Reportage

Renforcer la riposte au VIH à Haïti grâce à la surveillance par la communauté

03 décembre 2021

« Cela fait sept mois que je ne prends pas mes médicaments », explique Carla Joseph (nous avons changé son nom), une femme transgenre vivant avec le VIH à Haïti. « Pour reprendre mon traitement... j’ai besoin d’aller uniquement à un seul endroit de confiance et qui ne me demande pas de lettre de recommandation. »

Voici ce qu’elle a déclaré à l’un des membres sur le terrain de l’équipe haïtienne de surveillance par la communauté de l’Observatoire du Forum de la société civile, qui, au cours de l’année dernière, a travaillé pour savoir comment établir le lien entre les personnes diagnostiquées et le traitement, mais aussi comment améliorer les services pour les personnes déjà prises en charge.

« Au cours de l’étude, nous avons rencontré de nombreuses personnes qui attendaient leur tour pour se faire consulter et renouveler leur ordonnance », a déclaré Élisabeth Jacques, coordinatrice sur le terrain du suivi par les communautés. « Ne serait-il pas logique que les services soient disponibles les jours et aux heures qui conviennent le mieux aux personnes qui en ont besoin ? »

L’ONUSIDA soutient les travaux de surveillance par la communauté de l’Observatoire du Forum de la société civile d’Haïti. La surveillance menée par la communauté est un mécanisme de responsabilisation destiné à améliorer l’accès des personnes aux services anti-VIH et la qualité des soins qu’elles reçoivent. Le processus est mené et mis en œuvre par les communautés de personnes vivant avec le VIH, les populations clés et d’autres groupes vulnérables.

Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un effort coordonné des partenaires, notamment le ministère de la Santé publique et de la Population, ainsi que le gouvernement des États-Unis par le biais du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Elle vise à maintenir et à élargir l’accès aux services anti-VIH pour les 150 000 personnes séropositives que l’on estime vivre à Haïti, dont 30 000 qui ne connaissent pas encore leur état sérologique.

Dans son premier rapport, l’Observatoire du Forum de la société civile a attiré l’attention sur la nécessité d’améliorer les services centrés sur les bénéficiaires en prolongeant les heures d’ouverture et en réduisant les délais d’attente Il a également recommandé d’allonger les ordonnances à six mois de traitement antirétroviral pour les personnes séropositives dont l’état est stable. Par ailleurs, ce suivi par les communautés a révélé la nécessité de mieux informer sur le concept de traitement de I = I (indétectable = intransmissible).

« Nous devrions renforcer la capacité de la société civile à faire ce travail de sensibilisation. Elle connaît mieux les personnes concernées. Lorsqu’une personne ne vient plus aux rendez-vous de suivi, les membres de la communauté savent comment lui parler pour l’encourager à revenir. Si nous responsabilisons la communauté par le biais d’une surveillance par elle-même, alors nous serons en mesure de mieux gérer ce qui se passe », a déclaré Sœurette Policar, coordonnatrice de l’Observatoire du Forum de la société civile.

Steve Mc Allan Smith, directeur de la prévention du VIH auprès du ministère de la Santé publique et de la Population, a salué les recommandations. « La surveillance par la communauté nous renseignera sur la mise en place des services dans la communauté et sur la manière dont les bénéficiaires les perçoivent. Cette approche nous indiquera comment adapter les interventions aux besoins spécifiques des patients et patientes. Elle nous aidera également à résoudre les problèmes liés au dépistage. Mais surtout, elle nous aidera à garder les personnes sous traitement. C’est très gratifiant d’atteindre les objectifs », a-t-il déclaré. « Mais notre but est de les respecter sur le long terme. »

Au cours de l’année écoulée, le pays a dû faire face à des crises à répétition. Un mois après l’assassinat de son président, Haïti a subi un séisme dévastateur, suivi d’une tempête tropicale. Par ailleurs, l’aggravation du crime organisé et la vague d’enlèvements ont des conséquences désastreuses sur la vie quotidienne de la population. Ces derniers mois, une pénurie de carburant a encore alourdi le quotidien des personnes et des organisations. Et tout cela sous la menace de la COVID-19.

La pauvreté, la violence sexiste et la discrimination auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec le VIH et les communautés de populations clés empêchent des personnes de poursuivre leur traitement. Le contexte socio-économique et sécuritaire difficile ne fait qu’empirer les choses. Selon les données du PEPFAR, près de 8 000 personnes sous traitement à Haïti ont abandonné leur thérapie l’année dernière.

Toutefois, comme l’a souligné Christian Mouala, directeur pays de l’ONUSIDA pour Haïti, le pays a réussi pendant la COVID-19 à mettre en œuvre la délivrance de médicaments antirétroviraux pour plusieurs mois de traitement à 88 % des personnes suivant une thérapie anti-VIH. Cette réussite est due aux efforts coordonnés accomplis sous l’égide du ministère de la Santé publique et de la Population et grâce à la collaboration de nombreuses parties prenantes, y compris la société civile haïtienne.

« Ici, les personnes et le système de santé sont résilients et savent s’adapter », a déclaré M. Mouala. « À l’heure actuelle, l’importance du leadership communautaire doit se renforcer dans le développement et la mise en œuvre de stratégies afin de s’assurer que les personnes bénéficient de meilleurs services anti-VIH, de santé et d’assistance sociale. »

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