East and Southern Africa

Le commerce du sexe face à la COVID-19 en Tanzanie

25 août 2020

« C’est beaucoup trop difficile d’avoir des clients depuis l’arrivée de la COVID-19 », explique Teddy Francis John, travailleuse du sexe à Zanzibar. Depuis le début de l’épidémie, elle a plus de mal à gagner de l’argent pour couvrir ses besoins et ceux de ses deux enfants.

« La vie en générale est plus difficile et j’ai dû ouvrir un petit débit de boisson vendant un alcool local », continue-t-elle. Cette activité l’aide aussi à rencontrer de nouveaux clients qui viennent chez elle prendre un verre et qui sont moins regardants sur les mesures d’éloignement social.

Mme John habitait et travaillait autrefois dans la ville de Zanzibar, mais elle a décidé de déménager dans une zone plus rurale afin de gagner plus et d’éviter de payer un loyer. Ici, explique-t-elle, elle peut trouver plus facilement de nouveaux amateurs pour son alcool local.

Juste de l’autre côté du détroit, en Tanzanie continentale, Rehema Peter partage un destin similaire à Temeke, banlieue surpeuplée de Dar es-Salaam. Elle est travailleuse du sexe et conseille bénévolement des personnes vivant avec le VIH et des toxicomanes.

Ses clients étaient des habitués qui venaient chez elle ou elle se rendait chez ceux en qui elle avait confiance. Mais ils ne viennent plus depuis l’arrivée de la COVID-19.

« La vie est beaucoup plus dure à cause du coronavirus. Mon travail ne rapportait déjà pas beaucoup avant, mais la situation a empiré avec la COVID-19. En ce qui concerne mes partenaires [clients], ils ne viennent plus et ne m’appellent plus. Les rares d’entre eux qui venaient souvent, je les ai appelés, mais ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas d’argent, car à cause de la COVID-19 certains ne vont plus travailler », déclare Mme Peter.

Quant à son travail de conseillère au sein de sa communauté, elle obtient moins d’heures, sa paie s’en ressent. Ancienne toxicomane, elle reçoit un peu d’aide du Tanzania Network for People who Use Drugs (TaNPUD). Ce réseau jouit du soutien de l’ONUSIDA pour distribuer des produits alimentaires et d’hygiène aux toxicomanes et aux personnes en cours de guérison.

« J’essaie de garder la tête froide et de trouver d’autres sources [de revenus]. Je suis à la recherche d’autres organisations pouvant m’aider d’une manière ou d’une autre. J’essaie aussi de fabriquer et de vendre du savon et de l’huile grâce aux connaissances apportées par le TaNPUD », raconte Mme Peter.

Continuité des services

Mme Peter et Mme John vivent toutes deux avec le VIH et suivent un traitement. Grâce aux efforts et au soutien de l’ONUSIDA et d’autres partenaires du gouvernement tanzanien, les services liés au VIH dans le pays ont a à peine souffert de la COVID-19. Ce que les deux femmes peuvent confirmer.

« En ce moment, il est plus difficile d’avoir accès aux services dans les établissements de santé publics, sauf si l’on va dans un hôpital privé où il faut avoir de l’argent en liquide. Néanmoins, je n’ai aucun problème pour obtenir des services liés au VIH, y compris mon traitement », poursuit Mme John.

Mme Peter sait qu’elle peut à présent recevoir des antirétroviraux pour trois mois, voire pour six mois maximum, car le personnel médical veut éviter d’avoir trop de monde dans les établissements de santé. Cette mesure permet aux deux femmes de suivre leur traitement.

Augmentation de la stigmatisation

Depuis l’arrivée de la COVID-19, Mme Peter et Mme John ressentent une augmentation de la stigmatisation et de l’exclusion sociale dont elles sont victimes en tant que travailleuses du sexe et femmes séropositives.

« J’entends des réflexions de la part de certaines personnes qui savent que j’ai le VIH. Elles me disent : « Prépare-toi à mourir. Les gens comme toi ne guérissent jamais. Tu dois de préparer pour ton dernier voyage » », raconte Mme Peter. Elle est la cible de discriminations au sein de sa communauté, mais elle peut compter sur sa famille.

Les ragots et les moqueries motivés par la profession de Mme John se multiplient aussi à l’encontre de cette dernière.

« Des personnes vivant dans les communautés autour de moi ont commencé à se moquer de moi et d’autres. Elles se sont mises à commérer sur la manière dont j’allais gagner ma vie maintenant que je n’ai plus de clients à cause de l’épidémie de COVID-19 », raconte Mme John.

Même si l’épidémie de COVID-19 est officiellement terminée en Tanzanie et malgré leurs efforts sans relâche pour trouver d’autres sources de revenus, les deux femmes ont toujours du mal à gagner leur vie à cause des règles d’éloignement social encore en vigueur.

« [C’]est très compliqué de fournir ce service et cela nous a fragilisées économiquement. Je sais que la COVID-19 touche le monde entier, mais les travailleuses et travailleurs du sexe la ressentent de plein fouet à cause de la nature même de nos services : la proximité est indispensable », conclut Mme John.

