Reportage

Faire la différence : la Jamaïque

14 mars 2008

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Miriam Maluwa, Coordonnatrice de l'ONUSIDA pour la Jamaïque, les Bahamas et Cuba, s'exprimant lors du lancement du Programme pour les personnes vivant avec le VIH et les personnes souffrant d'incapacités en Jamaïque, le 3 décembre 2007.
Photo ONUSIDA

“Il n'y a jamais assez d'heures dans une journée" constate Miriam Maluwa, Coordonnatrice de l'antenne de l'ONUSIDA pour la Jamaïque, les Bahamas & Cuba,.”S'il y a bien une chose que j'ai apprise, c'est que le coordonnateur dans le pays se doit d'être à l'écoute des besoins du pays. C'est comme pour la lune - il y a la face que vous voyez, et il y a la face cachée dont vous savez qu'elle va se montrer à un moment donné. Et vous devez vous tenir prêt et réactif.

Miriam Maluwa, juriste de formation, expérimentée sur les questions des droits juridiques et humains dans le contexte du SIDA, est arrivée au siège de l'ONUSIDA il y a 10 ans pour diriger une unité sur le droit, les droits humains et le VIH. En 2004, on lui a confié la mission de mettre en place le nouveau bureau de l'ONUSIDA pour la Jamaïque, Cuba et les Bahamas, en Jamaïque."Ce n'est pas un travail”, affirme-t-elle, "C'est une mission personnelle. Je considère l'ONUSIDA comme un outil pour assumer cette mission, et j'ai la conviction de devoir être un élément de cet outil".

Leadership et plaidoyer

En plus des imprévus et du rôle de coordination à gérer au jour le jour , l'antenne de la Jamaïque a un programme de travail complet qui s'articule autour des cinq fonctions stratégiques de l'ONUSIDA, parmi lesquelles la fonction Leadership et Plaidoyer, et les succès remportés à ce jour dans ce domaine sont nombreux. L'ONUSIDA et ses organismes coparrainants ont investi de l'énergie pour que la riposte ne se limite pas au seul secteur de la santé. Du fait de la collaboration avec le Gouvernement, il y a désormais en Jamaïque huit ministères dotés d'une politique et de programmes anti-VIH.

Le Bureau et les Organismes coparrainants de l'ONUSIDA ont également aidé le gouvernement à élaborer le plan stratégique de la Jamaïque pour 2007-2012, qui est actuellement examiné au sein du ministère pour approbation. Ce plan de $201 millions comporte un cadre de suivi et d'évaluation avec des indicateurs et des cibles associés à son objectif :”La concrétisation de l'accès universel à la prévention, au traitement et aux soins".

Maluwa est très motivée par l'enthousiasme que suscite ce nouveau plan. ”Il est tellement accepté que lorsque le premier ministre a pris la parole au déjeuner-réunion organisé à l'occasion de la Journée mondiale contre le SIDA, il a parlé de ce plan" informe-t-elle. "Il en a évoqué le contenu, et il a improvisé. C'était vraiment bien."

Le tout premier Conseil des Entreprises de Jamaïque [conduit par le secteur privé] sur le VIH et le SIDA a été créé en 2006.

En Jamaïque, peu de personnes connaissent leur statut vis-à-vis du VIH ou se considèrent comme personnellement à risque ; et c'est un vrai problème. Sur les quelque 25 000 personnes porteuses du VIH dans ce pays, on estime que les trois quarts ne sont pas diagnostiquées. Le Premier Ministre et sa femme ont contribué à sensibiliser sur cette question en se faisant tester en public. Lors de la Journée mondiale 2007 contre le SIDA, que l'ONUSIDA a aidé à organiser, des services de conseil et de test volontaires ont été proposés et plus de 1000 personnes se sont présentées pour en bénéficier.
 

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Miriam Maluwa, Coordonnatrice de l'ONUSIDA pour la Jamaïque, les Bahamas et Cuba s'exprimant lors du déjeuner-réunion organisé par le Premier Ministre à l'occasion de la Journée mondiale 2007 contre le sida.
Photo ONUSIDA

Réforme de la législation

A l'invitation des autorités, le Bureau de l'ONUSIDA a également joué un rôle actif dans le processus de réforme de la législation eu égard au VIH. Grâce à son expertise dans le domaine du droit, Miriam Maluwa a contribué à la réalisation d'une évaluation de la législation existante et à l'élaboration de proposition de réformes qui ont été soumises au Ministère et examinées au sein du Parliamentary Joint Select Committee.
Une série de réformes sont en cours de recommandation, notamment l'insertion d'une clause anti-discrimination dans la Constitution de la Jamaïque interdisant la discrimination quel que soit le statut ; l'amendement de la loi relative à la santé publique et la promulgation d'une Loi anti-discrimination indépendante assortie d'un mécanisme pour rechercher les mesures à caractère discriminatoires et les rectifier, et l'amendement du droit pénal de façon à décriminaliser l'homosexualité.

