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En République démocratique du Congo, Thérèse Omari maintient son engagement pour mettre fin au sida et offrir une vie digne et harmonieuse aux personnes vivant avec le VIH
28 juillet 2022
28 juillet 2022 28 juillet 2022« Nous sommes là, nous ne baissons pas les bras ». Ce sont les mots encourageants de Thérèse Omari, une activiste engagée depuis plus de 20 ans dans la lutte contre le sida au sein de la fondation Femme Plus dont elle est la cofondatrice et la Directrice nationale en République démocratique du Congo.
Femme Plus, fidèle à sa devise « vie positive », œuvre pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. « L'objectif est avant tout que nos bénéficiaires vivent en harmonie avec eux-mêmes, avec leur entourage et avec leurs croyances », explique Mme Omari.
Pour cela, la fondation assure l’accompagnement psychosocial des personnes vivant avec le VIH ou affectées par le virus grâce à des services de conseils, de soins et d’assistance. Femme Plus mène aussi de nombreuses activités au sein des communautés afin de libérer les personnes vivant avec le VIH du poids de la stigmatisation. « Il y a encore beaucoup à faire pour changer les comportements à l’égard des personnes vivant avec le VIH », regrette Mme Omari. En République Démocratique du Congo, la stigmatisation liée au VIH est encore très présente, notamment en milieu communautaire. « Beaucoup de personnes vivant avec le VIH déclarent ne plus participer à des réunions de famille et autres évènements, de peur d’être discriminées. Il est alors primordial que les personnes qui se présentent à Femme Plus se sentent considérées comme des personnes normales ayant des droits et des obligations », explique-t-elle. Afin de faire évoluer les consciences, la fondation met en place des ateliers destinés à apporter aux communautés les connaissances nécessaires pour mieux accompagner une personne vivant avec le VIH, sans la mettre à l’écart ni la traiter différemment.
Mme Omari déplore également la persistance de la stigmatisation et de la discrimination dans les milieux de soins malgré les nombreuses formations sur le VIH destinées au personnel soignant. Elle reçoit notamment des témoignages de femmes enceintes ayant été diagnostiquées positives au VIH dans une structure et souhaitant accoucher dans un autre centre de soin, de peur d’être stigmatisées et traitées différemment. Ce phénomène est problématique puisqu’il peut nuire à une prise en charge adaptée de la mère et du nourrisson.
Mettre fin à la discrimination et assurer la protection des droits des personnes vivant avec le VIH est donc l’une des priorités de Femmes Plus pour les aider à s’affirmer et faire les bons choix en ce qui concerne leur santé. « Nous encourageons les personnes vivant avec le VIH à se prendre en charge, à parler de ce qui ne va pas, pour leur propre bien », nous dit Mme Omari.
Mme Omari nous interpelle aussi sur d’autres obstacles à la riposte au sida. Le manque d’accès à la prévention et aux traitements, le faible taux de personnes ayant une charge virale indétectable, font partie des points faibles de la lutte en République démocratique du Congo. « Tout le monde n’a pas accès au dépistage. Il y a encore des personnes porteuses du VIH qui vivent dans l’anonymat », alerte Mme Omari.
Pour pallier ce manque, la fondation Femme Plus intervient auprès des dirigeants communautaires pour leur enseigner comment rester en bonne santé avec le VIH. Parmi d’autres activités, elle agit également auprès des femmes en âge d'être enceintes ou allaitantes en leur apportant les connaissances nécessaires pour protéger leurs bébés et ainsi mettre fin à la transmission verticale.
« Tant qu’il y aura des personnes qui ne connaissent pas leur statut sérologique, qui n’ont pas accès aux traitements et qui n’ont pas atteint une charge virale indétectable, la lutte de la fondation Femme Plus aura toujours un sens » insiste Mme Omari.
Elle termine en précisant que la lutte contre le sida en République démocratique du Congo s’opère dans un contexte où les ressources sont limitées. « La population locale doit s’approprier les activités de prise en charge psychosociale et de prévention pour faire du VIH un enjeu électoral », explique-t-elle. Dans l’attente de financements plus conséquents de la part de l'Etat et d’une meilleure traçabilité des fonds, les services dirigés par les communautés ont un rôle crucial à jouer auprès des personnes vivant avec le VIH. Ils sont au cœur de la lutte contre le sida, plaidant pour l'accès à la prévention et aux soins vitaux, appelant au respect des droits humains et répondant aux besoins spécifiques de leurs bénéficiaires. Leur appui est donc crucial pour relever les défis de la lutte contre le VIH et mettre fin au sida d’ici 2030.
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Indonésie : former le personnel de santé afin d'améliorer les services anti-VIH pour les jeunes populations clés
30 mars 2022
30 mars 2022 30 mars 2022« Les jeunes d'ici n’ont pas un accès régulier aux services anti-VIH. Je veux vraiment inciter mes proches à se faire dépister, mais tout le monde a tellement peur. Les informations manquent, leur famille ne les soutient pas assez et mes proches ont peur de connaître leur statut », explique Andika Bayu Aji, un jeune originaire de Papouasie occidentale en Indonésie.
