Reportage

République bolivarienne du Venezuela : agir pour lutter contre les ruptures de stocks de médicaments

14 février 2019

Raiza Farnataro habite dans la ville très animée de Barquisimeto, en République bolivarienne du Venezuela, à environ cinq heures de route de Caracas. Elle vit avec le VIH depuis 18 ans et a toujours eu accès au traitement par l’intermédiaire du système de santé publique. Cependant, avec l’aggravation de la situation économique dans le pays, les médicaments sont devenus rares et elle s’est mise à avoir peur pour sa vie. Au bout de deux années sans traitement, elle a fini par traverser la frontière colombienne, où elle a pu soit acheter des médicaments hors de prix auprès des pharmacies, soit accéder à des dons de médicaments fournis par les organisations non gouvernementales.

Mme Farnataro n’est qu’un exemple parmi les 62 000 personnes vivant avec le VIH dans le pays selon les estimations, qui ont entamé un traitement mais n’ont pas pu avoir un accès constant aux médicaments antirétroviraux, selon le Réseau vénézuélien des personnes séropositives. Les répercussions sont importantes. Les taux d’hospitalisation chez les personnes vivant avec le VIH ont explosé et on estime entre 20 et 30 le nombre de décès liés au sida chaque jour. En septembre 2018, environ 7 700 Vénézuéliens vivant avec le VIH avaient rejoint le flux de migrants vers les pays voisins.

« La crise humanitaire actuelle conduit à une régression considérable et alarmante de la riposte nationale au sida, comparable à la situation au début de l’épidémie de VIH dans les années 1980, voire pire », constate l’activiste de la lutte contre le VIH Alberto Nieves, de l’Action citoyenne contre le sida (ACCSI). « Décès, dégradation progressive de l’état de santé, famine, refus d’accès aux services de santé et au traitement anti-VIH, discrimination, migration massive et xénophobie : telles sont les principales conséquences de cette crise pour toutes les personnes vivant avec le VIH dans le pays ».

En 2017, une étude de l’ACCSI commandée par l’ONUSIDA a permis de produire les premières preuves concrètes de pénuries de médicaments antirétroviraux, ainsi que d’autres médicaments et réactifs au VIH.

La prévention du VIH est également mise à mal. Les experts craignent qu’un accès irrégulier au traitement ne soit susceptible d’alimenter la résistance aux médicaments aussi bien en République bolivarienne du Venezuela que dans les pays voisins. Seulement un quart environ des femmes enceintes bénéficient d’un dépistage du VIH et de la syphilis. En raison des pénuries de nourriture, certaines mères vivant avec le VIH choisissent d’allaiter.

Ces deux dernières années, l’ONUSIDA a collaboré avec le Ministère vénézuélien de la Santé, la société civile, l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) et d’autres entités des Nations Unies et partenaires de développement afin d’améliorer l’accès au traitement pour les adultes et les enfants vivant avec le VIH dans le pays, ainsi que pour les migrants. L’ONUSIDA s’est joint à la société civile et à l’OPS pour soutenir le plaidoyer qui a abouti à l’attribution de 5 millions de dollars par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme au volet VIH d’un plan visant à coordonner la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme dans le pays. 

En partenariat avec Aid for AIDS International, l’ONUSIDA a reçu plus de 60 tonnes de médicaments antirétroviraux, qui ont été distribués à la population par l’intermédiaire de dispensaires gérés par l’État. L’ONUSIDA a également coordonné le don et la distribution de kits de dépistage et de substituts de lait maternel.

« Grâce au soutien de l’ONUSIDA, du Réseau vénézuélien des personnes séropositives et d’autres partenaires stratégiques, nous avons réussi à faire en sorte que le traitement puisse être reçu et délivré dans le pays en 2018. Nos efforts ont permis de réduire l’impact de la crise, en assurant le traitement d’un pourcentage significatif de personnes vivant avec le VIH », explique Jesús Aguais, le Directeur exécutif d’Aid for AIDS. « Sinon, la situation aurait été encore plus tragique », ajoute-t-il.

Cette action a sauvé des vies. Au cours des six derniers mois, Mme Farnataro a reçu ses médicaments antirétroviraux par l’intermédiaire du système de santé publique, grâce aux dons d’Aid for AIDS International.

En tant que membre de la Plateforme régionale de coordination interinstitutions pour les réfugiés et les migrants du Venezuela, l’ONUSIDA défend également les droits et les besoins d’accès au traitement des migrants vivant avec le VIH. Les priorités incluent la mise en place d’un observatoire de la société civile pour suivre l’accès à la santé et les problèmes de discrimination, la distribution de supports de communication autour de la prévention, du traitement et des soins, et la sensibilisation contre la discrimination et la xénophobie.

Entre tous ces aspects, l’ONUSIDA insiste sur la nécessité de poursuivre le renforcement de la riposte au VIH dans le pays. « Nous devons poursuivre notre travail avec les différents acteurs nationaux et internationaux pour le bien de tous les Vénézuéliens, et pour garantir la santé et la qualité de vie de toutes les personnes vivant avec le VIH en République bolivarienne du Venezuela », déclare la Directrice nationale de l’ONUSIDA, Regina Lopez de Khalek. « Nous œuvrons de manière à ce que le pays ne soit pas oublié dans l’effort mondial pour en finir avec le sida ».