Notre action

COVID-19 et VIH

L’ONUSIDA rend hommage à Benjamin William Mkapa, grand nom de la lutte contre le sida et ancien président de la République-Unie de Tanzanie

24 juillet 2020

GENÈVE, le 24 juillet 2020—L’ONUSIDA a été très touchée d’apprendre la disparition de l’ancien président de la République-Unie de Tanzanie, Benjamin William Mkapa. Sa vie a été marquée par son engagement courageux et empli de compassion en faveur de la paix en Afrique orientale et de l’éradication du sida. La riposte au VIH en République-Unie de Tanzanie lui doit nombre de ses succès.

« C’est avec une grande tristesse que j’ai appris le décès de l’ancien président de la République-Unie de Tanzanie, Benjamin Mkapa », a déclaré Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’ONUSIDA. « C’était un défenseur infatigable de la paix et d’une Afrique libérée de l’emprise du sida. L’ONUSIDA rend hommage à son courage, à sa force et à son leadership. »

En 1999, il annonce que le VIH est une catastrophe nationale et montre rapidement la voie de la riposte au VIH en Tanzanie en créant la Tanzania Commission for AIDS. Il forme également en 2001 la Tanzania Parliamentarians AIDS Coalition (TAPAC) qui réunit le président et le Premier ministre, des membres du parlement et d’autres figures importantes de la politique au sein de la riposte au VIH.

Parmi les grandes réussites de la TAPAC, on peut citer l’adoption d’une législation progressiste sur le VIH et la création du Standing Committee on HIV/AIDS Affairs en 2008 dont le rôle consiste à faire du VIH un thème récurrent sur l’agenda du parlement. Outre l’augmentation du budget national alloué au sida, des membres du parlement tanzanien, via la TAPAC, ont levé des fonds en faveur de projets liés au VIH afin de venir en aide à des organisations non gouvernementales, des personnes vivant avec le VIH et des populations vulnérables.

La veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida en 2005, au cours de son discours de départ en retraite, M. Mkapa a pris congé de la scène politique nationale en enjoignant l'ensemble des citoyens et citoyennes à découvrir leur statut sérologique. Il leur a demandé de se faire dépister volontairement afin d’être en mesure de prendre des décisions fondées et, le cas échéant, d’obtenir un traitement.

Retraité, il a poursuivi son engagement en faveur de la riposte au sida et est devenu l’un des membres à l’origine des Champions for an AIDS-Free Generation (Champions pour une génération sans sida), un groupe éminent composé d’anciens présidents et de grandes figures africaines qui œuvre pour mettre un terme au sida. 

Il était par ailleurs le parrain de la Benjamin William Mkapa Foundation qui est allée à la rencontre de millions de Tanzaniens et de Tanzaniennes et continue d’améliorer les services de santé en milieu rural, ainsi que la santé et le bien-être des femmes, des hommes et des enfants, y compris des personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus.

L’ONUSIDA présente ses condoléances les plus sincères à la famille de M. Mkapa et à celles et ceux qui l’ont connu et aimé. La riposte au sida a perdu l’un de ses plus ardents défenseurs.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

Contact

UNAIDS Geneva
Sophie Barton-Knott
tél. +41 79 514 6896
bartonknotts@unaids.org

Épidémie de COVID-19 : l’ONUSIDA soutient la lutte contre l’insécurité alimentaire en Angola

19 juin 2020

« L’histoire de l’Angola est marquée par les épidémies », explique le directeur pays de l’ONUSIDA pour l’Angola, Michel Kouakou. « Entre le choléra, le paludisme, la polio et la fièvre jaune, le pays est bien préparé et peut compter sur du personnel compétent, dont du personnel médical, pour lutter contre les épidémies », indique-t-il.

Ainsi, dès l’arrivée de la COVID-19, le président de l’Angola, João Lourenço, a pris des mesures immédiates en annonçant l’application du confinement à tout le territoire national, la fermeture des frontières et l’interruption des vols internationaux.

Ces mesures ont permis de limiter les nouveaux cas de COVID-19, mais beaucoup de personnes, surtout celles travaillant dans le secteur informel, l’ont payé en perdant leur moyen de subsistance.

Afin de répondre à l’insécurité alimentaire en résultant et dont souffrent en particulier les personnes séropositives, le bureau pays de l’ONUSIDA pour l’Angola a utilisé ses partenariats pour distribuer des rations alimentaires à des milliers de personnes de la capitale, Luanda.

Dans le cadre de la campagne Naître libre pour briller qui a pour objectif d’éliminer la transmission du VIH de la mère à l’enfant en Angola, la Première Dame, Ana Afonso Dias Lourenço, en partenariat avec la Saham Angola Insurance Company, l’Association of HIV-Positive People et l’ONUSIDA, a distribué 1 000 colis de nourriture à des personnes vivant avec le VIH, dont la moitié à des femmes séropositives enceintes.

Alors que le confinement se prolongeait, Yola Semedo, une vedette angolaise de la chanson et Ambassadrice nationale de bonne volonté de l’ONUSIDA, a organisé un concert virtuel qui a été retransmis à la télévision nationale. Elle a rassemblé des dons permettant de fournir 14 000 colis alimentaires supplémentaires qu’elle a ensuite distribués dans les provinces de Luanda et de Benguela. 500 personnes vivant avec le VIH dans la capitale ont profité de cette action.

« Nos concitoyen-nes sont dans une situation de vulnérabilité à cause de la COVID-19 et, en ce moment, je suis très heureuse d’être une enfant de ce pays. Nous nous rendons compte maintenant que nous pouvons compter sur un soutien réciproque », déclare Mme Semedo.

