D’impressionnants progrès dans certains pays mais de préoccupants échecs dans d’autres, alors que les ressources disponibles pour la lutte contre le VIH sont en recul d’un milliard de dollars
ESHOWE/GENÈVE, 16 juillet 2019 — Selon un rapport publié ce jour par l’ONUSIDA, les progrès ralentissent en matière de réduction des nouvelles infections à VIH, de réduction du nombre de décès liés au sida et d’élargissement de l’accès au traitement. Dans son Rapport mondial, l’ONUSIDA présente une situation contrastée, certains pays connaissant des progrès impressionnants alors que d’autres ont enregistré une augmentation des nouvelles infections à VIH et des décès liés au sida.
« Nous avons besoin de toute urgence d’un encadrement politique renforcé pour mettre fin au sida », explique Gunilla Carlsson, Directrice exécutive par intérim de l’ONUSIDA. « Il faut effectuer des investissements adéquats et judicieux, et regarder ce qui a fonctionné dans les pays. Nous pouvons éliminer le sida en nous concentrant sur les personnes, et non pas sur les maladies, en élaborant des feuilles de route pour les populations et les régions laissées pour compte et en adoptant une approche fondée sur les droits de l’Homme pour atteindre les personnes les plus touchées par le VIH. »
Le rapport indique que désormais, plus de la moitié (54 %) des nouvelles contaminations à VIH dans le monde se font parmi les populations clés et leurs partenaires sexuels. En 2018, les populations clés (consommateurs de drogues injectables, homosexuels et hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, transgenres, personnes faisant commerce du sexe et prisonniers) représentaient environ 95 % des nouvelles contaminations en Europe de l’Est, en Asie centrale ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Toutefois, le Rapport indique également que dans plus de la moitié des pays qui ont publié leurs statistiques, moins de 50 % des populations clés ont eu accès à des services combinés de prévention du VIH, ce qui montre bien que ces populations sont toujours marginalisées et laissées pour compte dans la riposte au VIH.
À l’échelle mondiale, environ 1,7 million de personnes ont été contaminées par le VIH en 2018, soit une baisse de 16 % par rapport à 2010. Ceci tient principalement aux progrès constants réalisés dans presque toute l’Afrique de l’Est et en Afrique australe : l’Afrique du Sud, par exemple, a réussi à réduire les nouvelles contaminations à VIH de plus de 40 % et les décès liés au sida d’environ 40 % depuis 2010.
Il reste cependant encore beaucoup de chemin à parcourir en Afrique de l’Est et en Afrique australe, la région la plus touchée par le VIH. Le nombre de nouvelles contaminations a également augmenté de façon préoccupante en Europe et l’Est et en Asie centrale (+29 %), au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (+10 %) ainsi qu’en Amérique latine (+7 %).
Le Rapport a été présenté à l’occasion d’un événement local dans la ville d’Eshowe, en Afrique du Sud, par Gunilla Carlsson et David Mabuza, vice-président de l’Afrique du Sud. Il contient des études de cas et des témoignages mettant en lumière des programmes pour les populations permettant d’accélérer le rythme de la riposte contre le VIH.
« L’Afrique du Sud a de longue date placé les populations au cœur de la lutte contre le sida. Il est donc naturel que le Rapport mondial 2019 de l’ONUSIDA soit présenté ici à Eshowe, dans le KwaZulu-Natal, où une approche d’offre de services liés au VIH a été menée par et pour la population et a porté ses fruits », a déclaré le vice-président Mabuza.
Financement
Le Rapport met en lumière l’écart préoccupant qui se creuse entre les besoins et les ressources disponibles. Pour la première fois, les ressources mondiales disponibles pour la lutte contre le sida ont considérablement diminué, perdant près d’un milliard de dollars. En effet, les bailleurs de fonds ont moins déboursé et les investissements nationaux n’ont pas augmenté suffisamment pour compenser l’inflation. En 2018, 19 milliards de dollars (en dollars constants de 2016) étaient consacrés pour la lutte contre le sida, soit 7,2 milliards de dollars de moins que les quelque 26,2 milliards nécessaires d’ici 2020.
