Reportage

Le site iwantPrEPnow a vu le jour par nécessité

28 novembre 2019

Lorsque Greg Owen a entendu parler d’un médicament à prendre tous les jours et qui empêche la contamination au VIH, il n’en a pas cru pas ses oreilles. Ce Londonien a ensuite commencé à demander autour de lui, et ses amis lui ont dit que la prophylaxie pré-exposition (PPrE) était uniquement disponible aux États-Unis ou en participant à l’essai clinique PROUD en Angleterre. 

« Début août 2015, j’ai finalement réussi à me procurer ce médicament par le biais d’un ami », se souvient-il. « Le lendemain, je suis allé me faire dépister et le résultat a été positif. » Bouleversé, il a eu l’impression que le système avait failli à sa mission. 

« C’était trop tard pour moi, mais la nécessité et la colère aidant, nous avons décidé de faire quelque chose », explique M. Owen. Son ami, Alex Craddock, prenait la PPrE. Il devait continuer à prendre ce médicament qu’il recevait des États-Unis. À eux deux, ils ont commencé à s’aider mutuellement et à aider leurs proches.

Ils ont alors rassemblé autant d’informations que possible sur la PPrE avant de lancer le site iwantPrEPnow le 19 octobre 2015. 

Malgré son budget et un temps de préparation restreints, mais à grand renfort de publicité, iwantPrEPnow a attiré l’attention d’un public toujours plus large. Le nombre de visites a explosé.

« Nous n’avions pas d’objectif précis, mais notre communauté avait clairement besoin de conseils et d’un accès au médicament », continue M. Owen. 

En Angleterre, plus de 10 000 personnes prennent la PPrE dans le cadre d’un essai. Au Pays-de-Galles, en Écosse et en Irlande du Nord, la PPrE est disponible dans les cliniques de santé sexuelle du National Health Service (NHS). De nombreuses autres personnes s’approvisionnent en ligne. 

Pour M. Owen, organisateur de soirée devenu militant et coordinateur à plein temps, le succès de la sensibilisation sur le VIH et de la démocratisation de nouveaux médicaments est à mettre au compte de 30 années de lutte contre le sida.

« La PPrE change la donne, car elle représente le maillon manquant d’une chaîne », indique-t-il. « Nous avons déjà milité pour des dépistages réguliers, pour encourager l’utilisation des préservatifs et pour que les personnes suivent un traitement le plus tôt possible. Tout cela fait partie de notre riposte, une prévention combinée nécessaire pour lutter contre l’épidémie. »

Selon Will Nutland, cofondateur de  Prepster, un groupe s’engageant pour que la PPrE soit prise en charge par le NHS en Angleterre, ce médicament figure parmi les outils de prévention du VIH les plus efficaces et rentables de tous les temps. 

« Aucune autre forme de prévention du VIH n’a eu un effet similaire sur les contaminations au VIH dans une ville comme Londres », déclare-t-il.

La moitié des nouvelles infections au Royaume-Uni touche les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Au cours des deux dernières années, le nombre de nouveaux cas parmi cette population a toutefois reculé de 30 % dans tout le pays selon des données sur le VIH fournies par Public Health England. À Londres, cette baisse atteint même 44 %.

Les sites Prepster et iwantPrEPnow ont été lancés à une semaine d’intervalle. Leurs fondateurs ne se connaissaient pas, si bien que lorsqu’ils ont remarqué qu’ils poursuivaient un objectif commun, ils se sont rencontrés et collaborent depuis lors dans la plupart de leurs projets. 

Pour M. Owen, la PPrE a aussi changé les règles du jeu. « Aujourd’hui, des générations entières parlent de sexe sans avoir honte », explique-t-il. Il pense que c’est une libération après des décennies de honte, de décès et de maladies liés au sexe sans préservatif. 

Les militantes et militants ont l’impression que cela donne un nouveau souffle à la lutte contre le VIH. M. Owen est fier d’appartenir à cette communauté généreuse, aimante et dynamique. Il déclare que leur but commun a rassemblé de nombreuses parties prenantes venant d’horizons différents.

« La PPrE doit être mise à disposition de tous et toutes, et pas uniquement dans les cliniques de santé sexuelle », dit-il en rejoignant ici l’avis de M. Nutland.

Leur objectif sur le long terme consiste à sensibiliser davantage sur le thème de la PPrE et à améliorer son accès afin que tout le monde puisse en profiter, en particulier les femmes, les personnes transgenres et les communautés de personnes de couleur.

« Une communauté assure que personne n’est oublié », conclut M. Owen. « Une véritable communauté ne rejette personne. »