L’Angola Network of AIDS Service Organizations, un partenaire de longue date de l’ONUSIDA issu de la société civile qui vient en aide aux personnes et aux familles vivant avec le VIH, a quant à lui distribué 1 500 rations alimentaires. Ce chiffre augmente quotidiennement.

L’Association des policières d’Angola s’est également jointe au mouvement en donnant 120 colis de nourriture à l’organisation confessionnelle Associação de Solidariedade Cristã e Ajuda Mútua afin que cette dernière les distribue à des professionnelles du sexe qui ont perdu leur source de revenus à cause de la pandémie de COVID-19.

« Alors que de nombreux pays de la région se servent du confinement pour criminaliser davantage les populations clés, y compris les professionnel-les du sexe, cette action est la preuve que la solidarité est essentielle dans la situation actuelle », conclut M. Kouakou. 

Notre action

COVID-19 et VIH

L’ONUSIDA félicite la professeure Quarraisha Abdool Karim, lauréate du Prix Christophe Mérieux 2020

02 juin 2020

GENÈVE, le 2 juin 2020—L’ONUSIDA félicite Quarraisha Abdool Karim, directrice scientifique adjointe du Centre for the AIDS Programme of Research in South Africa (CAPRISA), à qui la Fondation Christophe et Rodolphe Mérieux a décerné cette année le prestigieux Prix Christophe Mérieux. Ce prix encourage la recherche sur les maladies infectieuses dans les pays en voie de développement. Le lauréat ou la lauréate sont choisis par l’Institut de France parmi les propositions faites par la fondation et ce prix est doté de 500 000 € afin d’aider de futures recherches.

« Je suis fière de féliciter la professeure Quarraisha Abdool Karim, membre essentiel de la famille de l’ONUSIDA pour cette réussite extraordinaire », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Ce prix vient reconnaître le travail indispensable que la professeure Abdool Karim et son équipe fournissent depuis de nombreuses années pour riposter au sida. Leur travail permet de mieux comprendre les besoins des femmes et des adolescentes pour se protéger du VIH et apporte de l’espoir pour parvenir à une génération sans sida. »

La professeure Abdool Karim compte parmi les personnalités les plus en vue de la recherche sur le sida. Elle a contribué à des avancées révolutionnaires pour comprendre l’évolution de l’épidémie de VIH chez les jeunes femmes tout en militant pour les droits des personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus. Elle s’engage depuis longtemps aux côtés de l’ONUSIDA. Elle est Ambassadrice spéciale de l’ONUSIDA pour les adolescent-es et le VIH et copréside le groupe consultatif de l’ONUSIDA qui soutient la Directrice exécutive de l’ONUSIDA pour ce qui est du futur de la riposte au sida et du rôle qu’y joue l’ONUSIDA.

La professeure Adbool Karim enseigne l’épidémiologie clinique et est la principale instigatrice de l’emblématique essai CAPRISA 004 sur le ténofovir en gel, qui a démontré en 2010 la faisabilité du concept de microbicides en tant qu’outil de prévention du VIH chez les femmes.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

Contact

UNAIDS Media
tél. +41 22 791 4237
communications@unaids.org

« Nous sommes toutes et tous dans le même bateau » : l’action de Uganda Young Positives contre la COVID-19

25 mai 2020

Kuraish Mubiru se lève tous les jours à l’aube pour se rendre dans différents établissements de santé. Il va y chercher des renouvellements de thérapie antirétrovirale qu’il livre ensuite à des connaissances et à d’autres membres de la communauté vivant avec le VIH. Voilà ce qu’est devenu son quotidien depuis ces sept dernières semaines.

M. Mubiru est directeur exécutif de l’Uganda Young Positives (UYP), une organisation communautaire qui rassemble des jeunes vivant avec le VIH et tirant leur subsistance principalement du secteur informel. L’UYP concentre son action sur le renforcement des services de prévention, de soin et d’aide liés au VIH à destination de ses quelque 50 000 membres.

Lors de son discours à la nation du 18 mars à propos de la pandémie mondiale de COVID-19, le président ougandais Yoweri Museveni a annoncé la mise en place de mesures comme des restrictions s’appliquant aux grands rassemblements, la fermeture de la plupart des magasins et l’arrêt des transports publics. Depuis lors, les personnes vivant avec le VIH et la tuberculose éprouvent des difficultés à accéder à leurs soins habituels ou aux renouvellements de leurs médicaments vitaux.

Suite à ces mesures, M. Mubiru s’est mis à recevoir des appels de jeunes dont la subsistance et le traitement du VIH dépendaient d’établissements fermés. L’impact des restrictions commençait à se faire sentir. Des jeunes ne pouvaient plus se rendre dans leurs établissements de santé afin d’accéder à des soins et à leur traitement ou encore s’offrir un repas.

Même si les centres de santé et des organisations issues de la société civile ont fait des efforts pour rapprocher les antirétroviraux de la population, les groupes communautaires de soutien et les établissements de santé signalent qu’une partie non négligeable de la population ne reçoit toujours pas d’antirétroviraux. Ces personnes ont peur de la stigmatisation et de la discrimination qu’elles pourraient rencontrer au sein de leur communauté et de leur famille.