L’épidémie de VIH chez les jeunes en Asie et dans le Pacifique est négligée, même si environ un quart des nouvelles infections au VIH dans la région touchent les personnes âgées de 15 à 24 ans. La grande majorité des jeunes touchés par le VIH dans la région appartiennent aux populations vulnérables : personnes vivant avec le VIH, gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, personnes transgenres, travailleurs et travailleuses du sexe et consommateurs et consommatrices de drogues injectables.
Comme dans de nombreux pays de la région, les infections au VIH chez les jeunes en Indonésie, qui représentent près de la moitié des nouvelles infections, sont imputables à la stigmatisation et à la discrimination, à un manque d'éducation pour sensibiliser sur le VIH, à l’absence de services adaptés aux jeunes et à des tabous sociaux.
« Les jeunes sont bien trop souvent victimes de stigmatisation et de discrimination dans les environnements de santé. Le personnel de santé représente la première interface humaine. Si les services sont mauvais, les jeunes ne les utiliseront pas et diront aux autres jeunes de ne pas les utiliser. Ce qui nous limite, c'est que nous avons accès à quelques établissements seulement, parce que beaucoup, voire la plupart, ne sont pas adaptés aux jeunes », explique Sepi Maulana Ardiansyah, connu sous le nom de Davi et qui est coordinateur national d’Inti Muda, le réseau national des populations clés de jeunes en Indonésie.
Une étude récente menée par Inti Muda et l’Université de Padjaran a révélé une très faible propension chez les jeunes à accéder aux services dans des provinces comme la Papouasie occidentale, principalement en raison du manque de services adaptés à cette classe d'âge et du fait que le personnel de santé comprend mal les problèmes des populations clés. Les jeunes rencontrent souvent des difficultés d’accès aux services en raison de l’éloignement des cliniques et des hôpitaux, ainsi que des obstacles tels que l’âge minimum autorisé pour faire un dépistage.
La stigmatisation et la discrimination, en particulier la discrimination de la part des prestataires de soins de santé, découragent de nombreuses populations clés de jeunes à accéder aux services anti-VIH. Les principales problématiques concernent des préoccupations relatives à la vie privée et à la confidentialité. Parmi les autres obstacles, le rapport indique que les heures d’ouverture des cliniques publiques sont souvent inadaptées au quotidien des personnes, et que le personnel de santé peut porter un jugement dans ses suppositions et à travers son comportement, en particulier sur les questions liées à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre et à la santé mentale.
Entre le 14 et le 18 mars, Inti Muda, avec le soutien technique de Youth LEAD et de l’ONUSIDA, a organisé une formation de sensibilisation destinée au personnel de santé de deux villes, à Sentani et Jayapura, dans la région de la Papouasie occidentale. Plus de 50 personnes y ont participé. Quelques jours avant la formation, Inti Muda a organisé un festival qui a rassemblé plus de 80 jeunes. Cette manifestation s'inscrivait dans une volonté d'impliquer les jeunes dans la riposte au VIH et de générer une dynamique pour demander accès aux services anti-VIH.
« Avant cette formation, je ne connaissais pas les différents besoins des populations clés, ce qui entrave notre capacité à les toucher. Nous avons découvert des techniques importantes pour atteindre les jeunes, comme fournir des consultations adaptées, être sur Internet et les encourager à se faire dépister », résume Kristanti du District Health Office de Jayapura.
« J’ai appris que les jeunes ont des besoins variés. La formation nous permettra d’améliorer nos services pour qu’ils soient adaptés aux jeunes, ce qui est désormais notre priorité », ajoute Hilda Rumboy, sage-femme responsable du Département des services anti-VIH au Centre de santé primaire de Waibhu.
La formation et le festival ont été soutenus par le ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce (DFAT). L’investissement récent de 9,65 millions de dollars australiens réservé par le gouvernement australien à partir de la sixième reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial), y compris le financement du DFAT de 2 millions de dollars australiens précédemment promis à l’ONUSIDA, vise à réduire le nombre annuel de nouvelles infections au VIH parmi les populations clés au Cambodge, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Philippines.
« Pour mettre un terme à l’épidémie de sida, il est essentiel de s'assurer que les jeunes et les groupes vulnérables aient accès à des informations précises et digestes sur la manière de se protéger du VIH, et que les équipements de dépistage soient bon marché et accessibles. C'est avec fierté que nous travaillons aux côtés des communautés locales et de l’ONUSIDA pour augmenter la disponibilité des informations sur le VIH, améliorer la portée et la qualité des services médicaux et encourager les jeunes et les groupes vulnérables à se faire dépister », a déclaré Simon Ernst, conseiller ministériel par intérim dans le domaine de la Gouvernance et du Développement humain auprès de l’Ambassade d’Australie en Indonésie.
La formation repose sur le manuel élaboré par Youth LEAD en 2021. Ce guide a bénéficié du soutien financier du Fonds mondial par le biais du Programme de développement durable des services anti-VIH pour les populations clés en Asie, ainsi que de l'assistance de l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Asie et le Pacifique. Dans le cadre de la subvention DFAT octroyée pour les deux prochaines années, Youth LEAD étendra la formation à deux autres pays, le Cambodge et les Philippines, en soutenant des réseaux dirigés par des jeunes dans ces pays afin de proposer cette formation.
