentés lors d'une journée de séminaire organisée par le British Columbia Centre for Excellence in HIV/AIDS et le Département Sida de l'Université de Colombie-Britannique, à la veille de l'ouverture de la 8e Conférence de la Société internationale du sida sur la pathogénèse, le traitement et la prévention du VIH à Vancouver, au Canada. Ces études sont en cours de réalisation dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne très touchés par le virus, à savoir Botswana, Kenya, Malawi, Afrique du Sud, Swaziland, Ouganda et Zambie.

« Ces résultats d'essais cliniques exceptionnels montrent une nouvelle fois à quel point l'innovation fait progresser la riposte au sida », a déclaré Michel Sidibé, le Directeur exécutif de l'ONUSIDA. « Les résultats démontrent que l'objectif 90-90-90 est bien plus qu'un rêve. Il est parfaitement réalisable ».

Diane Havlir, de l'Université de Californie à San Francisco, a présenté les résultats provisoires de l'essai SEARCH (Sustainable East Africa Research for Community Health), mené auprès de plus de 30 communautés rurales du Kenya et de l'Ouganda. Impliquant plus de 334 000 participants, l'essai SEARCH évalue un programme à plusieurs composantes, notamment l'usage de campagnes de dépistage de plusieurs maladies centrées sur les communautés, visant à proposer le dépistage du VIH et à mettre en relation les individus testés séropositifs au VIH avec le lancement immédiat d'un traitement antirétroviral.

Au niveau d'une population, le programme SEARCH a permis d'atteindre un taux de connaissance de l'état sérologique vis-à-vis du VIH de 90 %. Parmi les participants vivant avec le VIH, plus de 90 % des Ougandais et 83 % des Kenyans bénéficient actuellement d'un traitement antirétroviral. Au bout de 24 semaines, 92 % des participants à l'essai qui avaient entamé un traitement antirétroviral présentaient une suppression de la charge virale.

Des résultats tout aussi encourageants, bien que préliminaires, ont été présentés par l'essai PopART mené par Richard Hayes de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Auprès de 21 communautés, l'essai évalue un ensemble combiné de prévention du VIH incluant des campagnes répétées de dépistage du VIH à l'échelle communautaire et un lancement immédiat du traitement antirétroviral pour toutes les personnes diagnostiquées séropositives au VIH. Parmi plus de 115 000 membres des communautés visés dans l'essai, 90 % de tous les hommes vivant avec le VIH et 92 % de toutes les femmes vivant avec le VIH étaient au courant de leur état sérologique à la suite du programme PopART. Chez les personnes diagnostiquées séropositives au VIH, 62 % des hommes et 65 % des femmes ont été mis sous traitement antirétroviral, soulignant la nécessité de renforcer davantage la mise en relation avec les soins pour les personnes vivant avec le VIH. Les données sur les taux de suppression de la charge virale chez les participants au programme PopART seront disponibles l'an prochain.

Max Essex, de la School of Public Health de l'Université de Harvard, a présenté des conclusions de base pour le Protocole de prévention combiné mené au Botswana. M. Essex et ses collègues ont constaté que 79 % de toutes les personnes vivant avec le VIH au Botswana connaissaient leur état sérologique vis-à-vis du VIH mi-2015, que 86 % des personnes diagnostiquées séropositives au VIH recevaient un traitement antirétroviral et que 96 % des personnes sous traitement antirétroviral avaient vu leur charge virale disparaître.

Des résultats tout aussi impressionnants ont été obtenus par le programme de Médecins Sans Frontières (MSF) dans le district de Chiradzulu au Malawi, selon David Maman de MSF. À Chiradzulu, 77 % de toutes les personnes vivant avec le VIH connaissent désormais leur état sérologique vis-à-vis du VIH, 84 % des personnes diagnostiquées séropositives au VIH reçoivent un traitement antirétroviral et 91 % des personnes sous traitement antirétroviral ont vu leur charge virale disparaître.

François Dabis, de l'Institut de Santé publique de Bordeaux, a décrit les résultats préliminaires d'un autre essai mené dans le district de Hlabisa, au KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, sur une initiative dépistage/traitement composée de campagnes de dépistage sur six mois au niveau communautaire et de la mise en place de sites de traitement antirétroviral dans toutes les communautés concernées par l'étude. Chez les plus de 26 000 membres des communautés étudiées, 85 % connaissent désormais leur état sérologique vis-à-vis du VIH. Parmi les personnes diagnostiquées séropositives au VIH touchées par le programme, 86 % bénéficient d'un traitement antirétroviral. Les résultats de l'étude indiquent que la mise en relation avec les soins reste insuffisante et demeure un point de focalisation important pour les futurs travaux et l'innovation.

Plusieurs thèmes majeurs sont ressortis de ces conclusions. Les chercheurs ont mis l'accent sur l'importance et la valeur de l'engagement et de la collaboration des communautés locales dans le développement d'approches programmatiques qui correspondent aux besoins et aux conditions locaux. La plupart des études ont aussi adopté des approches pluridisciplinaires en matière de développement, de suivi et d'évaluation des programmes, impliquant des experts en sciences sociales, des économistes et des représentants des communautés, de même que des médecins et des biostatisticiens.