Feature Story

« Avec les milliards dépensés pour cette guerre dénuée de sens, l’humanité pourrait trouver un remède contre le VIH, mettre fin à la pauvreté et résoudre d’autres crises humanitaires »

23 mars 2022

Yana Panfilova est Ukrainienne et est née avec le VIH. À 16 ans, elle a créé Teenergizer, une organisation de la société civile qui vient en aide aux adolescentes, adolescents et jeunes vivant avec le VIH en Ukraine. Teenergizer s’est internationalisée en 2016 et elle milite pour les droits des ados et des jeunes en Ukraine et dans sept villes de cinq pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale. En 2019, l’organisation a commencé à fournir des consultations par des pairs et une assistance psychologique aux ados. Elle a formé plus de 120 psychologues-conseils sur Internet pour soutenir les jeunes dans toute la région. En juin 2021, Yana Panfilova est intervenue lors de l’ouverture de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/sida. Lorsque la guerre a commencé en Ukraine, elle a quitté Kiev avec sa famille et s’est rendue à Berlin, en Allemagne, où elle poursuit son travail pour aider les jeunes vivant avec le VIH dans son pays.

Pourquoi et comment avez-vous quitté Kiev ?

Dans les jours qui ont suivi le début de l’invasion russe, j’ai compris que nous devions prendre une décision qui allait bouleverser nos vies. Des gens avec des mitraillettes patrouillaient dans les rues. J’ai dû convaincre ma mère de partir, car elle était réticente. Nous avons fait nos valises en moins d’une heure, nous sommes allées à la gare de Kiev, nous avons laissé notre voiture là-bas et nous sommes montées dans le premier train que nous pouvions trouver. La gare était pleine de gens, de mères, d’enfants, de pères et de frères qui faisaient leurs adieux à leur famille, et beaucoup de gens étaient paniqués. Nous sommes restées debout 12 heures dans le train, avec nos valises et notre chat. Lorsque notre grand-mère nous a retrouvées au premier arrêt, nous avons traversé ensemble l’Ukraine avec son chien, puis nous sommes passées en Pologne avant d’arriver à Berlin. Le voyage a duré sept jours en tout. C’était le voyage le plus long et le plus difficile de ma vie. Je n’avais pas l’intention de laisser ma superbe ville de Kiev sans savoir où nous allions arriver. Aujourd’hui, nous sommes ici à Berlin, réfugiées, en sécurité, mais nous avons toujours du mal à croire ce que nous avons vécu et ce que vit le peuple ukrainien. Mais au moins, nous sommes en sécurité et ensemble : ma mère, ma grand-mère et son chien, ainsi que moi et mon chat. J’ai eu la chance d’avoir emporté suffisamment de traitement antirétroviral pour tenir environ deux mois.

Êtes-vous bien installée à Berlin ?

Je vis toujours dans l’incertitude, comme c’est le cas pour des millions d’autres femmes et enfants qui ont fait ce voyage depuis l'Ukraine. Mais toutes les personnes que nous avons rencontrées à chaque étape de ce périple ont été vraiment gentilles et accueillantes. Nous sommes en train de clarifier les questions juridiques pour rester ici à Berlin les prochaines semaines, ainsi que la manière dont nous pouvons accéder aux services médicaux et sociaux de la ville. Nous ne savons même pas avec certitude comment louer un appartement. Nous avons pris rendez-vous en ligne avec les services de la ville de Berlin pour éclaircir ces détails avec eux. Ils essaient de me fournir une assurance médicale afin que je puisse accéder aux soins médicaux et poursuivre sans interruption mon traitement anti-VIH.

Je suis également en contact avec la Berliner Aids-Hilfe, l’une des plus anciennes organisations non gouvernementales de lutte contre le VIH en Europe. Depuis la guerre en ex-Yougoslavie, elle a beaucoup d’expérience dans le travail avec des migrants et migrantes qui vivent avec le VIH. L’équipe est incroyable. Elle est prête à m’aider à trouver une thérapie antirétrovirale ainsi qu’à apporter une solution aux autres besoins que les Ukrainiens et Ukrainiennes vivant avec le VIH auront ici à Berlin.

Vous êtes donc plus ou moins en sécurité maintenant. Comment vont les autres jeunes de Teenergizer ?

