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Anticiper la crise latente concernant le traitement : un agenda d’action pour atteindre l’objectif 90-90-90

09 juin 2016

La question fondamentale portant sur la façon d’aborder la crise latente concernant le traitement du VIH a fait l’objet d’une table ronde intitulée « Anticiper la crise latente concernant le traitement : un agenda d’action pour atteindre l’objectif 90-90-90 », organisée le 9 juin dans le cadre de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la fin du sida, qui a eu lieu à New York, aux États-Unis, du 8 au 10 juin.

Les débats se sont concentrés sur la nécessité impérative d’atteindre l’objectif mondial de traitement 90-90-90, à savoir 90 % des personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur état sérologique vis-à-vis du VIH, 90 % de ces personnes sous traitement antirétroviral et 90 % des personnes sous traitement avec une charge virale indétectable. 

Bien que ces objectifs soient réalistes et atteignables, les participants à la table ronde ont fait valoir que le chemin à parcourir était encore long. Malgré les avancées impressionnantes dans la couverture de traitement, le niveau actuel n’est pas suffisant pour empêcher l’épidémie de repartir de plus belle dans de nombreux pays.

Plusieurs problèmes ont été évoqués, notamment le fait que la moitié de toutes les personnes vivant avec le VIH sont ignorantes de leur état et ne suivent donc pas de traitement ; compte tenu de ce chiffre, le nombre de personnes accédant au traitement antirétroviral devrait être multiplié par deux environ au cours des cinq prochaines années. La pérennité de l’approvisionnement en médicaments antirétroviraux abordables est incertaine, avec de nouveaux protocoles de traitement de deuxième et troisième intention plus chers qui sont de plus en plus requis. Par ailleurs, le marché des médicaments génériques est concentré entre les mains d’un trop petit nombre de producteurs, ce qui peut avoir des conséquences pour la pérennité.

Les participants à la table ronde ont proposé toute une série de recommandations pour éviter la crise latente du traitement. Ils ont souligné que la prochaine phase de la riposte au sida devra prendre en compte de nouvelles réalités, comme l’augmentation des mouvements migratoires et des conflits, la concurrence entre plusieurs problèmes sanitaires et de développement et l’évolution des priorités pour les donateurs.   

L’anticipation du financement de la lutte contre le sida sur les cinq prochaines années a également été défendue, avec un pic de ressources nécessaires pour mettre fin à l’épidémie s’élevant à 26,2 milliards de dollars en 2020. La disponibilité du traitement doit être élargie et les pays doivent soutenir le développement, la production et la fourniture de médicaments de haute qualité, en s’appuyant sur l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC) pour produire des génériques. La délivrance du traitement doit aussi être élargie, avec une plus forte décentralisation (par exemple la prestation de services à base communautaire) et un meilleur accès au suivi de la charge virale, ont fait remarquer les participants.

La nécessité pour les pays à revenu faible et intermédiaire d’accroître leur financement national a également été soulevée, de même que le rôle de la communauté internationale qui doit apporter son soutien lorsque cela est nécessaire pour atteindre l’objectif de traitement 90-90-90 en tant qu’investissement judicieux en faveur de la santé mondiale et du développement durable. 

Dans son intervention lors de cette table ronde, Deborah Birx, Coordonnatrice pour les États-Unis de la lutte mondiale contre le sida, a annoncé la création d’un nouveau fonds d’investissement de 100 millions de dollars pour les populations clés. Tout en notant que bien que l’objectif de traitement 90-90-90 s’applique à tous, pour assurer l’accès de tous, les États-Unis, par l’intermédiaire du Plan présidentiel américain d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR), vont agir pour assurer l’accomplissement de cet objectif au sein des populations clés. Le nouveau fonds soutiendra les approches innovantes, conçues sur mesure et pilotées par les populations clés pour élargir l’accès aux services expérimentés de prévention et de traitement du VIH, pour que les mots « ne laisser personne de côté » se traduisent par une action d’urgence dès aujourd’hui.

 

Déclarations

« Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que le monde se trouve à un tournant important dans la riposte au sida. Le niveau actuel de couverture du traitement anti-VIH n’en est qu’à la moitié du verre et ne suffit pas pour éviter le grand nombre de décès dus au sida et empêcher l’épidémie de repartir de plus belle dans de nombreux pays. Il faut un nouvel élargissement massif de la fourniture de traitements antirétroviraux et celui-ci doit se produire aussi rapidement que possible. »

Barnabas S. Diamini Premier ministre du Swaziland

« Les pays doivent exploiter pleinement leur potentiel de négociation, y compris pour les achats groupés, les mécanismes d’octroi de licence volontaire et/ou les autres flexibilités de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC). Les pays auront de plus en plus de personnes sous traitement à vie. Ils vont devoir redoubler d’efforts pour repenser, adapter et rendre plus intelligente la délivrance des traitements antirétroviraux. »

Ruhakana Rugunda Premier Ministre de l’Ouganda

« Notre gouvernement s’engage à ce que les médicaments génériques contre le VIH soient mis à la disposition de tous ceux qui en ont besoin. L’Inde doit tenir ses engagements vis-à-vis de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) et la santé publique. Je ne crois pas que nous puissions être plus clairs dans la déclaration de notre politique. »

Jagat Prakash Nadda Ministre indien de la Santé et des Affaires familiales

« Il n’y a pas que des bonnes nouvelles. Dans notre région, la plupart des partenaires bilatéraux ont mis un terme à leur financement. Si cette situation perdure, ce sera une véritable catastrophe. Sans aide, non seulement nous ne pourrons pas atteindre l’objectif 90-90-90, mais ceux qui sont sous traitement anti-VIH vont aussi prendre des médicaments obsolètes. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont besoin de la solidarité, encore plus que n’importe quelle autre région du monde. »

Souhaila Bensaid Président de l’Association Tunisienne de Prévention Positive