Pour continuer à progresser dans la lutte contre le sida, l’ONUSIDA exhorte tous les partenaires à redoubler d’efforts et à investir dans la riposte, notamment en finançant à hauteur de ses besoins le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le dotant d’au moins 14 milliards de dollars à l’occasion de la reconstitution de ses ressources en octobre de cette année, ainsi qu’en augmentant les financements bilatéraux et nationaux destinés au VIH.
Traitements et objectifs 90–90–90
Les progrès se poursuivent pour atteindre les objectifs 90-90-90. En 2018, près de 79 % des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut sérologique, 78 % des personnes se sachant séropositives avaient accès à un traitement et chez 86 % des séropositifs ayant eu accès à un traitement, la charge virale a été supprimée, ce qui leur permet de vivre en bonne santé et empêche la transmission du virus.
Le rapport montre toutefois que les progrès vers les objectifs 90-90-90 varient considérablement selon les régions et les pays. En Europe de l’Est et en Asie centrale notamment, en 2018, 72 % des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut sérologique, mais seulement 53 % des personnes se sachant séropositives avaient accès à un traitement.
« Je suis sous traitement depuis 16 ans, ma charge virale est supprimée et je vais bien », affirme Sthandwa Buthelezi, fondatrice de Shine, une organisation d’Eshowe qui lutte contre la stigmatisation et la discrimination au niveau local. « La stigmatisation et la discrimination sont encore très répandues, en particulier dans les établissements de santé. En tant que militante, j’encourage chacun, y compris les chefs et dirigeants locaux, à parler ouvertement du VIH pour que les gens puissent vivre de manière positive et briller. »
Décès liés au sida
Le nombre de décès liés au sida continue de diminuer grâce aux progrès effectués en matière d’accès au traitement et à l’amélioration des services VIH/tuberculose. Depuis 2010, le nombre de décès liés au sida a diminué de 33 % pour atteindre 770 000 en 2018.
Les progrès varient selon les régions. La baisse du nombre de décès liés au sida dans le monde est due en grande partie aux progrès effectués en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Toutefois, depuis 2010, les décès liés au sida ont augmenté de 5 % en Europe de l’Est et en Asie centrale et de 9 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Les enfants
Environ 82 % des femmes enceintes séropositives ont maintenant accès aux antirétroviraux, une augmentation de plus de 90 % depuis 2010. Cela a entraîné une réduction de 41 % des nouvelles contaminations chez les enfants, avec des résultats remarquables au Botswana (-85 %), au Rwanda (-83 %), au Malawi (-76 %), en Namibie (-71 %), au Zimbabwe (-69 %) et en Ouganda (-65 %) depuis 2010. Pourtant, il y a eu près de 160 000 nouvelles contaminations chez les enfants dans le monde, loin de l’objectif mondial consistant à faire passer le nombre de nouvelles contaminations à VIH chez les enfants sous la barre des 40 000 avant 2018.
Il faut redoubler d’efforts afin d’élargir l’accès au traitement pour les enfants. Environ 940 000 enfants de moins de 14 ans étaient sous antirétroviraux dans le monde en 2018, soit presque deux fois plus qu’en 2010. Nous sommes toutefois encore loin de l’objectif de 1,6 million qui avait été fixé pour 2018.
Les femmes et les adolescentes
S’il existe encore de grandes disparités entre les jeunes femmes et les jeunes hommes — les jeunes femmes étant 60 % plus susceptibles d’être contaminées par le VIH que les jeunes hommes du même âge —, des progrès ont permis de réduire les nouvelles contaminations chez les jeunes femmes. À l’échelle mondiale, les nouvelles contaminations chez les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans ont été réduites de 25 % entre 2010 et 2018 (ce chiffre est de 10 % chez les femmes de plus de 25 ans). Il reste toutefois inacceptable que chaque semaine, 6200 adolescentes et jeunes femmes soient contaminées par le VIH. Les programmes relatifs à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation destinés aux jeunes femmes doivent être élargis pour atteindre davantage de régions à forte incidence de VIH-sida et optimiser leur efficacité.
Prévention du VIH
Le Rapport montre que toutes les possibilités de prévention de nouvelles contaminations à VIH ne sont pas utilisées de manière optimale. La prophylaxie préexposition (PrEP), notamment, un médicament destiné à prévenir le VIH, n’était utilisée que par environ 300 000 personnes en 2018, dont 130 000 aux États-Unis d’Amérique. Le Kenya est l’un des premiers pays d’Afrique subsaharienne à adopter la PrEP dans le cadre d’un programme national public, avec environ 30 000 personnes ayant utilisé ce traitement préventif en 2018.
