Reportage

Indonésie : former le personnel de santé afin d'améliorer les services anti-VIH pour les jeunes populations clés

30 mars 2022

« Les jeunes d'ici n’ont pas un accès régulier aux services anti-VIH. Je veux vraiment inciter mes proches à se faire dépister, mais tout le monde a tellement peur. Les informations manquent, leur famille ne les soutient pas assez et mes proches ont peur de connaître leur statut », explique Andika Bayu Aji, un jeune originaire de Papouasie occidentale en Indonésie.

L’épidémie de VIH chez les jeunes en Asie et dans le Pacifique est négligée, même si environ un quart des nouvelles infections au VIH dans la région touchent les personnes âgées de 15 à 24 ans. La grande majorité des jeunes touchés par le VIH dans la région appartiennent aux populations vulnérables : personnes vivant avec le VIH, gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, personnes transgenres, travailleurs et travailleuses du sexe et consommateurs et consommatrices de drogues injectables.

Comme dans de nombreux pays de la région, les infections au VIH chez les jeunes en Indonésie, qui représentent près de la moitié des nouvelles infections, sont imputables à la stigmatisation et à la discrimination, à un manque d'éducation pour sensibiliser sur le VIH, à l’absence de services adaptés aux jeunes et à des tabous sociaux.

« Les jeunes sont bien trop souvent victimes de stigmatisation et de discrimination dans les environnements de santé. Le personnel de santé représente la première interface humaine. Si les services sont mauvais, les jeunes ne les utiliseront pas et diront aux autres jeunes de ne pas les utiliser. Ce qui nous limite, c'est que nous avons accès à quelques établissements seulement, parce que beaucoup, voire la plupart, ne sont pas adaptés aux jeunes », explique Sepi Maulana Ardiansyah, connu sous le nom de Davi et qui est coordinateur national d’Inti Muda, le réseau national des populations clés de jeunes en Indonésie.

Une étude récente menée par Inti Muda et l’Université de Padjaran a révélé une très faible propension chez les jeunes à accéder aux services dans des provinces comme la Papouasie occidentale, principalement en raison du manque de services adaptés à cette classe d'âge et du fait que le personnel de santé comprend mal les problèmes des populations clés. Les jeunes rencontrent souvent des difficultés d’accès aux services en raison de l’éloignement des cliniques et des hôpitaux, ainsi que des obstacles tels que l’âge minimum autorisé pour faire un dépistage.

La stigmatisation et la discrimination, en particulier la discrimination de la part des prestataires de soins de santé, découragent de nombreuses populations clés de jeunes à accéder aux services anti-VIH. Les principales problématiques concernent des préoccupations relatives à la vie privée et à la confidentialité. Parmi les autres obstacles, le rapport indique que les heures d’ouverture des cliniques publiques sont souvent inadaptées au quotidien des personnes, et que le personnel de santé peut porter un jugement dans ses suppositions et à travers son comportement, en particulier sur les questions liées à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre et à la santé mentale.

Entre le 14 et le 18 mars, Inti Muda, avec le soutien technique de Youth LEAD et de l’ONUSIDA, a organisé une formation de sensibilisation destinée au personnel de santé de deux villes, à Sentani et Jayapura, dans la région de la Papouasie occidentale. Plus de 50 personnes y ont participé. Quelques jours avant la formation, Inti Muda a organisé un festival qui a rassemblé plus de 80 jeunes. Cette manifestation s'inscrivait dans une volonté d'impliquer les jeunes dans la riposte au VIH et de générer une dynamique pour demander accès aux services anti-VIH.

« Avant cette formation, je ne connaissais pas les différents besoins des populations clés, ce qui entrave notre capacité à les toucher. Nous avons découvert des techniques importantes pour atteindre les jeunes, comme fournir des consultations adaptées, être sur Internet et les encourager à se faire dépister », résume Kristanti du District Health Office de Jayapura.

« J’ai appris que les jeunes ont des besoins variés. La formation nous permettra d’améliorer nos services pour qu’ils soient adaptés aux jeunes, ce qui est désormais notre priorité », ajoute Hilda Rumboy, sage-femme responsable du Département des services anti-VIH au Centre de santé primaire de Waibhu.

La formation et le festival ont été soutenus par le ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce (DFAT). L’investissement récent de 9,65 millions de dollars australiens réservé par le gouvernement australien à partir de la sixième reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial), y compris le financement du DFAT de 2 millions de dollars australiens précédemment promis à l’ONUSIDA, vise à réduire le nombre annuel de nouvelles infections au VIH parmi les populations clés au Cambodge, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Philippines.

« Pour mettre un terme à l’épidémie de sida, il est essentiel de s'assurer que les jeunes et les groupes vulnérables aient accès à des informations précises et digestes sur la manière de se protéger du VIH, et que les équipements de dépistage soient bon marché et accessibles. C'est avec fierté que nous travaillons aux côtés des communautés locales et de l’ONUSIDA pour augmenter la disponibilité des informations sur le VIH, améliorer la portée et la qualité des services médicaux et encourager les jeunes et les groupes vulnérables à se faire dépister », a déclaré Simon Ernst, conseiller ministériel par intérim dans le domaine de la Gouvernance et du Développement humain auprès de l’Ambassade d’Australie en Indonésie.

La formation repose sur le manuel élaboré par Youth LEAD en 2021. Ce guide a bénéficié du soutien financier du Fonds mondial par le biais du Programme de développement durable des services anti-VIH pour les populations clés en Asie, ainsi que de l'assistance de l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Asie et le Pacifique. Dans le cadre de la subvention DFAT octroyée pour les deux prochaines années, Youth LEAD étendra la formation à deux autres pays, le Cambodge et les Philippines, en soutenant des réseaux dirigés par des jeunes dans ces pays afin de proposer cette formation.

« Les jeunes rencontrent encore de nombreux défis qui les empêchent d’accéder aux soins de santé vitaux dont ils ont besoin. Le Bureau pays de l’ONUSIDA pour l’Indonésie travaille en étroite collaboration avec l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions et le DFAT pour veiller à ce que les réseaux dirigés par des jeunes aient la possibilité et les capacités de leadership pour prendre le contrôle de la riposte au VIH et s’impliquer directement dans la création d’espaces sans danger où les jeunes peuvent accéder aux services anti-VIH sans stigmatisation ni discrimination », a déclaré Krittayawan Boonto, directrice pays de l’ONUSIDA pour l’Indonésie.