« Les jeunes rencontrent encore de nombreux défis qui les empêchent d’accéder aux soins de santé vitaux dont ils ont besoin. Le Bureau pays de l’ONUSIDA pour l’Indonésie travaille en étroite collaboration avec l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions et le DFAT pour veiller à ce que les réseaux dirigés par des jeunes aient la possibilité et les capacités de leadership pour prendre le contrôle de la riposte au VIH et s’impliquer directement dans la création d’espaces sans danger où les jeunes peuvent accéder aux services anti-VIH sans stigmatisation ni discrimination », a déclaré Krittayawan Boonto, directrice pays de l’ONUSIDA pour l’Indonésie.
Notre action
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Un nouveau rapport souligne le rôle vital des organisations communautaires dans la riposte et la préparation aux pandémies
28 janvier 2022
28 janvier 2022 28 janvier 2022Dans un nouveau rapport de l’ONUSIDA intitulé Tenir envers et contre tout : les communautés, premières à intervenir face à la COVID-19 et aux menaces sanitaires émergentes, les organisations dirigées par et pour les personnes vivant avec le VIH et les populations clés racontent en détail leurs efforts pour riposter aux pandémies concomitantes de COVID-19 et de VIH. S’appuyant sur des données qualitatives obtenues par des enquêtes auprès de 225 organisations dirigées par des communautés dans 72 pays, le rapport dresse un état des lieux du travail que les organisations ont fourni au début de 2020 pour préserver la riposte au VIH tout en aidant leurs communautés au cours de la pandémie de COVID-19. Le rapport met également en lumière les actions hautement prioritaires et urgentes nécessaires à la continuité des services liés au VIH, ainsi qu'à la pérennité des organisations communautaires qui les fournissent.
Comme le disent les membres des communautés, ce rapport parle de l’ingéniosité phénoménale dont font preuve les organisations dirigées par les communautés pour mobiliser dans les situations où les gouvernements n’y parviennent pas. Leurs histoires montrent que les organisations dirigées par et pour les personnes vivant avec le VIH et les populations clés, y compris les femmes et les jeunes, ont puisé dans des informations précises sur le VIH pour élargir leur expertise sur les pandémies. Face à des interruptions de service, à des pénuries de produits de santé, à des couvre-feux et à de graves déficits de financement, les organisations se sont rapidement adaptées pour continuer à fournir des services anti-VIH.
Elles ont indiqué être de plus en plus impliquées dans la distribution d’antirétroviraux et de kits d’autodépistage, mais aussi négocier davantage avec les fonctionnaires pour l’accessibilité des médicaments et leur livraison directement chez les bénéficiaires. De nombreuses organisations ont également signalé offrir davantage leurs services sur Internet, mais aussi utiliser le téléphone et les e-mails pour les consultations personnelles et le suivi de l’état de santé, certaines ayant même effectué des visites à domicile dans des circonstances urgentes. Les personnes les plus démuniese ont ainsi pu bénéficier d'un soutien matériel, y compris de colis alimentaires et de compléments de revenus.
Les organisations ont également entrepris de fournir des services liés à la COVID-19. Elles ont commencé à sensibiliser les membres de leur communauté et le grand public à la COVID-19 et à partager des informations sur les méthodes de protection. Elles ont identifié et réagi à l’augmentation des violences sexistes, apportant assistance et soutien aux victimes. Elles ont également distribué des masques, du savon et du désinfectant pour les mains, et construit des lave-mains. Lorsque le coût et la disponibilité des masques et du savon sont devenus un problème, de nombreuses organisations dirigées par des communautés ont indiqué avoir trouvé des solutions innovantes pour assurer elles-mêmes la production de ces articles.
Cependant, la majorité de ces organisations ont regretté de ne pas avoir été impliquées en particulier dans les processus de planification et de prise de décision, ce qui a entraîné l’échec des ripostes nationales à la COVID-19 pour répondre aux besoins de leurs communautés. Elles ont exprimé à plusieurs reprises de profondes inquiétudes quant à l’impact économique des confinements et des restrictions de voyage sur les personnes dont elles s’occupent. Elles ont également souligné les difficultés persistantes à obtenir des équipements de protection individuelle et des autorisations de déplacement, des transports collectifs ou des véhicules privés pour leur personnel.
Les organisations ont signalé endosser des charges extrêmement lourdes tout en ne recevant que peu de soutien externe. De graves déficits de financement ont conduit à l’épuisement du personnel de ces organisations. Leurs membres devaient travailler la nuit et le week-end pour collecter des fonds, généralement sans succès, certaines personnes puisant même dans leur propre salaire et leurs économies pour aider leur communauté.
Les organisations dirigées par une communauté sont au cœur d’une riposte à la santé publique centrée sur les personnes et basée sur les droits humains. L’ONUSIDA a appelé à maintes reprises à soutenir et financer les infrastructures dirigées par les communautés, en insistant sur le fait que les communautés ont d’urgence besoin d’espace et de ressources pour diriger leur action.
