Opinion

Les ripostes efficaces aux épidémies mondiales sont celles qui placent les individus au cœur des préoccupations

12 mars 2020

L’épidémie de COVID-19 attire l’attention sur les ripostes nationales et internationales aux urgences sanitaires. Elle révèle les déficits de nos systèmes, mais aussi nos forces, et elle puise dans l’expérience précieuse apportée par d’autres ripostes comme celle contre le VIH. À l’ONUSIDA, nous savons que l’apparition du virus à l’origine du COVID-19 est source de questions et de préoccupations chez les personnes séropositives. Si nous avons appris une chose de la riposte à l’épidémie du VIH, c’est que nous devons être à l’écoute des plus touchées et apprendre de leur expérience. L’ONUSIDA continue d’être fidèle à ce précepte.

Nous ne disposons pas à l’heure actuelle de preuves irréfutables indiquant que les personnes vivant avec le VIH sont davantage susceptibles de contracter le COVID-19 ou, lorsqu’elles le contractent, que leurs chances de guérison sont moins bonnes. À l’instar de la population en général, les personnes âgées vivant avec le VIH ou les personnes séropositives ayant des problèmes cardiaques ou pulmonaires sont potentiellement exposées à un risque plus élevé de contracter le virus et de développer des symptômes plus graves. Les personnes vivant avec le VIH, comme toute la population, doivent prendre toutes les mesures préventives pour minimiser leur exposition et éviter d’être infectées. Alors que le COVID-19 continue sa progression dans le monde, les recherches en cours dans des contextes à forte prévalence du VIH dans la population générale doivent faire toute la lumière sur les interactions biologiques et immunologiques entre le VIH et le nouveau coronavirus.

Mais des mesures légitimes pour contenir le virus peuvent avoir des effets pervers inattendus sur les personnes vivant avec le VIH. Par exemple, au début de l’épidémie du COVID-19 en Chine, l’ONUSIDA a mené une enquête auprès des personnes séropositives afin de connaître leurs besoins. Une étude complémentaire a montré que certaines d’entre elles commencent à rencontrer des difficultés pour obtenir le renouvellement de leur ordonnance ce qui nourrit un sentiment d’inquiétude. En réponse, l’ONUSIDA travaille avec des réseaux de personnes vivant avec le VIH et des fonctionnaires afin de faciliter des livraisons spéciales de médicaments vers des points de collecte spécifiques. Un numéro d'urgence a été ouvert en Chine pour que les personnes vivant avec le VIH aient la possibilité d’exprimer leurs peurs tant que dure l’épidémie. Avec nos partenaires, nous allons également suivre de près les évolutions au sein des chaînes d’approvisionnement internationales. Nous voulons ainsi garantir que les stocks de produits médicaux essentiels continuent de parvenir à celles et ceux qui en ont besoin, mais aussi maintenir au minimum les perturbations au niveau de la production de principes pharmaceutiques actifs.         

L’ONUSIDA enjoint aux pays de préparer leur riposte au COVID-19 afin de garantir que les personnes vivant avec le VIH puissent accéder sans problème à leur traitement. Les pays doivent de toute urgence mettre totalement en œuvre les lignes directrices actuelles de l’Organisation mondiale de la Santé sur le traitement du VIH pour que la plupart des personnes séropositives disposent de trois mois de traitement, au minimum. Cette mesure permettra ainsi de délester les établissements de soins en cas d’arrivée du COVID-19, mais aussi de garantir que toutes et tous puissent poursuivre leur traitement sans interruption et sans avoir à s’exposer à un risque plus élevé d’infection au COVID-19 lors de la collecte de leurs médicaments.

La riposte au sida a dispensé une leçon fondamentale: la stigmatisation et la discrimination sont non seulement injustifiables, mais contreproductives, aussi bien pour la propre santé des individus que pour la santé publique en général. C’est la raison pour laquelle l’ONUSIDA apporte son soutien aux campagnes visant à réduire la stigmatisation et la discrimination à l’encontre des victimes du COVID-19. La stigmatisation et la discrimination n’ont jamais permis de mettre un terme à une menace de santé. Notre riposte au COVID-19 doit puiser dans les enseignements tirés de la lutte contre le VIH. Nous devons les écouter, instaurer la confiance et maintenir les échanges entre elles et les autorités sanitaires, même avant que l’épidémie ne sévisse.

Nos plus grandes victoires contre le VIH ont eu lieu dans les pays qui luttent efficacement contre la stigmatisation et la discrimination. Cela favorise le dépistage au sein de la population et, le cas échéant, l’obtention d’un traitement. Utilisons les canaux de communication recommandés par les spécialistes de la santé publique pour être à l’écoute des victimes du COVID-19 et puiser dans leur vécu afin de renforcer notre riposte au virus.  

Les décès imputables à l’épidémie de COVID-19 sont une tragédie. Mes condoléances vont aux familles et aux proches des défunts. Mais si nous agissons judicieusement, la communauté internationale et chaque pays utiliseront cette expérience pour continuer à renforcer les systèmes de surveillance et réaliser des investissements adaptés dans les infrastructures de santé aussi bien au niveau international que national. L’ONUSIDA enjoint aux gouvernements et aux fonctionnaires de la santé dans le monde entier de ne pas attendre pour mettre en place des programmes d’éducation publics portant sur les mesures pratiques pour limiter la transmission et la propagation du virus à l'échelle locale.

Nous devons impérativement adopter une stratégie mettant l’accent sur les individus. Chacune et chacun a droit à la santé, notre meilleur rempart contre les épidémies mondiales.

Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA

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