« Cela a été une période difficile pour la communauté et notre résilience a été mise à rude épreuve, car nos membres avaient plus que jamais besoin de nous », explique M. Mubiru. « Nous avons dû quitter notre zone de confort, réfléchir et agir vite afin que la riposte nationale au VIH ne perde pas tous ses acquis à cause de la COVID-19. »

M. Mubiru s’est porté volontaire et a mis sa voiture à disposition pour aider les personnes dans sa situation à obtenir leur traitement contre le VIH. Au début, il a payé l’essence et acheté de la nourriture sur ses fonds propres, mais il a rapidement épuisé ses économies.

L'une de ses principales difficultés en commençant a été de faire le plein de sa voiture pour continuer ses livraisons quotidiennes de médicaments, puis ces dernières ont été menacées par le durcissement des restrictions s’appliquant aux moyens de transport privés. Grâce au soutien de l’ONUSIDA, de l’Infectious Disease Institute et du ministère de la Santé, M. Mubiru a obtenu une autorisation lui permettant de poursuivre son action pour sa communauté.

Au cours d’une de ses livraisons quotidiennes, la police a saisi la voiture de M. Mubiru pendant plus de quatre heures et l’a fait attendre. Il a fallu que la hiérarchie de la police s’en mêle pour que M. Mubiru retrouve sa liberté et sa voiture. La police l’a arrêté plus d’une fois pour savoir où il allait, ce qui le mettait en retard et l’obligeait à rentrer chez lui après 19 h, l’heure du couvre-feu.
La volonté de M. Mubiru pour aider sa communauté est toutefois inébranlable. Il sait que certaines personnes auraient du mal à se rendre dans l’établissement de santé le plus proche pour renouveler leur ordonnance d’antirétroviraux, à avouer aux autorités locales la raison pour laquelle elles ont besoin d’une autorisation de déplacement ou à avoir une voiture arborant le nom d’une organisation communautaire garée devant leur porte.

« Ce sont de telles situations qui me motivent à me lever tous les matins. Nous sommes toutes et tous dans le même bateau. La COVID-19 passera et la vie reprendra son cours », continue-t-il.
M. Mubiru livre en moyenne huit traitements par jour environ à des membres de sa communauté. Outre les longues distances et les endroits difficiles d’accès où il doit se rendre, la nourriture est l’une des plus grandes problématiques, car les gens peuvent avoir plus de mal à suivre leur traitement s’ils sont faim. La stigmatisation et la non-divulgation du statut sérologique posent aussi un sérieux problème aux personnes souhaitant obtenir des antirétroviraux dans un établissement à proximité de leur domicile.

« L’épidémie de COVID-19 est en train d’avoir un impact considérable sur les personnes vivant avec le VIH », souligne la directrice pays de l’ONUSIDA pour l’Ouganda, Karusa Kiragu. « Nous devons garantir qu’elle n’aura pas d’incidence sur l’adhésion au traitement du VIH. La solution pour cela consiste à fournir des antirétroviraux pour plusieurs mois tout en confiant une riposte solide aux communautés », conclut-elle.

Plus d'informations sur COVID-19

Page spéciale

 

Visitez notre blog sur COVID-19 (en anglais)

Vivre avec le VIH à l’heure du confinement

07 avril 2020

Pumza Mooi se fait du souci. Cette habitante de Port Elizabeth en Afrique du Sud fait partie des 2,5 millions de compatriotes qui vivent avec le VIH, mais ne suivent pas de thérapie antirétrovirale.

« J’ai décidé qu’il est temps de m’y mettre », explique Mme Mooi. « Peu importe si j’ai un taux élevé de CD4 ou que ma charge virale est basse, un traitement contre le VIH m’apportera le meilleur résultat possible. Je dois le faire pour moi-même, pour mes enfants et pour tous ceux et celles qui ont besoin de moi. J’ai peur de tomber malade », continue-t-elle.

La décision de Mme Mooi s’inscrit dans un contexte d’incertitudes pour les personnes ayant un système immunitaire affaibli, qui craignent de développer une forme grave de l’infection dite COVID-19. Il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve que les personnes vivant avec le VIH sont davantage exposées à un risque de contamination à la COVID-19. Toutefois, une infection au coronavirus pourrait provoquer des symptômes plus graves chez les personnes séropositives qui ne prennent pas d’antirétroviraux.

Le gouvernement sud-africain a proclamé trois semaines de confinement en vue de ralentir la propagation de la COVID-19 et le ministre de la Santé, Zweli Mkhize, a invité la population à prendre des précautions pour éviter une infection. Il a souligné l’importance de connaître son statut vis-à-vis du VIH, de faire un dépistage et de commencer sans attendre un traitement si le résultat se révèle positif.

« J’ai peur rien qu’à l’idée d’attraper la COVID-19 », indique Mme Mooi. « C’est suffisamment difficile de savoir que mon corps lutte déjà contre un virus [le VIH]. Je me demande : mon corps est-il suffisamment fort, mon système immunitaire peut-il tenir le coup ? »

Mme Mooi a contracté le VIH il y a plusieurs années, à une époque où l’on conseillait généralement aux personnes séropositives de commencer un traitement uniquement lorsque leur taux de CD4 baissait, autrement dit à partir du moment où elles tombaient malades. Elle surveille l’évolution du VIH depuis qu’elle connaît son statut. En 2016, l’Organisation mondiale de la Santé a publié de nouvelles lignes directrices recommandant une thérapie antirétrovirale à vie pour les enfants, les ados et les adultes, y compris toutes les femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH, indépendamment de leur taux de CD4. Autrement dit, toute personne séropositive devrait commencer un traitement immédiatement après le diagnostic du VIH.

