Reportage

« La communauté n’est pas du côté des filles »

15 mars 2019

Les clubs Rise aident les adolescentes et les jeunes femmes à entamer le dialogue sur le VIH et sur la santé et les droits sexuels et reproductifs.

Khayelitsha est l’un des plus grands townships d’Afrique du Sud, situé dans la région des Cape Flats au Cap.

Comme c’est le cas dans beaucoup d’autres communautés sud-africaines, les femmes et les filles de ce bidonville à moitié clandestin sont confrontées aux inégalités entre les sexes au quotidien, ce qui les expose à un risque plus élevé de contracter une infection à VIH.

Les inégalités entre les sexes sont un obstacle à l’accès des adolescentes et des jeunes femmes aux services anti-VIH et aux services de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’à une éducation sexuelle complète. Elles les exposent également à un risque plus élevé de violences sexistes.

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« Le taux de criminalité est important. La communauté n’est pas du côté des filles. La communauté estime que les femmes doivent se soumettre aux hommes. C’est parfois difficile pour nous de nous exprimer », déclare une jeune femme membre du club Rise de Khayelitsha.

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« Nous nous rabaissons nous-mêmes pour entrer dans la case dans laquelle la communauté nous place. Des filles se font violer, kidnapper… il y a beaucoup de violence. Tu as le droit de faire ci, tu n’as pas le droit de faire ça, on n’arrête pas de te dire ce qu’il faut faire », explique-t-elle.

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Pour la plupart des filles, il est difficile de parler aux parents, aux enseignants ou aux membres de la famille de sexe, de sexualité ou encore de droits et de santé sexuels et reproductifs. Les jeunes femmes et les adolescentes sont confrontées à la stigmatisation et à la discrimination, réprimandées par les infirmières des établissements de santé parce qu’elles sont sexuellement actives lorsqu’elles viennent pour des services de santé sexuelle et reproductive. Bien que de nombreux pays d’Afrique orientale et australe aient signé l’Engagement ministériel sur une éducation sexuelle complète et des services de santé sexuelle et reproductive pour les adolescents et les jeunes en Afrique orientale et australe et disposent d’une façon ou d’une autre de politiques en matière d’éducation sexuelle complète, la mise en œuvre reste inégale.


Les jeunes femmes sont plus exposées au risque d’infection à VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles que leurs homologues masculins ou les femmes plus âgées.

En Afrique orientale et australe, un quart des 800 000 nouvelles infections à VIH en 2017 ont concerné des adolescentes et des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans. Sur les 2,17 millions d’adolescents et de jeunes âgés de 15 à 24 ans vivant avec le VIH en Afrique orientale et australe, 1,5 million sont de sexe féminin.

Sur les 277 000 nouvelles infections à VIH survenues en Afrique du Sud en 2017, 77 000 ont concerné des adolescentes et des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans, soit plus du double de leurs homologues masculins (32 000).

Le niveau de connaissance en matière de prévention du VIH va de 64,5 % au Rwanda jusqu’au faible score de 20,37 % enregistré aux Comores, l’Afrique du Sud se situant entre les deux à 45,8 %.

Dans certains pays de la région, la loi prévoit que les adolescentes et les jeunes femmes puissent se marier très jeunes. Les mariages précoces sont associés à une perte d’autonomie physique, au manque d’instruction dû au décrochage scolaire, à l’absence d’indépendance économique et à la violence sexiste.

Les transactions sexuelles contribuent à la disparité entre les sexes en matière d'infection à VIH chez les jeunes d’Afrique subsaharienne.

Les données probantes montrent que le commerce du sexe chez les adolescentes et les jeunes femmes est associé à plusieurs sources de risque d’infection à VIH, notamment les abus et les violences, la consommation d’alcool, la multiplicité des partenaires, l’absence d’usage du préservatif et les relations sexuelles entre personnes d’âge différent.


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Les clubs Rise

Rise est un club ouvert aux adolescentes et aux jeunes femmes cherchant à créer de la cohésion sociale, de l’auto-efficacité et de la résilience en offrant aux adolescentes et aux jeunes femmes (entre 15 et 24 ans) un espace pour s’entraider et entreprendre des projets au sein de la communauté destinés à prévenir le VIH, atténuer son impact et permettre des choix plus sûrs.

Rise contribue à répondre aux besoins des adolescentes et des jeunes femmes en termes de confiance en soi et les encourage à s’exprimer contre les maux de la société tout en les aidant à prendre leurs propres décisions concernant leur vie.

Ces clubs ont été lancés en 2014 pour les jeunes de 15 districts défavorisés d’Afrique du Sud par l’organisme Soul City Institute for Social Justice.

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« Les parents africains ne parlent pas de sexe avec leurs enfants et nous sommes gênés d’en parler avec eux. Je ne pouvais pas parler avec ma sœur donc j’ai rejoint Rise et aujourd’hui je peux dialoguer avec les autres filles. Certaines sont plus âgées que moi et elles peuvent me donner des conseils. » — Cinga 

 

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« Mes parents m’ont appris que la seule façon de savoir, c’est de poser des questions. Quand j’ai rejoint Rise, nous avons posé des questions pour des filles qui ne pouvaient pas les poser elles-mêmes, facilitant ainsi la vie de ces filles. » — Okuhle

 

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« Je n’avais personne à qui me confier à la maison. Et puis je suis devenue la personne la plus bavarde qui soit. Rise m’a aidée à gérer une faible estime de moi-même. » — Lisa


Les adolescentes et les jeunes femmes d’Afrique orientale et australe ont besoin de lois, de politiques et de programmes qui répondent à leurs besoins. Ceci inclut des programmes sur mesure et ciblés en matière de services de santé sexuelle et reproductive et d’éducation sexuelle complète, ainsi que sur la prévention des grossesses non désirées, des violences sexistes et de l’infection à VIH.

Ils doivent s’appuyer sur les principes d’égalité des sexes et des droits de l’homme et devraient aborder d’autres problèmes socioéconomiques, comme la pauvreté et le chômage.

Ces politiques et ces programmes auront non seulement pour effet de donner des résultats positifs en matière de santé, mais donneront aussi aux adolescentes et aux jeunes femmes l’opportunité de vivre leur vie en toute liberté et dans la dignité.

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