Reportage

Assurer un accès à des services de qualité, sans danger et exempts de discriminations pour les populations clés du VIH et les migrant-es dans le contexte de la pandémie de COVID-19

10 juillet 2020

Déclaration du groupe de travail interorganisations sur les populations clés du Programme commun de l’ONU sur le VIH/sida (ONUSIDA) à propos de la nécessité d’assurer un accès à des services de qualité, sans danger et exempts de discriminations pour les populations clés du VIH et les migrant-es dans le contexte de la pandémie de COVID-19

La propagation rapide de la COVID-19 continue de toucher des milliards de vies dans le monde. La lutte contre cette pandémie nécessite des ressources humaines et financières sans précédent. Les entités de l’ONU, les ONG, les communautés de personnes vivant avec le VIH, de professionnel-les du sexe, de gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, de toxicomanes, de personnes transgenres et incarcérées, ainsi que leurs partenaires sexuel-les, mais aussi la société civile, toutes et tous ont un rôle à jouer pour lutter contre la COVID-19, sauver des vies et affronter le vaste impact socio-économique de la pandémie. Des moments critiques comme celui-ci nous rappellent plus que jamais que les inégalités peuvent décider de la vie ou de la mort et que tout le monde naît libre et égal en dignité et en droit, y compris pour ce qui est des normes de santé les plus élevées atteignables.

Les ripostes à la COVID-19 devraient puiser dans les leçons de la riposte mondiale au VIH : le VIH nous a appris qu’il s’agit d’une responsabilité partagée et que nous devons autonomiser les communautés et les impliquer dans la riposte. Les droits humains ne souffrent aucun compromis, et nous devons supprimer toute forme de stigmatisation et de discrimination afin de venir en aide aux groupes vulnérables et marginalisés.

L’ONUSIDA estime que 62 % des nouvelles infections au VIH touchent les populations clés et leurs partenaires sexuel-les. Les populations clés sont victimes de formes spécifiques d’exclusion, de criminalisation, d’inégalités et de discrimination qui augmentent leur vulnérabilité face au VIH, et aujourd’hui aussi à la COVID-19. Les personnes en prison et en milieu fermé pour qui l’éloignement physique n’est pas toujours possible sont extrêmement vulnérables face à la COVID-19. La prévalence de VIH et de tuberculose est également plus élevée parmi les populations incarcérées, ce qui accroît le risque de complications lors d’une infection au SARS-COV 2. Les migrant-es sont dans la même situation et aussi vulnérables au VIH. Les personnes LGBT signalent aussi un risque élevé de violence domestique et familiale, une plus grande isolation sociale et des difficultés à accéder aux services de santé essentiels pour un traitement du VIH et de réassignation sexuelle. Oublier les populations clés à un moment aussi important pourrait avoir des répercussions graves en matière de santé et de vies humaines, voire réduire à néant les avancées réalisées au cours de la riposte mondiale au VIH. 

Nous appelons les gouvernements et les partenaires à se joindre à nous pour :

Mettre à disposition des populations clés et des migrant-es dans le contexte de la pandémie de COVID-19 des services de qualité, exempts de discrimination pour la prévention, le traitement, les soins et l’aide pour le VIH, ainsi que les services de santé en général.

Ces services doivent reposer sur le respect et la protection des droits humains, même en l’existence de lois, règles et pratiques punitives. Ils doivent être exempts de stigmatisation et de discrimination, être étayés par des preuves et la science, ainsi que suivre les lignes directrices internationales les plus récentes. Les services doivent être équitables, confidentiels, sans danger pour les communautés et le personnel de santé et reposer sur un consentement éclairé.

Adapter rapidement la fourniture des services afin de prendre en compte les nouvelles réalités de la pandémie de COVID-19.

Des services adaptés à la nouvelle situation peuvent prendre la forme d’un accès sans danger au dépistage à domicile du VIH et à des conseils à distance. Lorsque possible, des ordonnances pour 3 à 6 mois de traitement antirétroviral, de la tuberculose et de l’hépatite virale doivent être délivrées afin de garantir la continuité du traitement, réduire la transmission du VIH et des co-infections, ainsi que le risque lié à la COVID-19. Les personnes qui consomment des drogues devraient avoir accès à la réduction des risques, y compris, lorsque cela est possible et conseillé par des professionnel-les de santé, obtenir plusieurs doses de traitement de substitution aux opioïdes afin de réduire les visites de contrôle sur place et le risque d’exposition à la COVID-19. Des peines autres que l’emprisonnement, lorsqu’autorisé, pour des délits n’ayant pas impliqué de violences pourraient sauver des vies, en particulier pour des crimes non reconnus par le droit international. Des mesures de libération anticipée devraient être prises à l’encontre de catégories spécifiques de populations à risque face à la COVID-19, comme les personnes âgées et celles souffrant de maladies chroniques ou d’autres problèmes de santé, ainsi que les femmes enceintes ou avec des enfants à charge, les prisonniers et prisonnières en fin de peine ou purgeant une peine de prison pour des délits mineurs, en respectant le droit national et sans mettre en danger la santé et la sécurité publiques. Des mesures de protection sociale d’urgence destinées aux populations clés sont nécessaires, car ces dernières sont souvent exclues des services sociaux, y compris et sans s’y limiter, de l’hébergement et de l’assurance santé, et leur situation professionnelle est souvent précaire. Les services apportés doivent continuer à prendre en compte l’intersectionnalité et la diversité des genres et des âges. Tout le nécessaire, aussi bien en personnel, en financement et en matériel doit être à disposition pour délivrer ces services. Afin que ces services soient efficaces et performants, les populations clés, leurs communautés et leurs organisations doivent être impliquées dans leur conception et leur mise en œuvre.

S’assurer que les ripostes à la COVID-19 n’ouvrent pas la voie à une multiplication de lois et de mesures punitives concernant l’application des restrictions ou la criminalisation de la transmission et de l’exposition.

L’impact hautement négatif de ce type de mesures punitives sur des personnes déjà marginalisées ou criminalisées est déjà bien documenté dans la riposte au VIH, y compris par la Commission mondiale sur le VIH et le droit.

Nous n’arrêterons pas la COVID-19 si certaines personnes ne peuvent pas payer un dépistage ou un traitement. Nous devons garantir que les ripostes à la COVID-19 ou à toute autre pandémie ou situation sanitaire d’urgence n’oublient pas les populations clés, les migrant-es et d’autres groupes vulnérables. En tant que groupe de travail interorganisations sur les populations clés, nous sommes à disposition pour coopérer avec l'ensemble des partenaires et assurer un accès sûr et respectueux des droits des populations clés à des services de qualité contre le VIH et la COVID-19.

Le groupe de travail interorganisations sur les populations clés a vu le jour conformément à la Division du travail de l’ONUSIDA. Il est coorganisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), et le Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)) en partenariat avec le Réseau mondial pour et des personnes vivant avec le VIH (GNP+), l’International Network of people who Use Drugs (INPUD), le MPact Global Action for Gay Men’s Health and Rights (MPact), le Réseau mondial des projets sur le travail du sexe (NSWP), l’IRGT et le Secrétariat de l’ONUSIDA.