Reportage

Bien plus que des aiguilles propres

12 mars 2018

La question fondamentale que je pose aux clients est toujours la suivante : « êtes-vous prêts à changer ? ». Charles décrit ainsi sa fonction au Centre de santé du Conseil tribal de Saskatoon : « je suis là pour aider ». « Nous disposons des ressources qui peuvent et vont aider les gens, si et quand ils le veulent et en ont besoin. Je sais vers où orienter les gens pour un logement, de la nourriture, un abri. S’ils veulent une désintoxication, je sais où ils doivent aller ; je connais très bien les centres de traitement et le cycle de traitement ».

Charles est conseiller en addictions au centre, et il est lui-même une ancienne personne dépendante.

Au bout de presque 16 ans d’alcoolisme et six ans de consommation de drogues, Charles est très bien placé pour comprendre ces questions. Il est particulièrement conscient des problèmes rencontrés par ses clients en tant que parents célibataires. Lui-même père isolé avec trois enfants, la détérioration de ses relations avec ses enfants a été le catalyseur qui l’a poussé à demander de l’aide. « Je n’avais pas compris que j’avais un problème, car tout était si normal. L’alcool était normal, la drogue était normale, tout était normal. J’ai entamé un traitement en 2007. Mais je savais que la lutte serait dure pour m’en sortir ».

Saskatoon est la plus grande ville de la province canadienne de la Saskatchewan, où les jeunes gens issus des populations autochtones sont davantage susceptibles de finir en prison que d’obtenir un diplôme d’études secondaires, et où le taux de suicide est cinq à sept fois plus élevé qu’au sein de la population non autochtone. Les taux de dépendance aux drogues et à l’alcool et de problèmes complexes de santé mentale sont élevés.

Le VIH et la tuberculose (TB) représentent également des préoccupations sanitaires majeures au sein de nombreuses communautés autochtones. Parmi les personnes issues des Premières Nations du Canada dans la Saskatchewan, la prévalence de la TB est 31 fois plus élevée que la moyenne nationale et celle du VIH est 11 fois plus élevée que le taux national. Près de 50 % des infections à VIH sont transmises par la consommation de drogues injectables.

Il existe également de hauts niveaux de stigmatisation et de discrimination dans le système de santé général, et c’est pourquoi le Centre de santé du Conseil tribal de Saskatoon représente un lien important avec le système de santé, dont les clients considèrent l’accès comme sûr.

À la clinique, Charles voit défiler entre 6 et 18 personnes par jour. Ses clients viennent de toute la région de Saskatoon, avec des parcours de vie différents et des origines ethniques diverses, et des âges allant de 18 à 60 ans.

« Chacun d’entre eux a un problème avec l’alcool et la drogue. Ce problème peut être lié à la pauvreté, à l’absence de logement stable. Ces personnes peuvent venir de la rue et avoir un parcours très difficile. Leurs histoires sont uniques, parfois totalement destructrices par rapport aux choses auxquelles ils ont été exposés. Mais ils ont tous un point commun : ils sont là parce qu’ils nous font confiance ».

Le centre est ouvert tous les jours de l’année et propose des services de santé et d’appui. Il dispose d’un programme aiguilles et seringues qui fournit aux personnes du matériel d’injection stérile, afin de faire en sorte que les consommateurs de drogues injectables ne partagent pas leurs aiguilles et leurs seringues. La clinique propose également un espace sécurisé pour que les clients puissent se débarrasser des aiguilles et des seringues usagées. Le centre distribue plus de 1,5 million d’aiguilles propres chaque année et sa base de clientèle de 2 600 personnes ne cesse de croître, avec plusieurs personnes en plus chaque jour.

Le Conseil tribal de Saskatoon s’attaque à une crise chronique dans le domaine des drogues et de la santé mentale au sein des populations autochtones. L’objectif principal du centre est de constituer une clinique complète et pluridisciplinaire accessible sans rendez-vous au cœur des quartiers défavorisés de Saskatoon, offrant une large variété de services pour le traitement du VIH, d’autres infections sexuellement transmissibles et de l’hépatite C, en particulier pour les personnes d’origine autochtone.

Le centre du Conseil tribal de Saskatoon est bien plus qu’un lieu où l’on peut accéder à des aiguilles propres. C’est une plaque tournante, un centre important de ressources et de connexions, un espace sûr et une zone de non-discrimination où l’on peut bénéficier d’une aide et de conseils. C’est un endroit où les clients savent qu’ils seront accueillis avec un sourire chaleureux, une boisson chaude et quelque chose à manger. Twila, membre de l’équipe, résume ainsi la vocation du centre : « Les gens ont besoin de nous et nous faisons une différence ».


La 61e session de la Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND) se tient à Vienne, en Autriche, du 12 au 16 mars 2018. La CND est l’organe des Nations Unies dont la responsabilité première est le contrôle des stupéfiants. Selon les termes de son mandat, la CND suit la situation mondiale en matière de stupéfiants, élabore des stratégies pour le contrôle international des stupéfiants et recommande des mesures pour lutter contre le problème de la drogue dans le monde.

L’ONUSIDA encourage tous les pays à adopter une approche de la consommation de drogues centrée sur les individus, la santé publique et les droits de l’homme et à envisager des alternatives à la criminalisation et à l’incarcération des consommateurs de drogues. Les données probantes montrent que les approches de réduction des risques telles que le programme aiguilles et seringues de Saskatoon permettent de limiter les effets néfastes de la consommation de drogues sur la santé et la situation sociale et économique des individus, des communautés et de la société en général. Elles ne suscitent pas la hausse de la consommation de drogues. L’ONUSIDA encourage tous les pays à faire en sorte que les consommateurs de drogues injectables aient accès à des services de réduction des risques, notamment des programmes aiguilles et seringues et des traitements substitutifs aux opiacés.