Reportage

Paroles d’activistes pour les droits des personnes transgenres

29 mars 2018

Pour la Journée de visibilité transgenre, l’ONUSIDA s’est entretenu avec des activistes transgenres pour parler des problèmes auxquels ils sont confrontés et de l’importance d’améliorer la visibilité des personnes transgenres.

Erika Castellanos est une femme transgenre originaire du Belize, qui s’est installée récemment aux Pays-Bas pour travailler auprès de GATE (Global Action for Trans Equality) en tant que Directrice des programmes. Elle est engagée dans la défense des personnes transgenres et la sensibilisation au VIH au niveau local, régional et international.

Quels sont les problèmes que rencontrent les personnes transgenres ?

Les personnes transgenres sont victimes de stigmatisation, de discrimination, d’actes de haine et de violence : le nombre de décès chez les personnes transgenres dus à des crimes de haine est alarmant. Dans de nombreuses parties du monde, être transgenre est puni par la loi, ce qui rend les personnes transgenres invisibles dans ces endroits et les oblige à vivre dans la clandestinité.

Beaucoup de gens ne comprennent pas ce que sont les personnes transgenres, ce qui se traduit par de la peur, cause de la stigmatisation et de la discrimination. Dès l’enfance, les personnes transgenres sont souvent rejetées par leur famille, leurs amis et la société en général, et mises à l’écart.

Pourquoi pensez-vous qu’il est important de donner une visibilité aux personnes transgenres ?

La visibilité, c’est le pouvoir. C’est seulement en étant visibles que nous pouvons faire entendre nos voix et faire valoir la jouissance de nos droits. La visibilité nous donne une présence, elle nous donne une voix. Au final, la visibilité nous donne l’espoir d’une vie meilleure. Les personnes transgenres font partie intégrante de la société et ne peuvent plus être ignorées.

Que pensez-vous de la représentation des personnes transgenres dans les médias ?

La quasi-totalité de la couverture médiatique des personnes transgenres est négative, dévalorisante ou centrée sur les taux élevés de meurtre et de violence que connaissent nos communautés. Même s’il est nécessaire de mettre en avant cette violence, la couverture médiatique négative et dévalorisante qui déshumanise les personnes transgenres ne sert qu’à la perpétuer. En donnant une image des personnes transgenres comme objets de moqueries, la couverture médiatique expose encore plus notre communauté au risque d’isolement social, au rejet de la part de nos proches et à la violence.

Rena Janamnuaysook est une militante transgenre thaïlandaise du Centre de recherche sur le sida de la Croix-Rouge thaïlandaise. Elle possède une large expérience locale, nationale et internationale dans le travail avec les organisations de lutte contre le VIH.

Quels sont les problèmes que rencontrent les personnes transgenres dans votre pays ?

Les personnes transgenres sont confrontées à de multiples problèmes en Thaïlande. Notre pays n’a pas de loi qui reconnaît la dimension de genre. La stigmatisation et la discrimination restent des obstacles qui conduisent à l’inégalité. Une étude menée en 2015 par l’Alliance transgenre thaïlandaise et Transgender Europe a révélé que 50 % des personnes transgenres ayant participé à l’étude avaient eu une expérience négative avec des prestataires de santé. En outre, les personnes transgenres sont victimes de violences physiques et de harcèlement de la part de membres de leur famille, à l’école et sur leur lieu de travail.

Pourquoi pensez-vous qu’il est important de donner une visibilité aux personnes transgenres ?

Il est important de donner une visibilité aux personnes transgenres parce que les personnes transgenres sont moins visibles dans tous les aspects de la vie : famille, éducation, emploi, santé et droit. La Journée internationale de visibilité transgenre permet de sensibiliser le public aux besoins des personnes transgenres.

Est-ce facile pour les personnes transgenres d’accéder au dépistage du VIH et au traitement dans votre pays ?

Une étude menée par le Ministère thaïlandais de la Santé publique en 2014 a montré que 15 % des professionnels de santé estimaient que les femmes transgenres séropositives au VIH devraient avoir honte de leur identité de genre et de leur séropositivité au VIH. Cela se traduit par de la stigmatisation et de la discrimination au sein des établissements de santé publique et empêche les personnes transgenres d’accéder aux services de santé, y compris le dépistage, le traitement et l’appui anti-VIH.


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Kirit Solanki est un homme politique indien qui représente la circonscription d’Ahmedabad Ouest dans l’État du Gujarat.

Pouvez-vous nous parler de votre travail avec les personnes transgenres en Inde ?

J’ai fait des études de médecine et je suis devenu chirurgien. Une patiente est venue chez moi en m’expliquant qu’elle avait du mal à aller aux toilettes. Je me suis rendu compte que c’était une personne transgenre et que son opération de changement de sexe n’avait pas été réalisée correctement, bloquant effectivement son urètre. Après l’insertion réussie d’un cathéter, la nouvelle s’est répandue que j’avais sauvé la vie de cette femme. Brusquement, j’ai vu d’innombrables femmes transgenres ayant les mêmes problèmes défiler dans ma clinique.

Qu’avez-vous observé en ce qui concerne les traitements et les soins aux personnes transgenres ?

J’ai constaté qu’un très grand nombre de personnes transgenres avaient besoin de diverses opérations, mais j’ai découvert que beaucoup d’entre elles évitaient les cliniques et les hôpitaux. Quand je réussissais finalement à les faire venir à l’hôpital, elles s’installaient dans l’unité réservée aux femmes. Il ne se passait pas une journée sans que les autres patientes se plaignent, et l’hôpital finissait par les envoyer dans l’unité réservée aux hommes, où l’accueil n’était pas meilleur. C’est là que j’ai véritablement compris à quel point la discrimination à l’encontre des personnes transgenres était généralisée.

Que tentez-vous de faire avec d’autres parlementaires ?

Il a fallu 10 ans pour que le Parlement indien adopte une loi sur le VIH/sida faisant du traitement vital un droit légal et qui pénalise toute personne ayant un comportement discriminatoire à l’encontre de quelqu’un sur la base de son statut vis-à-vis du VIH. Nous avons aussi réintroduit un projet de loi sur les personnes transgenres visant à assurer zéro discrimination, la reconnaissance légale et l’accès aux services sociaux pour la communauté transgenre en Inde. Il est temps que les gens changent de comportement et respectent les personnes transgenres.