L’ONUSIDA observe activement l’impact de la COVID-19 et travaille avec des réseaux de personnes vivant avec le VIH, le gouvernement et des partenaires de développement afin d’assurer que les préoccupations des personnes séropositives soient entendues et prises en compte dans la riposte au coronavirus. Il s’agit d’identifier entre autres les difficultés auxquelles sont confrontés les services de santé, d’encourager l’allongement de la durée de prescriptions d’antirétroviraux à plusieurs mois et d’aider les communautés à fournir des solutions. 

Le rôle des réseaux sociaux

Le confinement est particulièrement dur pour les personnes vivant dans des habitats informels. L’ONUSIDA est consciente qu’elles font face à des difficultés pour se protéger elles-mêmes et respecter la distanciation sociale et le confinement. À cela viennent s’ajouter des informations inexactes sur le coronavirus qui attisent les peurs. « On entend beaucoup de choses, mais tout n’est pas vrai », dit Mme Mooi. « Je rappelle aux gens que le gouvernement met à disposition un numéro sur WhatsApp où nous pouvons obtenir des informations exactes et qu’ils ne doivent pas faire attention aux autres informations. Le gouvernement nous communiquera ce qui est vrai. »

Mme Mooi a la chance d'avoir constitué un solide réseau de soutien autour d’elle après avoir partagé son statut sérologique en ligne il y a plusieurs années. « Je sais que l’on s’occupera de moi », explique-t-elle. Elle anime des groupes d’entraide sur Facebook et WhatsApp destinés à des personnes vivant avec le VIH, qui regroupent des dizaines de membres. Le plus jeune a 16 ans et est né avec le VIH, la plus âgée est une femme de 62 ans qui vit depuis longtemps avec le virus.

Ces dernières années, de nombreux membres du groupe partagent leur expérience de vie avec le VIH et avec le traitement contre le virus. Elles et ils évoquent la stigmatisation, la discrimination et la manière de ne pas baisser les bras. Selon Mme Mooi, les membres sont d’accord pour dire que la meilleure option consiste à suivre et à respecter un traitement contre le VIH.

Un nouveau thème est apparu dernièrement dans les groupes. « La COVID-19 suscite beaucoup d'interrogations », explique Mme Mooi. « Je leur dis de ne pas se faire de souci, de rester à la maison et de respecter les règles d’hygiène. » Pour le moment, tout le monde sait qu’il faut s’armer de patience et s’entraider à distance pour surmonter cette phase d’isolation prolongée.

Les groupes reposent surtout sur les contributions des femmes, mais les hommes les consultent. « Des hommes m’écrivent pour me demander pourquoi nous n’abordons pas les problèmes auxquels ils sont confrontés, mais s’ils n’en parlent pas, ils ne recevront pas toujours l’aide dont ils ont besoin », poursuit-elle. « J’encourage les hommes à partager leur expérience afin que nous puissions nous entraider. »

Penser à demain

Comme la plupart des gens, Mme Mooi attend déjà avec impatience de pouvoir retrouver une certaine liberté de mouvement et de commencer un traitement contre le VIH. Elle fait ce qu’elle peut pour prendre soin d’elle, de sa mère et de sa fille chez elle et pour encourager les personnes vivant avec le VIH dans ses réseaux. « Nous faisons ce que l’on nous dit de faire comme nous laver les mains et garder nos distances, et nous prions tout simplement et espérons des jours meilleurs », conclut-elle.

Notre action

COVID-19 et VIH

Révolution, je porte ton nom

24 mars 2020

Quiconque rencontre Birknesh Teferi n’est pas surpris d’apprendre que le prénom de cette femme passionnée et fière d’elle-même respirant la santé et le bien-être signifie « révolution » en amharique, la langue parlée en Éthiopie.

Sa vie jusqu’à présent est une révolution en soi, un exemple de résilience, d’espoir et de transformation. Elle a en effet combattu victorieusement la tuberculose, survécu à un cancer du col de l’utérus et elle mène aujourd’hui une vie épanouie avec le VIH.

Mme Teferi a été diagnostiquée en 2003 avec le VIH et la tuberculose. À cette époque en Éthiopie, les informations sur ces deux infections, ainsi que sur la santé de la reproduction et sexuelle étaient rares et la stigmatisation et la discrimination étaient monnaie courante.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Éthiopie figure parmi les 48 pays les plus touchés par la tuberculose. On y a recensé en 2018 165 000 infections qui ont fait 27 000 victimes, dont 2 200 personnes vivant avec le VIH.

Après avoir attendu 15 jours pour obtenir ses résultats parce que la personne responsable du dépistage était en congé, Mme Teferi a appris qu’elle était « positive ».

« J’ai cru que c’était une bonne nouvelle. Soulagée, j’ai serré l’infirmière dans mes bras, seulement pour l’entendre me dire qu’être positive avec le VIH signifie que j’avais le virus », se souvient-elle.

Mme Teferi suit avec succès le traitement contre la tuberculose recommandé par l’OMS (traitement de brève durée sous surveillance directe (DOTS)) qui l’a certes soignée de cette infection, mais ne l’a pas aidée à mieux accepter son statut sérologique.

Après le diagnostic, « s’est ensuivie une période de douleur et de chagrin... D’attente de la mort ».

Elle se souvient avoir « perdu pied. » Elle cache son statut sérologique de peur de la stigmatisation et elle vend son corps pour joindre les deux bouts.