“Le Gouvernement accorde beaucoup de prix à l'appui technique que l'ONUSIDA peut apporter et à notre aptitude à fournir un soutien stratégique aux étapes critiques,” affirme Miriam Maluwa.

Renforcement des partenariats

Le bureau de l'ONUSIDA s'emploie également à renforcer les partenariats et à soutenir la société civile. Il a contribué à l'élaboration d'une mini-série TV qui sera diffusée en 2008. Cette série intitulée "Red Ribbon Diaries" transpose à l'écran la vie de jeunes jamaïcains affectés par le VIH. L'ONUSIDA est également partenaire du Conseil jamaïcain des Personnes souffrant d'incapacités, pour la mise en œuvre d'un programme de prévention à l'échelle de l'Ile visant à inculquer aux femmes et aux filles sourdes, ainsi qu'aux personnes qui s'occupent d'elles, une éducation en matière de VIH.

Le Réseau jamaïcain des personne séropositives (JN+) bénéficie d'un soutien consistant en la mise au disposition d'un local pour son Conseil d'administration ; en outre, l'ONUSIDA apporte un appui technique aux ateliers de développement des capacités organisés dans l'Ile par le réseau et destinés aux personnes vivant avec le VIH, et il a également fait office de président du bureau de vote lors de la dernière élection des membres du conseil d'administration de JN+.

Mobilisation des ressources

Miriam Maluwa est particulièrement fière d'avoir contribué à faire en sorte que l'ONUSIDA Jamaïque assume un rôle au sein du Comité de suivi et de supervision de l'instance de coordination nationale qui applique un plan modèle pour la résolution d'éventuels conflits d'intérêt entre Bénéficiaires principaux et sous-bénéficiaires des subventions du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme.

Tout ceci fait partie de l'appui technique au gouvernement jamaïcain, mais l'importance est internationale. "Il s'agit d'une contribution innovante à la mobilisation de ressources. Le Fonds mondial publie actuellement un document sur le modèle jamaïcain qui est assimilé aux Meilleures Pratiques", a-t-elle expliqué.


Epanouissement personnel

Se tournant vers l'avenir, Miriam Maluwa déplore cette culture persistante et solidement enracinée de la stigmatisation, de la discrimination et de l'homophobie, qui constitue selon elle l'une des problématiques majeures entravant la riposte au sida en Jamaïque.

Cependant, un travail important est en cours. Le Comité national de lutte contre le sida, en collaboration avec l'ONUSIDA Jamaïque et la confrérie des avocats a organisé l'offre de services juridiques gratuits assurés par 25 avocats qui prennent en charge les questions de discrimination vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH et d'autres populations clés. Ces juristes apportent également leur soutien aux ateliers sur les droits humains pour le grand public, les médias, les chefs religieux, les personnes vivant avec le VIH et la société civile, pour mieux implanter une culture de la tolérance.

“Ce travail apporte des satisfactions sur un plan personnel,” constate Miriam Maluwa, “car sur le terrain vous ne brassez pas du papier, vous réglez chaque jour des vrais problèmes . Vous avez soit à vous occuper de la personne qui est devant vous, soit à assurer la coordination entre cette personne et les autres partenaires de sorte qu'ils puissent ensemble surmonter tel ou tel problème. Je trouve cette mission très épanouissante, car chaque jour je peux me dire "aujourd'hui j'ai fait concrètement la différence ici, là, et encore pour ceci, et aussi pour cela.”

Ses quatre années dans ce bureau de pays lui ont permis de se faire une nouvelle idée du rôle de l'ONUSIDA. "Pour l'ONUSIDA, c'est là-bas que ça doit se passer, à l'échelon pays", dit-elle. "C'est là que l'ONUSIDA peut le mieux montrer ce dont il est capable. Il nous faut être sur le terrain aux côtés des pays, ou alors nous ne servons à rien. Je pense que les bureaux de pays apportent de la crédibilité à l'ONUSIDA, parce qu'ils correspondent à ce que les gens voient. C'est là-bas que nous devons investir nos efforts et notre argent."