La plupart des ados vivant avec le VIH et membres de l’association ont déjà quitté l’Ukraine et sont désormais en Estonie, en Allemagne, en Lituanie, en Pologne et dans d’autres pays. Nous sommes quotidiennement en contact avec la plupart. Certains de nos activistes ont choisi de rester avec leurs parents à Kiev et dans d’autres villes qui sont la cible d’attaques. Nous étudions les dernières informations et essayons de savoir où se trouve tout le monde et si chacun, chacune est en sécurité. Mais ce n’est pas quelque chose de facile ou rapide. Tout le monde essaie en ce moment de survivre et de rester en contact. Notre personnel, nos pairs-éducateurs et éducatrices, ainsi que notre clientèle vivent désormais dans différents pays, chacun avec des lois, des régimes de traitement et un accès à Internet différents. Les personnes toujours à Kiev sont en lien avec nos partenaires qui continuent d’offrir un accès à une thérapie antirétrovirale et à l’aide humanitaire d’urgence. La plupart de nos psychologues-conseils fournissent toujours une assistance en ligne aux personnes qui en ont le plus besoin.

Quels problèmes rencontrez-vous pour rester à Berlin ?

Les Berlinois-es et l'ensemble des Allemand-es que nous rencontrons depuis notre arrivée ont fait preuve d'une incroyable gentillesse et d'un sens de l'accueil phénoménal. Nous en sommes très reconnaissantes. Je sais que toutes les villes d’Europe s’efforcent d’aider des millions de compatriotes, mais je ne pense pas que nous aurions pu trouver un endroit plus sûr et plus tolérant que Berlin.

Bien entendu, nos problèmes les plus pressants sont de nature juridique en lien avec le statut temporaire ici, puis viennent les questions concernant l’accès aux soins médicaux et au traitement antirétroviral. La troisième grande question concerne le logement. Je n’aurais jamais imaginé que la question du logement serait si importante ou si usante mentalement. Les associations locales de bénévoles nous aident 24 heures sur 24 et des millions d’Européen-nes nous ouvrent les portes de leur foyer. Mais pour les centaines de milliers de personnes restées en Ukraine, qui vivent encore dans des entrepôts, des abris et d’autres hébergements temporaires, ne pas avoir d’endroit digne du nom de logement temporaire peut plomber le moral.

Selon vous, qu’est-ce qui est le plus important pour continuer maintenant ?

Quelle que soit l’évolution de la guerre, nous devons continuer à nous serrer les coudes au sein de la famille Teenergizer. En Ukraine, nous avons passé des années à lutter pour la protection de la santé et des droits des jeunes vivant avec le VIH. Et maintenant, il semble que beaucoup de nos victoires chèrement acquises ont disparu du jour au lendemain. Au milieu de cette crise, nous devons continuer à défendre nos droits et nous concentrer sur les besoins urgents auxquels sont confrontés les membres les plus vulnérables de notre réseau Teenergizer. J’ai beaucoup de chance d’être en vie et de me trouver ici en sécurité sous la protection de l’Allemagne. Mais bon nombre de nos proches se trouvent toujours à Kiev et dans d’autres villes d’Ukraine et se battent pour défendre leur vie et notre pays. Un bon nombre n’a pas les moyens de quitter le pays et d’autres ne veulent pas laisser leur maison et leur famille. Aujourd’hui plus que jamais, ces gens ont besoin de notre soutien et de savoir que nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider quand c'est le plus nécessaire.

Premièrement, nous devons les aider à traverser cette nouvelle crise et préserver les services vitaux : le traitement du VIH pour les cas urgents, ainsi que les services de prévention et de dépistage. Deuxièmement, pendant cette crise, nous devons continuer à fournir aux jeunes des services de santé mentale, en particulier des consultations menées par des pairs. Dans notre région, le VIH est plus un problème social qu’un problème de santé. Aujourd’hui, en Ukraine, les jeunes vivant avec le VIH sont confrontés à trois crises : une crise sanitaire, une crise sécuritaire, ainsi qu’une crise liée au stress et à la dépression graves causés par la guerre. Les psychologues appellent cela le stress post-traumatique. Ce traumatisme touche une génération entière d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes. Les jeunes qui ont besoin d’un soutien psychologique professionnel commenceront à consommer des drogues et certains de ces jeunes contracteront le VIH, mais auront trop peur ou honte de demander de l’aide dans la crise actuelle. Il en va de même pour les adolescentes et les femmes qui ne peuvent pas exercer leurs droits reproductifs et sexuels, ou les jeunes qui n’utilisent pas de préservatif lors de rapports sexuels, ou les millions de femmes ukrainiennes qui risquent d’être exploitées lorsqu’elles seront seules en Europe, loin de leur famille et de leurs proches. Aujourd’hui, en Ukraine, il y a toujours des milliers d’ados vivant avec le VIH qui ont peur de révéler leur statut sérologique. Beaucoup ne savent pas comment se protéger du VIH et des violences liées à la guerre. Des millions de jeunes en Ukraine vivent dans la solitude face à leurs peurs et à leurs angoisses, et toute une génération sera touchée par des troubles post-traumatiques, ce qui nécessite une attention urgente. Je suis convaincue que si nous leur fournissons dès maintenant des conseils et un soutien même de base, les jeunes confrontés à de multiples crises seront mieux à même de faire face à leurs problèmes pour les années à venir.