« Les organisations dirigées par les communautés nous ouvrent la voie à travers deux pandémies, d’abord la pandémie de sida et maintenant celle de COVID-19 », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Il est important de reconnaître et de valoriser leur rôle central et essentiel dans la fourniture de services au cœur des communautés [qui leur permet d’]atteindre les plus vulnérables. Ensemble, nous devons redoubler d’efforts pour les soutenir financièrement, les impliquer de manière significative dans les processus décisionnels et nous assurer qu’elles disposent de toutes les ressources dont elles ont besoin pour poursuivre leur travail dans la riposte au VIH et à la COVID-19 et aux futures pandémies. »
Là où les systèmes de santé publique ont engagé des réseaux et des organisations dirigés par les communautés et autonomisé les populations les plus touchées par les pandémies, ils ont réussi à lutter plus efficacement contre la désinformation, en assurant la continuité des services de santé et en protégeant les droits et les moyens de subsistance des plus vulnérables. Voilà ce que signifie vraiment placer les personnes au centre des ripostes aux pandémies.
Afin d’assurer la pérennité d’une riposte au VIH menée par les communautés, le rapport appelle à l’adoption urgente de cinq mesures :
- Les organisations communautaires doivent être pleinement incluses et intégrées dans les ripostes nationales à la pandémie, y compris les ripostes continues à la COVID-19. Cette implication ne peut pas se limiter à la consultation et doit couvrir l’élaboration des politiques, la planification, la conception et l’évaluation des interventions.
- Des fonds d’urgence à court terme doivent être mobilisés et mis à la disposition des organisations communautaires.
- Une base de financement stable et à long terme doit être établie pour permettre aux organisations communautaires de fonctionner efficacement.
- La base d’informations sur le travail des organisations communautaires doit être étendue et approfondie, mais aussi renforcée par une documentation systématique, une identification des bonnes pratiques et un partage d’informations.
- La continuité des services liés au VIH doit être garantie, notamment en élargissant le financement des organisations communautaires et en instaurant des accords de collaboration entre les organisations communautaires et les établissements médicaux pour garantir la pérennité de la riposte au VIH dans le contexte de la COVID-19 et des pandémies à venir.
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Innovations communautaires
13 mars 2020
Cette publication a pour but de susciter l’intérêt, les interrogations et la discussion autour des innovations communautaires. Elle s’inspire de la riposte à l’épidémie de sida (un exemple parfait d’innovations communautaires perturbatrices, non seulement dans le secteur de la santé, mais aussi avec des implications de grande portée pour presque tous les aspects de la vie des gens) pour montrer que l’innovation consiste à permettre aux communautés d’avoir l’espace, la liberté et le soutien nécessaires pour initier et effectuer des changements pour elles-mêmes. Fournissant des aperçus d’innovations sur toute une série de zones géographiques et de thèmes liés au VIH, cette brochure illustre les innovations communautaires à travers dix histoires sur une série de sujets, y compris le traitement du VIH, les problèmes de santé mentale, les soins contre la tuberculose (TB), la qualité des services et le travail de plaidoyer pour la dépénalisation des actes sexuels consensuels entre personnes du même sexe. Les exemples présentés ici montrent à la fois la nature évolutive des défis auxquels est confrontée une riposte efficace au VIH et l’ingéniosité des communautés qui conçoivent des moyens de les surmonter.




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Unis pour lutter contre le coût des inégalités
15 décembre 2020
15 décembre 2020 15 décembre 2020« Mon petit commerce a été touché par le coronavirus. Avant le coronavirus, je vendais au moins 10 plateaux d’œufs par semaine. Au plus fort de la pandémie, je pouvais me considérer heureux si j’arrivais à en vendre deux », se lamente George Richard Mbogo, séropositif, père de deux enfants et gérant d'un négoce de poules, œufs et frites à Temeke, un quartier du sud de Dar es-Salaam en République unie de Tanzanie.
La crise de la COVID-19 a eu un impact négatif sur les moyens de subsistance de personnes vivant avec le VIH en République unie de Tanzanie. Elle a aggravé leurs difficultés, par exemple pour ce qui est des services disponibles liés au VIH, et a renforcé les inégalités sociales et économiques.
« Le coronavirus a rendu la vie très difficile. J’ai eu mon lot de soucis et de stress. En tant que chauffeur de bodaboda (mototaxi), je dois aller dans des endroits animés et être très proche d’autres personnes. J’ai eu du mal à ne pas céder à la peur et à la dépression, à jongler entre obtenir mon traitement du VIH et le travail. Il y a eu des moments où j’ai pensé arrêter mes médicaments, mais j’ai continué », raconte Aziz Lai, un chauffeur de mototaxi vivant aussi à Dar es-Salaam.
Les pandémies concomitantes du VIH et de la COVID-19 touchent durement les plus pauvres et les plus vulnérables. Toutefois, la mobilisation des ressources nationales a transformé la crise du coronavirus en une chance qui a permis aux partenaires de se mobiliser afin d’aider leurs communautés.
Les efforts conjugués du gouvernement, de partenaires de développement, y compris le Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida, l’USAID et l’ONUSIDA, le National Council of People Living with HIV (NACOPHA) et de personnes impliquées dans les communautés sont cruciaux pour répondre à la COVID-19. Ensemble, ils ont permis de fournir des informations, des services, une protection sociale et de l’espoir aux personnes vivant avec le VIH au cours de ces temps éprouvants et sans précédent.
