Communiqué de presse

La santé ne devrait pas être le seul privilège des riches : le droit à la santé est universel

L’éradication de l’évasion fiscale et la mise en place d’une imposition progressive peuvent combler le manque de financements publics dans le domaine de la santé. Par ailleurs, la santé et le développement devraient être à l’abri de l’impact croissant de la dette

DAVOS/GENÈVE, le 21 janvier 2020—L’ONUSIDA appelle les gouvernements à concrétiser le droit à la santé pour tous en canalisant les investissements publics vers le secteur de la santé. Aujourd’hui, la moitié au moins de la population mondiale n’a pas accès aux services essentiels de santé. Toutes les deux minutes, une femme meurt en couches. Parmi les populations défavorisées, on retrouve les femmes, les adolescent(e)s, les personnes vivant avec le VIH, les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleur(se)s du sexe, les consommateur(rice)s de drogues injectables, les personnes transgenres, les migrant(e)s, les réfugié(s) et les pauvres.

« Les pauvres voient le droit à la santé leur échapper et les personnes essayant de sortir de la pauvreté sont écrasées par des frais de santé d’un niveau inacceptable. Les 1 % les plus riches bénéficient de soins à la pointe de la science, alors que les pauvres luttent rien que pour avoir accès aux soins de base », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima.

Près de 100 millions de personnes tombent dans l’extrême pauvreté (qui correspond à moins de 1,9 $ par jour pour vivre), car elles doivent s’acquitter de soins de santé et plus de 930 millions de personnes (12 % environ de la population mondiale) dépensent 10 % de leur budget au moins pour des soins de santé. Dans de nombreux pays, des personnes n’ont pas accès aux soins de santé ou ces derniers sont de mauvaise qualité à cause de redevances qu’ils ne peuvent pas se permettre. Par ailleurs, la stigmatisation et la discrimination bafouent le droit à la santé des pauvres et des personnes vulnérables, en particulier les femmes.

Chaque semaine, dans le monde entier, 6 000 jeunes femmes sont infectées par le VIH. En Afrique subsaharienne, quatre nouvelles infections sur cinq chez les adolescents touchent une fille et, dans la région, les maladies opportunistes sont la première cause de décès des femmes en âge de procréer. Malgré des progrès importants pour réduire la mortalité imputable au sida et les nouvelles infections au VIH, 1,7 million de personnes ont été contaminées en 2018 et près de 15 millions attendent toujours de recevoir un traitement.

« Un secteur de la santé financé par des fonds publics est le meilleur moyen de réduire les inégalités sociales », a indiqué Mme Byanyima. « Lorsque l’enveloppe allouée au secteur de la santé est supprimée ou inadaptée, les pauvres et les personnes en marge de la société, en particulier les femmes et les filles, sont les premiers à perdre leur droit à la santé et ils doivent assumer seuls les soins pour leur famille. »

Fournir à tout le monde des soins de santé est un choix politique que trop de gouvernements ne font pas. La Thaïlande a réduit le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans à 9,1 pour 1 000 naissances vivantes. Ce taux est de 6,3 pour 1 000 aux États-Unis d’Amérique, alors que le produit intérieur brut par habitant de la Thaïlande est 90 % inférieur à celui des États-Unis. La Thaïlande a réussi cette prouesse en mettant en place un système de santé reposant sur des financements publics. Ce dernier permet à chaque citoyen du royaume d’avoir accès aux services de santé fondamentaux quel que soit son âge, et ce, sans faire d’exception.

En Afrique du Sud, seules 90 personnes avaient accès à une thérapie antirétrovirale en 2000. Elles étaient plus de 5 millions en 2019. Le pays dispose à présent du plus grand programme de traitement du VIH au monde. Des pays comme le Canada, la France, le Kazakhstan et le Portugal disposent de systèmes de santé financés fortement par des deniers publics, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays riches.

