Reportage

Ramener la prévention du VIH sur le devant de la scène lors la Marche des fiertés au Brésil

17 octobre 2019

En juin 2019, plus de 3 millions de personnes sont descendues dans les rues de São Paulo pour fêter ensemble la Marche des fiertés lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuelles (LGBTI), ainsi que le 50e anniversaire des émeutes de Stonewall qui ont marqué un tournant dans la lutte pour les droits LGBTI. Pour Almir Nascimento, chef d’entreprise gay, 2019 a été l’année de son retour dans l’organisation de cette manifestation après 20 ans d’absence.

Sa décision est la conséquence d’un constat alarmant : au Brésil, le nombre de nouvelles infections au VIH ne cesse d’augmenter chez les jeunes, en particulier les jeunes gays et les femmes transgenres. Pendant longtemps, M. Nascimento avait pourtant cru que la mobilisation des années 1990 et l’arrivée de la thérapie antirétrovirale suffiraient à mettre un terme à l’épidémie du VIH.

« L’épidémie avait atteint son point culminant lorsque j’ai participé pour la première fois à l’organisation de la Marche en 1999 et 2000. À l’époque, j’avais l’impression que nous avions fait des progrès majeurs et j’étais persuadé que cela suffirait pour arrêter le VIH », se souvient-il. « Mais, il y a quatre ou cinq ans, j’ai commencé à remarquer une recrudescence des nouvelles contaminations parmi les personnes gays, bisexuelles et transgenres et, pire encore, qu’elles décédaient très jeunes des suites du sida. Cette situation m’a poussé à revenir. J’ai aidé à l'organisation du défilé en mettant en place une discussion publique sur le VIH et le sida au sein de notre communauté. »

En 2018, 900 000 personnes environ vivaient avec le VIH au Brésil et les nouvelles infections avaient augmenté de plus de 20 % par rapport à 2010. La prévalence du VIH parmi la population adulte est estimée à 0,5 %, mais elle atteint 30 % environ chez les personnes transgenres et près de 18,3 % chez les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

M. Nascimento est le propriétaire d’un sauna gay à São Paulo. Il déclare qu’il s’efforce de s’assurer que ses clients savent se protéger correctement du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles. Il fait également équipe avec les services de santé de São Paulo, par exemple pour distribuer gratuitement des préservatifs. Plus récemment, une équipe de recherche dans le domaine de la santé a été invitée dans son sauna pour recruter des volontaires dans le cadre de projets pilotes sur la PPrE (prophylaxie pré-exposition), un comprimé qui empêche la contamination au VIH.

« Il est indéniable que les gays et les personnes transgenres sont les populations les plus touchées au Brésil. J’ai toutefois remarqué que les associations organisatrices de rassemblements lesbiens, gays, bisexuels et transgenres, dont la Marche de São Paulo, ne proposaient plus de programmes efficaces contre le VIH », explique-t-il. « C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’inviter des délégations des Prides organisées dans les 27 capitales fédérales du Brésil, ainsi que dans une douzaine des plus grandes villes de l’État de São Paulo. Nous estimons en effet que ces évènements rassemblent au total plus de 18 millions de personnes par an. »

Un tel public représente pour M. Nascimento non seulement une chance, mais aussi une responsabilité d’envoyer des messages de prévention du VIH et de non-discrimination à l’attention de la communauté LGBTI.

« Certaines équipes d'organisation de ces marches rechignent toujours à intégrer des discussions sur le sida à leur manifestation par peur de la stigmatisation et de la discrimination. Au contraire, ces évènements soudent tout le monde. Nous devons saisir l’opportunité de discuter ouvertement et d’informer les gens sur la prévention du VIH. Cela peut sauver des vies. »

Jouissant du soutien du bureau de l’ONUSIDA au Brésil et d’autres partenaires clés, M. Nascimento et la São Paulo LGBT Pride Parade Association organisent actuellement la troisième réunion de prévention et de santé destinée aux jeunes LGBTI. Elle se tiendra en novembre.

« Après notre première réunion en 2017 dédiée à la prévention du VIH parmi les jeunes lesbiennes, gays, bisexuel(le)s et transgenres, plus de 20 % des associations organisatrices d’une Marche participantes ont commencé à proposer des discussions similaires dans leur ville. Notre objectif est simple : que chaque responsable de défilé sache comment mener ce type de format, et que les associations organisent leurs propres réunions au cours de la semaine des fiertés et tout au long de l’année. »