Reportage

Ghana : lever les barrières de la stigmatisation et de la discrimination pour les femmes

27 mars 2017

Patience Eshun, une grand-mère et veuve Ghanéenne dont la fille est décédée l’an dernier du VIH, sait à quel point la discrimination liée au VIH peut être destructrice. « Ma fille refusait d’aller à l’hôpital pour chercher des médicaments. Elle est morte à cause de la peur de la stigmatisation et de la discrimination », explique-t-elle.

Mme Eshun est l’une des milliers de veuves vivant au Ghana qui ont vécu les effets de la stigmatisation et de la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH. Mme Eshun et un groupe de femmes ont rencontré la Directrice exécutive adjointe de l’ONUSIDA Jan Beagle pour discuter des problèmes auxquels se heurtent les veuves et les femmes vivant avec le VIH, à l’occasion d’un dialogue organisé par la Fondation Mama Zimbi (MZF), une organisation non gouvernementale qui soutient les veuves et leur donne des moyens d’autonomisation via son projet WANE (Widows Alliance Network).

Mme Beagle s’est rendue au Ghana pour s’engager auprès du gouvernement et d’autres parties prenantes dans le cadre de la Présidence ghanéenne du Conseil de coordination du Programme de l’ONUSIDA.

Au Ghana, les femmes comptent parmi les personnes les plus touchées par le VIH. Chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, la prévalence est quasiment deux fois plus élevée que chez les hommes du même âge (2 % contre 1,3 %). Les veuves sont parmi les femmes les plus pauvres du Ghana, et leur pauvreté est liée à la privation de leurs droits et au manque d’accès à la justice à cause de coutumes, de traditions et de codes religieux discriminatoires. Les veuves ghanéennes sont souvent confrontées à des lois qui ne favorisent pas la protection de leurs droits. Lorsqu’elles perdent leur conjoint, elles sont régulièrement dépossédées de leurs terres et de leurs biens et expulsées de leur domicile. Pour les veuves vivant avec le VIH, la stigmatisation et la discrimination sont souvent exacerbées.

En réponse à ces problèmes, Akumaa Mama Zimbi, une Ghanéenne leader de la défense des droits des femmes et présentatrice d’émissions télévisées et radiophoniques, a lancé un réseau (WANE) destiné à soutenir le développement socioéconomique durable des veuves. Ce projet permet d’apporter aux veuves du Ghana des aptitudes professionnelles, une éducation aux droits de l’homme et un accès à des programmes de santé reproductive et d’intégration sociale. Par l’intermédiaire de WANE, plus de 400 groupes de veuves se sont formés au Ghana, avec un total atteignant plus de 8 000 membres à l’échelle nationale. L’organisation propose aussi de petits ateliers de formation et de génération de revenus pour les veuves dans les domaines de la couture, de la cuisson du pain, de l’apiculture et des petites exploitations agricoles.

« Nous nous engageons avec passion pour défendre une politique complète et une orientation juridique qui permettent de relever le niveau de vie des veuves, et de toutes les femmes, au Ghana. Nous devons rendre les femmes autonomes tout en s’assurant que les hommes participent aussi pleinement à la discussion : nous devons travailler ensemble pour un avenir meilleur », explique Mme Zimbi.

Lors de la réunion, Ogyedom Tsetsewah, Reine mère (leader communautaire traditionnel) et militante des droits des femmes, a expliqué que si une veuve était confrontée à une injustice, elle n’avait que peu voire aucun recours au sein de sa communauté et devant les tribunaux, et que les chefs traditionnels avaient un rôle important à jouer. « Il est évident que les chefs traditionnels ont un rôle à jouer auprès des dirigeants politiques nationaux en ce qui concerne la situation des veuves et l’importance critique d’un investissement dans la protection sociale des veuves afin de leur permettre de contribuer à la résilience de la communauté », a-t-elle déclaré.

Les femmes et les jeunes présents ont partagé leurs expériences de discrimination et de souffrance liées au VIH. Le dialogue a été très franc, avec de nombreuses femmes évoquant leurs propres impressions sur des amis touchés par des attitudes de stigmatisation et de discrimination, y compris de leur part. 

Mme Beagle a félicité les veuves pour leur courage et leur résilience, tout en faisant remarquer que « les veuves vivant avec le VIH sont souvent confrontées à une triple discrimination : parce qu’elles sont veuves, parce qu’elles sont des femmes et à cause de leur statut vis-à-vis du VIH. Grâce à l’autonomie économique, elles deviennent indépendantes et occupent même des places de chefs au sein de leurs communautés, elles peuvent favoriser la sensibilisation au VIH et lutter contre la stigmatisation et la discrimination ».

La MZF travaille actuellement à la création d’un lieu permanent destiné à proposer une formation professionnelle, une éducation aux droits de l’homme, ainsi que des programmes de santé reproductive et d’intégration sociale pour les filles de veuves vulnérables au Ghana. Une fois mise en place, cette initiative permettra à plus de 3 000 jeunes femmes en situation de précarité d’accéder à des compétences et à l’emploi.