Hebu Tuyajenge est une de ces initiatives. Menée par le NACOPHA et financée par l’USAID, son objectif consiste à encourager l’utilisation du dépistage et du traitement du VIH, ainsi que des services de planification familiale chez les adolescent-es et les personnes vivant avec le VIH. Par ailleurs, elle cherche à renforcer le potentiel d’action des organisations et des structures communautaires, ainsi qu’à créer un environnement propice à la riposte au VIH en redonnant de l’autonomie aux personnes séropositives.
Caroline Damiani, séropositive, élève seule ses trois enfants et gagne sa vie en élevant des poules et des canards. « Hebu Tuyajenge nous a donné des équipements de protection individuelle, du désinfectant, du savon et des seaux. Elle nous a informés sur la COVID-19 et sur la manière de nous protéger afin de rester en bonne santé au cours de cette pandémie », explique-t-elle.
Les services apportés par les communautés sont venus s’ajouter à la prise en charge dans les établissements de santé. Au cours de la crise, des membres de communautés ont apporté des services anti-VIH essentiels. Ils ont par exemple renvoyé des personnes séropositives vers un traitement et les ont aidées à respecter leur traitement.
Pour Elizabeth Vicent Sangu, séropositive depuis 26 ans, ses « résultats » parlent d’eux-mêmes.
« Concernant les rendez-vous de suivi dans ma communauté, j’ai renvoyé 80 personnes vers le dispensaire pour le dénombrement de leurs cellules CD4, j’ai inspiré 240 personnes à faire un test, j’ai signalé 15 cas de violence basée sur le genre et j’ai apporté des informations à 33 groupes, y compris des groupes de jeunes et de chrétiens », annonce-t-elle, la fierté se lisant sur son visage.
Le NACOPHA a aidé Mme Sangu à accepter son statut et l’a accompagné à toutes les étapes menant à son autonomie.
« Depuis que je milite en faveur du traitement pour Hebu Tuyajenge, j’ai obtenu de l’aide sur l’entrepreneuriat et des informations sur le VIH. Maintenant, j’éduque les autres. J’ai permis à des personnes d’être fières de vivre avec le VIH et d’aller se faire tester », continue-t-elle.
Le partenariat entre les militant-es communautaires et les centres de soin a porté ses fruits.
« Au début, nos patient-es et nous-mêmes avions peur, mais grâce aux informations et aux formations, les choses se sont améliorées. Le plus important pour nous a été de donner des informations toutes les heures et tous les jours sur le coronavirus et de nous assurer que les gens respectaient une distance physique correcte », raconte Rose Mwamtobe, médecin au Tambukareli Care and Treatment Centre de Temeke.
« En République unie de Tanzanie, mais aussi dans le monde entier, la COVID-19 révèle une fois de plus le coût des inégalités. La santé mondiale, y compris la riposte au sida, est intimement liée aux droits humains, à l’égalité des sexes, à la protection sociale et à la croissance économique », explique Leopold Zekeng, directeur pays de l’ONUSIDA pour la République unie de Tanzanie.
« Pour mettre un terme au sida et à la COVID-19, tous les partenaires doivent s’unir, au niveau national et mondial, afin de garantir de n’oublier personne », poursuit-il.
Notre action
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COVID-19 au Bangladesh : des dons en espèces pour les toxicomanes
09 septembre 2020
09 septembre 2020 09 septembre 2020« Mes revenus ont diminué et je ne peux plus nourrir ma famille. Regarder ma famille affamée et en pleine détresse économique, ça me déprime », affirme Kamal Hossain (nous avons changé son nom), consommateur de drogues à Dhaka, au Bangladesh.
La pandémie de COVID-19 perturbe la vie et les revenus de personnes dans le monde entier. Les répercussions se font particulièrement sentir chez les personnes défavorisées ou marginalisées sur le plan socio-économique. Au Bangladesh, les toxicomanes qui luttent déjà contre leur exclusion de la communauté font face à des obstacles supplémentaires pour accéder à un revenu et au régime de protection sociale.
Des proches de M. Hossain, toxicomanes aussi, travaillaient avant la pandémie et ont perdu leur emploi pendant le confinement. Les espaces de loisirs et les points d'accueil qui délivraient des soins et un accompagnement psychologique ont fermé totalement ou partiellement, et les services cliniques sont interrompus.
L'ONUSIDA a fait un don au Network of People Who Use Drugs (NPUD) pour aider pendant le confinement les personnes qui consomment des drogues. Ce don a permis au NPUD de servir des repas et d'offrir des vêtements aux personnes qui s'injectent des drogues et qui vivent dans la rue, à l'occasion des festivités de l'Eid ul-Fitr. Les membres de la communauté locale ont distribué de la nourriture. Pour une part de bénéficiaires, cette aide a été la seule reçue pendant la pandémie de COVID-19.
« Durant le confinement, je n'ai reçu qu'un seul repas. Comme je n'ai pas de carte d'identité nationale, je n'ai reçu aucune aide du gouvernement. J'ai aussi reçu un masque et du savon d'une association de la société civile », explique Rafiq Uddin (nous avons changé son nom), qui vit dans les rues de Dhaka et consomme des drogues.
Les organisations communautaires luttent pour soutenir les revenus des personnes les plus exposées aux risques, comme les toxicomanes.