« Si un client avait un préservatif, on l’utilisait. S’il n’en avait pas, alors on faisait sans. J’ai essayé d’en utiliser, mais je n’avais pas d’argent pour en acheter. C’est ainsi que j’ai eu une infection sexuellement transmissible. »

Mme Teferi est diagnostiquée d’un cancer du col de l’utérus au cours du traitement de cette infection et elle est renvoyée d’établissement de santé en établissement de santé souvent situés dans différentes villes de la région.

Elle finit par trouver un médecin « attentionné » et par être opérée pour soigner son cancer. « J’avais tellement mal que je ne pouvais plus m’asseoir. Je me sentais au fond du trou », se souvient-elle.

Mais sa vie a doucement commencé à changer en 2008 avec le début de son traitement contre le VIH. Elle se met à faire plus attention à elle. Elle insiste pour que ses clients utilisent des préservatifs.

Dans la ville éthiopienne d’Hawassa, elle fait la rencontre d’un groupe de femmes vivant avec le VIH appartenant à la Tilla Association of HIV-Positive Women. Cette association fournit aux femmes séropositives des compétences, une formation et de l’aide. Elle gère également un atelier de broderie afin que ces femmes aient une source de revenus. Mme Teferi y travaille désormais.

« J’ai repris pied. Ma vie s’est beaucoup améliorée. Si les gens se rendent compte qu’ils peuvent vivre et travailler, alors leur vie peut changer », explique-t-elle.

Au cours de ses huit premiers mois au centre, la direction lui a attribué l’aide d’une bénévole pour l’aider à se remettre physiquement de l’opération. Pour la première fois, Mme Teferi est soutenue par des femmes qui comprennent sa situation.

Les femmes du centre l’ont invitée à regarder un film portant sur des personnes menant une vie épanouie avec le VIH. « Ce film m’a donné de l’espoir », continue-t-elle. « J’ai commencé à me renseigner sur le VIH auprès de ma directrice. Peu à peu, je me suis sentie de mieux en mieux, avec de meilleurs services médicaux à disposition, et Tilla m’a aidée à gérer ma situation financière et émotionnelle. »

Même si Mme Teferi suit un traitement contre le VIH et a été soignée de la tuberculose, des millions d’autres personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à la prévention contre ces deux pathologies et à leur traitement. La tuberculose est la première cause de mortalité au monde chez les personnes vivant avec le VIH.

En 2018, on estime que sur 1,2 million de décès liés à la tuberculose, 251 000 concernaient des personnes vivant avec le VIH, soit 60 % en moins par rapport aux 620 000 en 2000. On estime qu’entre 2000 et 2018 le traitement de la tuberculose a évité à lui seul 48 millions de décès chez les personnes séronégatives et 10 millions de décès supplémentaires lorsqu’il est couplé à une thérapie antirétrovirale. Toutefois, les progrès sont lents et doivent prendre de la vitesse afin de mettre un terme à la tuberculose d’ici 2030 comme stipulé dans les Objectifs de développement durable.

« La tuberculose peut être soignée et évitée », a déclaré Aeneas Chuma, Directeur par intérim de l’équipe de l’ONUSIDA d’appui aux régions pour l’Afrique orientale et australe. « Nous devons en cette période historique, à l’heure de la pandémie de COVID-19, garantir que les personnes vivant avec le VIH et diagnostiquées avec la tuberculose aient un accès continu au traitement de ces deux infections. L’ONUSIDA coopère avec des gouvernements et des partenaires communautaires afin de garantir que nous nous adaptons à une situation sanitaire qui connaît une évolution rapide en faisant preuve de bonté, de compassion et d’humanité. »

Ressources

TB et VIH

Mozambique : aider les personnes vivant avec le VIH à reprendre leur traitement

11 mars 2020

Photos : UNAIDS/P.Caton

Cela fait maintenant un an que le cyclone Idai s’est abattu sur la province de Sofala au Mozambique où une personne sur six vit avec le VIH. La tempête a provoqué des inondations dévastatrices qui ont détruit des maisons et emporté les économies, les documents officiels et les médicaments de victimes. Des milliers de personnes ont été déplacées. Des établissements de santé de la province ont été détruits ou gravement endommagés.

En collaboration avec les autorités nationales et provinciales, y compris le ministère de la Santé du Mozambique, l’ONUSIDA a participé à la réponse en aidant à remettre sur pied des programmes de soutien reposant sur les communautés. Cette action vise à retrouver les milliers de personnes qui ont été obligées d’interrompre leur traitement contre le VIH afin qu’elles obtiennent l’aide nécessaire pour le reprendre durablement.

L’ONUSIDA a distribué des vélos à des bénévoles communautaires et à des activistes de la lutte contre le VIH pour aller à la rencontre des personnes touchées par les inondations et localiser celles en rupture de traitement.

Les activistes communautaires ont investi les zones touchées par la catastrophe.

Pedro José Henriques, un garçon de 14 ans, a tout perdu pendant le cyclone, y compris ses médicaments et sa carte d’identité. Des activistes communautaires jouissant du soutien de l’ONUSIDA l’ont aidé à obtenir une nouvelle carte d’identité afin de pouvoir se réinscrire à la clinique et obtenir de nouveaux antirétroviraux.