Et quoi qu’il en soit, nous devons également pousser les responsables politiques à écouter les jeunes et leur permettre d’influencer le processus de prise de décision sur leur propre santé et leur avenir. Les voix des jeunes, en particulier celles des jeunes femmes, devraient être entendues pour mettre fin à la guerre et reconstruire l’Ukraine.

Comment voyez-vous l’avenir de Teenergizer maintenant ?

Aujourd’hui, ma famille et mon pays sont confrontés à la plus grande crise de notre vie. Donc, ne sachant pas ce que demain réserve, il m’est difficile de prédire en quoi l’avenir consistera. Au fil des années, nous avons construit une vraie famille, des équipes de jeunes leaders Teenergizer présentes dans différentes villes d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, au Kazakhstan, au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Ukraine, et même en Russie. Mais maintenant nous ne sommes plus ensemble. Après la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill a prédit qu’il y aurait un mur. Et je pense qu’un nouveau mur est en train de se former.

Que diriez-vous aujourd’hui si vous vous teniez à nouveau sur la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies ?

Il s’agit d’une guerre entre l’ancien et le nouveau monde.

Nous sommes des jeunes qui souhaitent vivre dans un monde nouveau, où il n’y a pas de guerres, où les pandémies telles que le VIH, la tuberculose et la COVID-19 sont terminées, où la pauvreté et le changement climatique sont résolus. Dans ce nouveau monde, toutes les personnes, peu importe qui elles sont ou qui elles aiment, quelle que soit la langue qu’elles parlent ou le passeport qu’elles détiennent, peuvent profiter de la liberté et vivre leur vie avec dignité, et voyager et traverser des frontières ouvertes, entre des pays pacifiques. Ces dernières années, lorsque nous avons pu voyager, nous avons appris à quel point cela est important et précieux. Nous avons pu voir comment des gens pacifiques vivaient dans d’autres parties du monde, et cela nous a fait apprécier la beauté et la liberté que nous avons en Ukraine. Aujourd’hui plus que jamais, nous comprenons seulement ce que nous voulons reconstruire dans notre propre pays en le comparant aux valeurs que nous trouvons dans d’autres pays.

Et c’est cet ancien monde qui finance et soutient cette guerre. C’est un non-sens.

Avec les milliards dépensés pour cette guerre dénuée de sens, l’humanité pourrait trouver un remède contre le VIH, mettre fin à la pauvreté et résoudre d’autres crises humanitaires.

Le nouveau monde est synonyme de développement, pas de destruction. Il s’agit de pouvoir s’améliorer soi-même, d’améliorer sa qualité de vie et d’aider vraiment les autres à faire de même.

Tout a une fin. La guerre aussi, un jour. Que ferez-vous le premier jour après la fin de la guerre ?

Je me mettrai à lire Guerre et paix de Léon Tolstoï.

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Collaborer pour aider les populations réfugiées en République de Moldavie

24 mars 2022

Au début de l’invasion de l’Ukraine, le gouvernement de la République de Moldavie voisine de l’Ukraine a estimé qu’environ 300 000 personnes pourraient fuir vers le pays. Cette estimation est désormais passée à 1 million de personnes réfugiées : un chiffre énorme pour ce pays de seulement 2,6 millions d’habitantes et habitants, qui compte parmi les plus pauvres d’Europe.

Peu après le début de la guerre, plusieurs organisations humanitaires, agences des Nations Unies et partenaires de la société civile, placés sous l’égide du gouvernement, ont formé des groupes de coordination de la riposte. Ils ont commencé à répondre aux besoins les plus pressants des personnes fuyant la guerre, notamment pour ce qui est de l’hébergement, de l’alimentation, de la santé, de la protection sociale, de la prévention de la violence sexiste et du soutien en matière de santé mentale.

« Nous devons en premier lieu nous concentrer sur les besoins fondamentaux. Il reste encore beaucoup à faire en matière de coordination avec les nombreuses organisations humanitaires qui participent à la riposte. C’est également la première fois que les Moldaves affrontent une crise de cette ampleur. Ainsi, nous apprenons et tirons des leçons au fur et à mesure », a déclaré Iurie Climasevschi, coordinateur national pour le sida à l’hôpital de dermatologie et des maladies transmissibles de la République de Moldavie.

Svetlana Plamadeala, responsable pays de l’ONUSIDA pour la République de Moldavie, a visité plusieurs centres de personnes déplacées près de la frontière ukraino-moldave. « Les gens y sont bien accueillis. Le gouvernement veille à apporter un hébergement et de la nourriture et essaie de garantir que les enfants aillent à l’école ou à la crèche. En effet, 75 % des personnes réfugiées environ sont des femmes et des enfants et on recense quelque 40 000 enfants de moins de 18 ans dans les centres », a-t-elle expliqué.