« Le NPUD étant une organisation de et pour les toxicomanes, nous ne pouvons pas ignorer la crise. Pendant cette période difficile, des responsables du NPUD ont proposé leur aide. Le don de l'ONUSIDA a été une première étape pour faire la différence », affirme Shahed Ibne Obaed, président du NPUD.
Après avoir reçu le don de l'ONUSIDA, le NPUD s'est tourné vers d'autres partenaires, comme CARE Bangladesh, Save the Children (Bangladesh), des agences locales humanitaires et des organisations de bénévoles afin d'apporter davantage d'aide alimentaire.
« J'ai reçu une somme en espèces d'une organisation de bénévoles dans mon village. Des proches et des personnes de bonne volonté m'ont offert de la nourriture. J'ai aussi essayé de travailler pour gagner de l'argent et aider ma famille, mais ce n'était pas suffisamment régulier », commente M. Hossain, membre d'Ashakta Punarbashan Sangstha (APOSH), une organisation communautaire de Dhaka.
Le NPUD a mobilisé suffisamment de ressources d'origines diverses pour continuer à soutenir les personnes qui s'injectent des drogues et celles vivant avec le VIH dans les vieux quartiers de Dhaka, voire au-delà. Près de 1 600 toxicomanes ont bénéficié de cette initiative. La coordination du NPUD avec les autres organisations communautaires a contribué à identifier les bénéficiaires. Les équipes de terrain des points d'accueil, d'APOSH, de Prochesta, d'Old Dhaka Plus, d'Alor Pothe et d'autres organisations ont aidé à distribuer la nourriture et les vêtements. Des membres d'organisations communautaires ont offert leur foyer pour cuisiner et préparer les colis de nourriture.
Le NPUD a fourni des équipements de protection personnelle aux équipes de terrain, ainsi que des masques et du savon aux bénéficiaires. Un groupe en ligne a été créé pour partager les nouvelles et les photos et donner des informations sur cette action. L'ensemble de l'initiative repose sur le bénévolat.
« Le manque cruel de ressources humaines et financières pour aider la population vulnérable que sont les toxicomanes pose un problème grave. Augmenter les dons devient indispensable pour générer davantage de ressources et les aider, en particulier pour aider celles et ceux qui vivent dans la rue, et pour assurer la pérennisation de cette initiative » déclare Saima Khan, Directrice pays ONUSIDA au Bangladesh.
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Au Guyana, la banque alimentaire pour le VIH apporte son aide pendant la pandémie de COVID-19
04 septembre 2020
04 septembre 2020 04 septembre 2020Pour de nombreuses familles guyanaises, la COVID-19 ne se limite pas au port du masque et aux restrictions de mouvement.
« Pour certaines personnes, les répercussions sur l’activité économique se sont traduites par des assiettes vides », explique Michel de Groulard, directeur pays de l’ONUSIDA par intérim au Guyana et au Suriname.
Les personnes vivant avec le VIH au Guyana n’ont toutefois pas besoin de chercher dans l’urgence une aide alimentaire improvisée. De fait, depuis près de 14 ans, le secrétariat du Programme national contre le sida investit dans le développement d’une banque alimentaire dédiée à cette population, ainsi qu’aux personnes co-infectées par le virus et la tuberculose.
Ce programme a vu le jour avec le soutien du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et ce Fonds continue aujourd’hui d’apporter son aide. Le groupe National Milling Company of Guyana est depuis le début un important contributeur régulier. Depuis 2017, le gouvernement du Guyana et l’œuvre caritative Food for the Poor sont devenus les principaux donateurs. Il est bon d’indiquer que la banque alimentaire a su également attirer au cours des années des dons considérables en provenance du secteur privé. En 2019, on dénombrait ainsi plus de 20 entreprises donatrices.
Les équipes médicales s’occupant de personnes séropositives émettent des recommandations. L’aide alimentaire est ensuite accordée pour une période de six mois à l’issue de laquelle la situation est réévaluée. Au cours de cette période, la banque alimentaire coopère avec le ministère de la Protection sociale et la Recruitment and Manpower Agency pour proposer des emplois et d’autres formes d’assistance sociale.
Avant de prendre la tête du Programme national contre le sida, Rhonda Moore a travaillé pendant six ans dans trois régions en tant que femme médecin spécialisée du VIH. Elle a pu constater l’effet de l’aide alimentaire sur les individus et les familles en grande difficulté. Difficile en effet de suivre correctement un traitement, lorsque l’on ne sait pas s’il y aura de quoi manger.
« L’insécurité alimentaire crée un cercle vicieux », indique-t-elle. « Pour les personnes vivant avec le VIH, il est important d’accompagner le traitement d’un régime sain et équilibré afin d’avoir le virus sous contrôle. Mais lorsque quelqu’un n’a pas assez à manger, alors cela devient un poids physique et psychologique. Le respect du traitement devient un problème et l’impact sur la santé mentale fragilise le système immunitaire. »
Dans le contexte de la COVID-19, la banque alimentaire a élargi son action aux membres séronégatifs des populations clés. Le Programme national contre le sida collabore avec des organisations communautaires afin d’accompagner la distribution de colis d’informations sur la COVID-19 et le VIH ainsi que de services de prévention et de dépistage du VIH.