« J’étais vraiment content lorsque j’ai reçu mes nouveaux médicaments », raconte-t-il. « Lorsque les activistes nous ont trouvés, nous n’avions rien. Au moins, maintenant, ma grand-mère et moi avons un endroit où rester. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est mieux que de dormir dans le froid. »

Rita Manuel, handicapée vit avec le VIH. Son mari est également séropositif. Rita et son mari ont perdu leurs deux enfants suite à des maladies opportunistes et ont décidé d’arrêter de prendre leurs médicaments contre le VIH. Le couple avaient tout simplement perdu l’envie de vivre.  

Après le cyclone, des activistes du programme cherchant les personnes en rupture de soins sont venus voir le couple à trois reprises. Mme Manuel et son mari ont fini par accepter de retourner dans le centre de santé et de reprendre leurs médicaments.

Ces activistes appartiennent à l’association Kupulumussana dont le nom signifie « nous nous entraidons. »

Mme Manuel s’implique maintenant elle-même dans des activités de ce groupe. « Je suis toujours triste de ne pas avoir entendu parler plus tôt de ce traitement pour mes enfants », explique-t-elle, « mais je suis contente d’être en vie et d’avoir des gens qui me soutiennent. Ma situation s’est améliorée par rapport à avant. »

Peter Joque fait également partie d’une association œuvrant en faveur des personnes touchées par la catastrophe. L’association Kuphedzana l’a aidé à reconstruire sa maison et sa vie après le passage du cyclone.

Cela l’a motivé pour se mettre à son tour à la recherche des personnes ayant besoin de médicaments contre le VIH. Il utilise les dossiers des hôpitaux pour trouver les personnes déplacées.

Lorsqu’il localise quelqu’un, il prend le temps de parler de l’importance de l’observance du traitement. Sa stratégie de porte-à-porte a permis d’identifier 40 personnes vivant avec le VIH et de les persuader de reprendre leur thérapie antirétrovirale. 

« Il est plus facile de convaincre quelqu’un de retourner dans un centre de santé lorsque l’on est face à face », indique-t-il. « La stigmatisation et la discrimination restent un obstacle au sein des communautés. »

Le personnel médical comme Alfredo Cunha au sein de l’établissement Macurungo respecte toutes les personnes et leur dignité dans les situations de soin. Tout le monde reçoit les meilleurs services possible.

Sowena Lomba a perdu son mari en 2014 d’une maladie opportuniste. Lorsqu’elle a commencé à être malade, elle pensait avoir le paludisme, mais le test du VIH s’est révélé positif. Au cours des inondations, elle a perdu sa carte d’identité et, ainsi, la possibilité de recevoir son traitement. Des activistes l’ont aidée à obtenir de nouveaux papiers et à reprendre sa thérapie.

Mme Lomba déclare être reconnaissante d’être en vie pour ses enfants, Evalina et Mario.

À l’heure actuelle, les activistes communautaires ont aidé plus de 20 000 personnes à reprendre leur traitement au cours des 12 derniers mois. La recherche ne cessera que quand toutes les personnes en rupture de traitement auront été retrouvées, même celles et ceux qui en avaient besoin avant la catastrophe de mars 2019.

« Nous poursuivons notre mission et nous n’arrêterons pas tant que toutes les personnes vivant avec le VIH ne recevront pas de traitement et des soins », déclare une militante.

 

Un projet communautaire aide les familles à affronter la stigmatisation et la discrimination

05 mars 2020

Emihle Dlamini (nous avons changé son nom) a été élevée par sa grand-mère après avoir perdu à un jeune âge ses deux parents des suites de maladies opportunistes. Pendant des années, Mme Dlamini n’a pas su qu’elle était née avec le VIH. Elle prenait des médicaments, mais on lui disait que c’était pour la tuberculose. En 2018, l’Afrique du Sud comptait environ 260 000 enfants vivant avec le VIH, dont un tiers environ dans la province de Mme Dlamini, le KwaZulu-Natal.

Au cours d’une intervention dans son école du Community Care Project, elle entend parler pour la première fois du VIH et on lui propose de faire un test. Le résultat a été un choc : « Je ne pouvais pas en croire mes oreilles. Je savais que je n’étais pas sexuellement active, mais ma famille ne m’avait jamais dit que j’étais séropositive », raconte-t-elle.

Mme Dlamini est passée par différents stades : colère, confusion et tristesse. « Pourquoi ma famille ne m’avait-elle rien dit ? J’avais arrêté plusieurs fois de prendre mon traitement contre la « tuberculose », car je me demandais bien pourquoi je devais le prendre aussi longtemps », se souvient-elle.

Il n’est pas rare que les personnes ne révèlent pas leur statut sérologique par peur de la stigmatisation et de la discrimination qui, malgré les progrès, les empêchent d’accéder aux services de santé. Cette situation touche en particulier les jeunes femmes à la recherche d’un moyen de se protéger des infections sexuellement transmissibles, mais aussi voulant faire un test et suivre un traitement contre le VIH. 200 adolescentes et jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans sont contaminées chaque jour en Afrique du Sud.

Le Community Care Project a démontré qu’un accès gratuit à l’éducation primaire et secondaire aussi bien pour les garçons que les filles est une porte d’entrée vers d’autres services sociaux et de santé. En 2018, un peu moins de 163 000 enfants sud-africains (de 0 à 14 ans) vivant avec le VIH suivaient une thérapie antirétrovirale. Beaucoup n’étaient cependant pas identifiés : on estimait que 66 000 enfants ne connaissaient pas leur séropositivité.