Le rapport montre que si la réduction des risques est une solution évidente pour les consommateurs de drogues injectables, les changements ont été lents. Les consommateurs de drogues injectables représentaient 41 % des nouvelles contaminations à VIH en Europe de l’Est et en Asie centrale et 27 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, deux régions qui ne disposent pas de programmes adéquats de réduction des risques.
Les hommes restent difficiles à atteindre. La suppression de la charge virale chez les hommes séropositifs âgés de 25 à 34 ans est très faible, moins de 40 % dans certains pays à forte charge de morbidité dont les statistiques sont récentes, ce qui entrave les progrès de la lutte contre les nouvelles contaminations chez leurs partenaires.
Stigmatisation et discrimination
Des progrès ont été réalisés en matière de lutte contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH dans de nombreux pays, mais les attitudes discriminatoires à l’égard des personnes séropositives restent très prévalentes. Il est urgent de s’attaquer aux facteurs structurels qui créent les inégalités ainsi qu’aux obstacles à la prévention et au traitement du VIH, notamment les normes et lois sociales qui portent préjudice aux séropositifs, la stigmatisation, la discrimination et la violence sexiste.
Des lois criminelles, l’agressivité des forces de l’ordre, le harcèlement et la violence continuent de marginaliser les populations clés et de les priver d’accès aux services de santé de base et aux services sociaux. Les attitudes discriminatoires envers les personnes séropositives restent très courantes dans de trop nombreux pays. Plus de la moitié des personnes interrogées dans 26 pays ont exprimé des attitudes discriminatoires à l’égard des personnes séropositives.
Populations
Le rapport souligne le rôle central que jouent les différents groupes sociaux dans l’élimination du sida. Dans tous les secteurs de la riposte au sida, l’autonomisation des communautés et leur appropriation de la lutte ont permis de développer les services de prévention et de traitement, de réduire de la stigmatisation et de la discrimination et de protéger protection des droits de l’Homme. Cependant, le financement insuffisant de la riposte à l’initiative des communautés, ainsi que des environnements politiques défavorables empêchent ces approches d’atteindre leur plein potentiel.
En 2016, au KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, un adulte sur quatre entre 15 et 59 ans était séropositif. Pour faire progresser la riposte, Médecins Sans Frontières a mis en place une approche de dépistage du VIH au sein des populations locales qui associe les personnes au traitement et les aide à rester sous traitement. En 2018, les objectifs 90 – 90 –90 ont été atteints dans la ville d’Eshowe ainsi que dans les régions rurales d’Eshowe et de Mbongolwane, bien en amont de l’objectif de 2020.
Dans le cadre d’une autre étude, menée en Afrique du Sud et en Zambie, des centaines de soignants locaux spécialisés dans VIH ont été recrutés pour cinq ans pour se rendre auprès des foyers, informer sur le VIH, proposer un test de dépistage et créer un lien avec les centres de traitement. L’étude à montré que dans les régions concernées, les nouvelles contaminations diminuaient de près de 20 % chaque année, et que la part des séropositifs qui connaissent leur statut sérologique, sont sous antirétroviraux et dont la charge virale était supprimée est passée de 54 % à 70 %.
L’ONUSIDA exhorte les pays à respecter leurs engagements en matière de développement de la part de l’offre de services à l’initiative des populations locales pris dans la Déclaration politique sur le VIH et le sida de 2016, visant à faire passer celle-ci au-dessus 30 % de l’ensemble des services de soin d’ici 2030. Des investissements appropriés doivent être effectués pour renforcer les capacités des organisations de la société civile à fournir aux populations les plus affectées par le VIH des services de prévention et de traitement du VIH non discriminatoires, fondés sur les droits de l’Homme et centrés sur l’humain.
Chiffres 2018 (estimations) :
37,9 millions [32,7 millions – 44,0 millions] de personnes dans le monde étaient séropositives
23,3 millions [20,5 millions à 24,3 millions] de personnes avaient accès à un traitement antirétroviral
1,7 million [1,4 million - 2,3 millions] de personnes ont été contaminées par le VIH
770 000 [570 000 - 1,1 million] de personnes sont décédées des suites d’une maladie liée au sida
ONUSIDA
Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.