À l’heure actuelle, plus de 2 700 lots de produits alimentaires et d’hygiène personnelle ont été distribués. Les personnes sont fournies directement sur les sites de traitement de leur district afin d’éviter d’avoir à se rendre à la banque alimentaire. Des personnes diagnostiquées qui n’avaient pas commencé ou renouvelé leur thérapie antirétrovirale ont été invitées à se rendre à tout moment dans leur centre de soins le plus proche afin de recevoir des antirétroviraux et de la nourriture, deux éléments importants pour traverser l’épidémie de COVID-19.
En 2019, le Guyana est devenu le premier pays des Caraïbes à adopter une réglementation nationale sur la nutrition et le VIH. Cette stratégie soutient les fournisseurs de soins de santé, les législateurs, les équipes de travail social et tout autre acteur de la lutte contre le VIH pour répondre aux besoins en nutrition, soins et assistance des personnes vivant avec le VIH dans des situations variées. Dans le cadre d’une riposte à une épidémie souvent dominée par les préoccupations liées au traitement, le Guyana lutte de manière proactive contre l’insécurité alimentaire que les personnes vivant avec le VIH rencontrent quotidiennement ou, dans le cas de la COVID-19, dans des circonstances exceptionnelles.
« Le traitement du VIH échouera si les personnes n’ont pas à manger, n’ont pas une alimentation saine. Le fait que le Guyana a su réagir immédiatement pour réduire les problèmes liés à l’insécurité alimentaire et ainsi protéger le bien-être des personnes vivant avec le VIH au tout début de la crise humanitaire montre l’importance d’intégrer les investissements en faveur de l’assistance psychosociale à notre programme de traitement standard », conclut M. de Groulard. « Les pays et les communautés sont ainsi plus résilients, réactifs et peuvent se préparer pour répondre aux crises. »
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Le commerce du sexe face à la COVID-19 en Tanzanie
25 août 2020
25 août 2020 25 août 2020« C’est beaucoup trop difficile d’avoir des clients depuis l’arrivée de la COVID-19 », explique Teddy Francis John, travailleuse du sexe à Zanzibar. Depuis le début de l’épidémie, elle a plus de mal à gagner de l’argent pour couvrir ses besoins et ceux de ses deux enfants.
« La vie en générale est plus difficile et j’ai dû ouvrir un petit débit de boisson vendant un alcool local », continue-t-elle. Cette activité l’aide aussi à rencontrer de nouveaux clients qui viennent chez elle prendre un verre et qui sont moins regardants sur les mesures d’éloignement social.
Mme John habitait et travaillait autrefois dans la ville de Zanzibar, mais elle a décidé de déménager dans une zone plus rurale afin de gagner plus et d’éviter de payer un loyer. Ici, explique-t-elle, elle peut trouver plus facilement de nouveaux amateurs pour son alcool local.
Juste de l’autre côté du détroit, en Tanzanie continentale, Rehema Peter partage un destin similaire à Temeke, banlieue surpeuplée de Dar es-Salaam. Elle est travailleuse du sexe et conseille bénévolement des personnes vivant avec le VIH et des toxicomanes.
Ses clients étaient des habitués qui venaient chez elle ou elle se rendait chez ceux en qui elle avait confiance. Mais ils ne viennent plus depuis l’arrivée de la COVID-19.
« La vie est beaucoup plus dure à cause du coronavirus. Mon travail ne rapportait déjà pas beaucoup avant, mais la situation a empiré avec la COVID-19. En ce qui concerne mes partenaires [clients], ils ne viennent plus et ne m’appellent plus. Les rares d’entre eux qui venaient souvent, je les ai appelés, mais ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas d’argent, car à cause de la COVID-19 certains ne vont plus travailler », déclare Mme Peter.
Quant à son travail de conseillère au sein de sa communauté, elle obtient moins d’heures, sa paie s’en ressent. Ancienne toxicomane, elle reçoit un peu d’aide du Tanzania Network for People who Use Drugs (TaNPUD). Ce réseau jouit du soutien de l’ONUSIDA pour distribuer des produits alimentaires et d’hygiène aux toxicomanes et aux personnes en cours de guérison.
« J’essaie de garder la tête froide et de trouver d’autres sources [de revenus]. Je suis à la recherche d’autres organisations pouvant m’aider d’une manière ou d’une autre. J’essaie aussi de fabriquer et de vendre du savon et de l’huile grâce aux connaissances apportées par le TaNPUD », raconte Mme Peter.
Continuité des services
Mme Peter et Mme John vivent toutes deux avec le VIH et suivent un traitement. Grâce aux efforts et au soutien de l’ONUSIDA et d’autres partenaires du gouvernement tanzanien, les services liés au VIH dans le pays ont a à peine souffert de la COVID-19. Ce que les deux femmes peuvent confirmer.
« En ce moment, il est plus difficile d’avoir accès aux services dans les établissements de santé publics, sauf si l’on va dans un hôpital privé où il faut avoir de l’argent en liquide. Néanmoins, je n’ai aucun problème pour obtenir des services liés au VIH, y compris mon traitement », poursuit Mme John.
Mme Peter sait qu’elle peut à présent recevoir des antirétroviraux pour trois mois, voire pour six mois maximum, car le personnel médical veut éviter d’avoir trop de monde dans les établissements de santé. Cette mesure permet aux deux femmes de suivre leur traitement.
