Reportage

Le cheminement du Guyana vers la PPrE

19 janvier 2021

Le Guyana a prévu de déployer cette année un programme complet de prophylaxie pré-exposition (PPrE). Le ministre de la Santé guyanais, Frank Anthony, a annoncé que cette stratégie nationale allait être mise en place en collaboration avec des cliniques dans tout le pays, ainsi qu’avec des organisations non gouvernementales.

« Nous voulons déployer [cette thérapie] afin de garantir que toute personne exposée au VIH puisse y avoir accès », explique M. Anthony. « Nous sommes persuadés qu’un programme complet de PPrE permettra d’éviter de nombreuses infections. »

Cette décision marque l’aboutissement d’années de lutte et d’une mise en œuvre partielle de la PPrE. La politique en place réserve la thérapie PPrE aux couples sérodifférents, à savoir ceux où seul un partenaire vit avec le VIH. Le partenaire séronégatif accède à ce traitement auprès du système de santé public afin d'éviter une contamination au VIH.  

Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la Santé recommande de proposer la PPrE aux « personnes exposées à un risque élevé d’infection au VIH. » Plusieurs programmes nationaux de PPrE se concentrent sur les populations clés, notamment les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs et travailleuses du sexe et les personnes transgenres. Au Guyana, la prévalence du VIH est également plus élevée au sein de ces groupes avec 8 % de personnes séropositives chez les femmes transgenres, 6 % chez les travailleurs et travailleuses du sexe et 5 % chez les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

L’année dernière, après avoir milité pour des programmes plus inclusifs, l’association guyanaise Society against Sexual Orientation Discrimination (SASOD Guyana) a changé son fusil d’épaule en proposant elle-même la PPrE. Elle s’est jointe pour cela au Midway Specialty Care Centre pour combler cette lacune au sein de la prévention nationale du VIH.

« Nous souhaitons faire de la prévention combinée une priorité », déclare Joel Simpson, directeur exécutif de SASOD Guyana. Au Guyana, ce partenariat société civile/privé a permis pour la première fois à n’importe quel membre de la population de décider de prendre la PPrE. Le médicament était vendu à prix coûtant et les personnes renvoyées vers ce service par des organisations non gouvernementales ne payaient pas les consultations.  

Une enquête menée en 2018 auprès des gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des personnes transgenres par SASOD Guyana en collaboration avec l’International HIV and AIDS Alliance (aujourd’hui Frontline AIDS) a révélé que ces populations étaient très intéressées par la prise de la PPrE lorsqu’elles étaient informées. Toutefois, seulement 60 % environ des participants et participantes aux groupes de discussion étaient d'accord pour payer pour ce service.

« Nous avons besoin que la classe politique et le personnel technique prennent des décisions reposant sur la science et la recherche. Nous avons vu par le passé des approches moralistes s’immiscer lors de l’élaboration de politiques publiques », se souvient M. Simpson. « Il ne s’agit pas de savoir à quel groupe de la population vous appartenez, mais plutôt de réagir à une réalité et de réduire les risques. »

La stratégie anti-VIH du Guyana place le pays parmi les bons élèves dans la région des Caraïbes. Le pays a dépassé l’objectif de dépistage pour 2020 avec 94 % des personnes vivant avec le VIH diagnostiquées en 2019. 73 % des personnes connaissant leur statut sérologique suivaient un traitement. Parmi elles, 87 % avaient une charge virale indétectable. Cette nation d’Amérique du Sud a réduit de moitié le nombre de nouvelles infections au VIH au cours des 20 dernières années.

« Le traitement du VIH a déjà fait beaucoup de chemin et pas uniquement pour les personnes vivant avec le VIH. Il est toutefois essentiel de mettre totalement en place les bonnes pratiques de prévention et de traitement afin de combler les lacunes et de s’assurer de n’oublier personne », déclare Michel de Groulard, directeur pays de l’ONUSIDA par intérim pour le Guyana et le Suriname. « C’est pourquoi nous saluons cette année la décision du ministère de la Santé visant à garantir la mise à disposition de la PPrE à toute personne en ayant besoin. Nous disposons des outils pour en finir avec le sida. Il est temps de les utiliser. »

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