Ce projet est habitué à briser le silence entourant le VIH ainsi qu’à gérer et réduire ses effets. Fondé en 1999, le Community Care Project est une organisation confessionnelle du KwaZulu-Natal qui aide les communautés et les familles à faire face au VIH et à affronter la stigmatisation et la discrimination. Depuis 2007, elle travaille avec des écoles du secondaire pour mener des programmes de sensibilisation et apporter des services aidant les établissements et les enfants à comprendre et démystifier le VIH. Elle s’occupe également d’orphelins, ainsi que d’autres enfants vulnérables et de leur famille.

Le Community Care Project a ainsi fait le lien entre Mme Dlamini, sa grand-mère et une personne des services sociaux. Cette dernière leur a fourni des conseils pour accepter le diagnostic et garantir que Mme Dlamini suive sur le long terme un programme pour son traitement. Mme Dlamini indique gérer beaucoup mieux émotionnellement et mentalement sa situation. Elle dispose de meilleures connaissances sur le VIH et sur la santé de la reproduction et sexuelle, et respecte son traitement. Elle a l’impression qu’un bel avenir est de l’ordre du possible.

« Le Community Care Project m’a apporté des compétences pratiques pour mener ma vie. J’ai appris comment accepter mon statut sérologique, affronter la stigmatisation et aider d’autres personnes à en faire autant », finit-elle. « Un jour, j’aimerais intervenir dans les écoles afin de motiver des enfants dans mon cas et leur fournir des informations afin qu’ils gagnent en autonomie et sachent comment vivre à l’abri du jugement des autres. »

Relevez la tête

04 mars 2020

Ronie Zuze croit en la puissance des informations. Elles ont été une bouée de sauvetage pour Roni qui a une certitude : les informations peuvent changer des vies et les mentalités.

Roni raconte qu’à sa naissance, la première dans la famille, son père était fou de joie en apprenant qu’il avait un fils. « À ma naissance, les docteurs ont découvert mon ambiguïté sexuelle et ont déclaré que j’étais de sexe masculin, », explique Ronie.

Ronie a grandi et a porté des vêtements de garçons jusqu’à ses 16 ans.

« À partir de là, mon corps a commencé à développer des traits féminins malgré le fait que je m’identifiais en tant que garçon », se souvient cette personne du Zimbabwe.

Le père de Ronie a paniqué et a envoyé Ronie dans une autre ville avec son ex-femme.

« Mon père a été dépassé par la situation et avait peur de la stigmatisation et de la discrimination », se souvient Roni, « donc il a fait en sorte que je quitte la maison. »

Pour sa mère, Ronie devait faire attention en présence d’autres personnes puisque Ronie devait maintenant être une fille. « Dormir chez quelqu’un et pratiquer des sports de contacts était interdit », se rappelle Ronie.

Ronie a la conviction que la honte liée à sa situation a été à l’origine d’une spirale de déni et de haine de soi. « J’ai essayé deux ou trois fois de mettre fin à mes jours et ma consommation d’alcool et de drogues était excessive », reconnaît Ronie.

Ronie a commencé à chercher de l’aide sur Internet, à se convaincre que d’autres personnes étaient dans la même situation, ce qui lui a donné accès à une mine d’informations sur ce que cela signifie d’être une personne intersexuée.

Les personnes intersexuées sont nées avec une des variations possibles de caractéristiques sexuelles, y compris les chromosomes, les gonades ou les organes génitaux, qui ne correspondent pas à la définition typique du sexe masculin ou féminin.

« Grâce à cette masse d’information, j’ai été en mesure de comprendre qui j’étais », continue Ronie. « J’ai arrêté d’avoir honte de moi. »

La plupart des personnes avec qui Ronie était en contact vivaient en Europe ou en Amérique du Nord. « Si entre 1,7 et 2 % de la population mondiale est intersexuée, alors j’ai compris que je ne devais pas être la seule personne dans ce cas en Afrique », indique Ronie en écartant une dreadlock de son visage.

Ronie a rejoint un groupe local de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées et a commencé à s’identifier en tant que lesbienne, mais cela n’était pas encore la bonne solution. Même la communauté ne comprenait pas les personnes intersexuées, se souvient Ronie. C’est à ce moment, en 2018, que Ronie décide de se faire le relais des personnes intersexuées et de créer une association Intersex Community of Zimbabwe. Ronie s’identifie aujourd’hui comme non binaire.

« Par mon action militante, j’autonomise d’autres personnes intersexuées, je me fais la voix de celles qui ne peuvent pas s’exprimer, je les encourage à se sentir fières et je leur apporte des informations ainsi que de l’aide », explique Ronie.

Ronie consacre beaucoup de temps aux personnes intersexuées et leur famille proche. Ronie sillonne les rues pour dire aux parents de laisser la nature suivre son cours et de ne pas s’empresser d’attribuer un genre à leur enfant intersexuel. Ronie est d’avis qu’une personne intersexuée devrait décider elle-même lorsqu’elle est suffisamment grande pour prendre cette décision.

« Je sais qu’il y a beaucoup de stigmatisation et d’idées fausses sur les corps intersexués, mais les parents ne doivent pas céder à la panique », conclut Ronie. « Je souhaite que les personnes intersexuées sachent que ce n’est pas une honte, donc : relevez la tête ! »

Vidéo

Pages