Augmentation de la stigmatisation
Depuis l’arrivée de la COVID-19, Mme Peter et Mme John ressentent une augmentation de la stigmatisation et de l’exclusion sociale dont elles sont victimes en tant que travailleuses du sexe et femmes séropositives.
« J’entends des réflexions de la part de certaines personnes qui savent que j’ai le VIH. Elles me disent : « Prépare-toi à mourir. Les gens comme toi ne guérissent jamais. Tu dois de préparer pour ton dernier voyage » », raconte Mme Peter. Elle est la cible de discriminations au sein de sa communauté, mais elle peut compter sur sa famille.
Les ragots et les moqueries motivés par la profession de Mme John se multiplient aussi à l’encontre de cette dernière.
« Des personnes vivant dans les communautés autour de moi ont commencé à se moquer de moi et d’autres. Elles se sont mises à commérer sur la manière dont j’allais gagner ma vie maintenant que je n’ai plus de clients à cause de l’épidémie de COVID-19 », raconte Mme John.
Même si l’épidémie de COVID-19 est officiellement terminée en Tanzanie et malgré leurs efforts sans relâche pour trouver d’autres sources de revenus, les deux femmes ont toujours du mal à gagner leur vie à cause des règles d’éloignement social encore en vigueur.
« [C’]est très compliqué de fournir ce service et cela nous a fragilisées économiquement. Je sais que la COVID-19 touche le monde entier, mais les travailleuses et travailleurs du sexe la ressentent de plein fouet à cause de la nature même de nos services : la proximité est indispensable », conclut Mme John.
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Fidji : encourager l’émergence d’une économie de la bonté grâce à la tradition du troc
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17 juillet 2020 17 juillet 2020Les îles Fidji se réveillent doucement. Une tasse de café à la main, Marlene Dutta est assise sur la terrasse à l’arrière de sa maison entourée par la végétation. Même le gazouillis des oiseaux en toile de fond ne parvient pas à la détourner de son écran d’ordinateur. Elle est absorbée par le tri des messages et le suivi des activités de Barter for Better Fiji, la page Facebook qu’elle a créée. Cette communauté en ligne donne une nouvelle jeunesse à la tradition fidjienne du troc et elle aide les communautés à subvenir à leurs besoins au cours de l’épidémie de COVID-19.
« Dès le saut du lit, les autres administrateurs et administratrices bénévoles et moi-même avons les yeux rivés sur cette page », déclare Mme Dutta, conseillère en développement de compétences professionnelles. Tout le monde est occupé à surveiller ou à relayer les informations du gouvernement concernant les restrictions s’appliquant aux articles à troquer.
Aux îles Fidji où le produit intérieur brut dépend à 30 % environ du tourisme, les restrictions de déplacement destinées à éviter la propagation de la COVID-19 sont pour beaucoup de personnes sources de lendemain qui déchantent.
Lorsqu’on lui demande comment l’idée de cette page Facebook lui est venue, Mme Dutta explique : « le troc a toujours fait partie intégrante du quotidien des Fidjiens et Fidjiennes. Il est pratiqué entre proches, en famille, au sein des communautés. Nous avons tous et toutes des compétences, un talent, quelque chose qui pousse dans notre jardin ou qui traîne chez nous. Si nous pouvons échanger des articles ou des services pour obtenir ce dont nous avons besoin, alors tout le monde pourra traverser sans encombre cette période. » L'association Barter for Better Fiji (Troquer pour améliorer les îles Fidji) est née de ces réflexions. Mme Dutta est étonnée de la popularité actuelle de cette page, car elle la destinait initialement à ses proches. Aujourd’hui, elle est suivie par plus de 180 000 personnes, un chiffre ahurissant par rapport à la population totale du pays estimée à 900 000 personnes, et des milliers de nouvelles demandes d’inscription arrivent quotidiennement.
Outre le fait d’aider ses membres à troquer la nourriture ou les services nécessaires ou aider les petites entreprises en établissant des liens avec de nouveaux fournisseurs, la page renforce également le sentiment d’appartenance à une communauté. Des membres retissent des liens avec le voisinage, des proches ou des ami-es d’enfance perdu-es de vue. Mme Dutta se souvient de personnes qui ne se connaissaient pas du tout, qui se sont rencontrées sur la page pour faire du troc et qui ont fini par découvrir qu’elles vivaient dans la même rue ou qu’elles partageaient des liens traditionnels.
« Avec cette page, nous espérons encourager l’émergence d’une économie de la bonté. Ce souhait se cache derrière chaque activité sur ce groupe », indique Mme Dutta. « En elle-même, elle fait émerger ce sentiment d’appartenir à une communauté où les membres font délibérément et intentionnellement preuve de bonté, de compassion et de clémence les un-es envers les autres. »
Bien que la page Facebook Barter for Better Fiji ne s’adresse pas spécialement aux besoins des groupes vulnérables ou de personnes vivant avec le VIH, des groupes comme le Fiji Network for People Living with HIV, la Rainbow Pride Foundation et le Survival Advocacy Network Fiji signalent que les membres de leur communauté profitent également de cette plateforme en ligne de troc. La page fait du troc la « nouvelle normalité » pour les groupes vulnérables.
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