Dans de nombreux pays, les investissements en matière de santé restent très faibles par rapport au produit intérieur brut. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement estime que l’évasion fiscale et le transfert de bénéfices par les grandes entreprises font perdre tous les ans entre 150 et 500 milliards de dollars aux pays en voie de développement. Si cet argent était investi dans la santé, le budget de la santé triplerait dans les pays à faible revenu et doublerait dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Mais la course que se livrent les entreprises à celle qui payera le moins d’impôts prive les pays en voie de développement de revenus oh combien nécessaires qui auraient pu servir à offrir des services de santé à la masse des citoyens. On estime que les innombrables aides fiscales causent une perte annuelle de 9,6 milliards de dollars aux pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.

« Il est inacceptable que les riches et les grandes entreprises se soustraient à l’impôt et que le commun des mortels le paye de leur santé », s’est indignée Mme Byanyima. « Les multinationales doivent payer leur part de taxes et d’impôts, protéger les droits des employés, garantir l’égalité salariale entre les sexes et fournir des conditions de travail sans danger à tous, en particulier aux femmes. »

Le spectre de la dette menace l’économie, la santé et le développement en Afrique. Il se traduit aujourd’hui par un recul important des dépenses sociales afin d’assurer le remboursement de la dette. Selon le Fonds monétaire international, en avril 2019, la moitié des pays à faible revenu en Afrique étaient surendettés ou proches du surendettement. Parmi eux, la Zambie a réduit de 27 % ses investissements dans le domaine de la santé et a augmenté de 790 % le service de sa dette entre 2015 et 2018. On assiste à une évolution similaire au Kenya où le service de la dette a augmenté de 176 % et les investissements de santé ont baissé de 9 % entre 2015 et 2018. « Il est urgent de gérer la dette tout en protégeant la santé des personnes. Il s’agit de garantir que les nouveaux financements soient destinés à des investissements sociaux, que le remboursement de la dette fasse éventuellement l’objet d’un moratoire afin de permettre à l’économie de reprendre son souffle et que la dette soit restructurée à l’aide d’un mécanisme coordonné en vue de protéger les dépenses allouées au VIH, à la santé et au développement », a déclaré Mme Byanyima.

Une mauvaise santé va souvent main dans la main avec le non-respect des droits de l’homme. Selon la Banque mondiale, plus d’un milliard de femmes ne bénéficient pas d’une protection juridique contre les violences domestiques et près de 1,4 milliard de femmes ne sont pas protégées par la loi contre les violences économiques au sein du couple ou de la famille. Dans 65 pays au moins, les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont un crime. Au cours des dernières années, certains pays ont intensifié les mesures répressives et les restrictions visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuelles. Le commerce du sexe est une infraction pénale dans 98 pays. 48 pays et territoires continuent de limiter d’une manière ou d’une autre l’entrée, le séjour et la résidence sur leur sol à cause du VIH. Une étude récente portant sur la réglementation du commerce du sexe dans 27 pays arrive à la conclusion que la décriminalisation de certains aspects du travail du sexe réduit considérablement la prévalence du VIH chez les travailleur(se)s du sexe.

Dans 91 pays, les adolescents ont besoin de l’accord de leurs parents pour faire un dépistage du VIH et, dans 77 pays, pour accéder aux services de santé de la reproduction et sexuelles. Ces réglementations empêchent cette population de se protéger contre une infection au VIH. En Afrique orientale et australe, cela se traduit par une incidence du virus deux fois plus élevée chez les jeunes femmes et les filles par rapport aux hommes et aux garçons de leur âge.

« Au cours de la prochaine décennie, nous pouvons mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique et offrir une couverture sanitaire universelle. Pour cela, les gouvernements doivent répartir l’imposition de manière équitable, fournir des soins de santé de qualité financés par des sources publiques et assurer l’égalité des sexes pour tous. C’est possible », a conclu Mme Byanyima.

Cette année, l’ONUSIDA participe à plusieurs points au programme de la Réunion Annuelle du Forum Économique Mondial de Davos en Suisse. Elle mettra en avant l’urgence pour les gouvernements de remplir leurs engagements afin de faire de la couverture sanitaire universelle une réalité tout en n’oubliant personne.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

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