Selon Mme Plamadeala, près de la moitié des personnes réfugiées sont hébergées chez la population locale. « Nous voyons l’extraordinaire mobilisation de gens ordinaires, qui apportent un soutien remarquable aux personnes qui fuient la guerre », a-t-elle déclaré. 

Le gouvernement s’engage à ce que les personnes réfugiées ukrainiennes reçoivent les mêmes services que les Moldaves, y compris ceux liés au VIH. « Si une personne réfugiée demande une thérapie antirétrovirale, nous lui fournirons. Nous ne refuserons pas d’aider quelqu’un si nous pouvons le faire », a annoncé M. Climasevschi.

« L’ONUSIDA a participé au processus de planification dès le début de la crise afin de garantir que les personnes réfugiées aient accès à tous les services liés au VIH dont disposent les Moldaves, y compris la thérapie antirétrovirale, le traitement de substitution aux opioïdes et le dépistage du VIH et de la tuberculose  », a indiqué Mme Plamadeala. « La stigmatisation et la discrimination des personnes vivant avec le VIH demeurent monnaie courante. Il est possible que toutes les personnes vivant avec le VIH n’aient pas pu accéder aux services, c’est pourquoi nous nous engageons avec nos partenaires de la société civile à fournir de notre propre initiative des informations aux personnes afin qu’elles sachent où se tourner pour obtenir de l’aide. »

Ruslan Poverga, de l’organisation non gouvernementale Initiativa Pozitiva, a déclaré que l’organisation s’occupe actuellement d’identifier les personnes réfugiées qui ont besoin d’un traitement antirétroviral et de les orienter vers des services d’assistance. « Nous avons déjà pris l’initiative d’informer les gens et, si nécessaire, de fournir un ensemble intégré de services de prévention du VIH, y compris le dépistage du VIH, de la tuberculose et de l’hépatite, ainsi que la fourniture de préservatifs et de solutions de réduction des risques. Nous aurons une meilleure compréhension des besoins pour ces types de services dans un avenir proche. »

Le Bureau pays de l’ONUSIDA pour la République de Moldavie a réalloué des fonds pour répondre à des besoins humanitaires urgents. Cela augmentera la capacité du Programme national de lutte contre le sida à fournir un traitement antirétroviral à un nombre beaucoup plus important de personnes réfugiées vivant avec le VIH. Des tests de la charge virale sont disponibles pour vérifier si un changement de régime de traitement est nécessaire.

« La situation évolue. Nous la surveillons de très près pour comprendre quand et auprès de qui chercher plus de soutien. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est prêt à procéder à des réallocations si nécessaire, et la République de Moldavie est en mesure d’accéder aux ressources du fonds d’urgence du Fonds mondial. Dans le cas où le Programme national de lutte contre le sida ne serait pas en mesure de répondre à ces besoins, nous chercherons à obtenir davantage d’aide du Fonds mondial, de l’ONUSIDA, du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance et de l’Organisation mondiale de la Santé », a déclaré Mme Plamadeala.

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Déclaration de la Directrice exécutive de l’ONUSIDA lors de la 65e session de la Commission des stupéfiants

14 mars 2022

Introduction

Merci à vous, M. l’ambassadeur Ghislain D’hoop et à la Belgique qui assure la présidence de la 65e Commission des stupéfiants, merci aux honorables membres de la Commission, aux États membres, à la société civile et aux réseaux de consommateurs et de consommatrices de drogues, aux agences des Nations Unies et à tous les collègues.

Ma sœur Ghada Waly, je vous remercie pour le solide leadership de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et votre soutien indéfectible à la position commune des Nations Unies sur la législation sur les drogues.

J’aimerais commencer par exprimer ma solidarité envers la population ukrainienne qui souffre de tant de violence et d’injustice. Au cours des 15 dernières années, l’Ukraine a mis en place une des ripostes au VIH les plus vastes et les plus efficaces d’Europe.

Aujourd’hui, tous les aspects de cette riposte au VIH s’effondrent et la vie de centaines de milliers d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes vivant avec le VIH et des groupes clés ne tient plus qu’à un fil.

J’appelle tous les partenaires à rétablir les services essentiels pour les personnes séropositives et touchées par le virus en Ukraine 

En juin dernier, les États membres ont adopté la Déclaration politique 2021 sur le VIH et le sida.  La résolution contient des engagements ambitieux, notamment de nouveaux objectifs pour 2025 afin de permettre à la riposte de combler son retard pour mettre fin au sida d’ici 2030.

L’année dernière, l’ONUSIDA a travaillé avec tous les pays et partenaires pour développer et adopter la stratégie mondiale contre le sida. Le fil conducteur de la stratégie consiste à mettre fin aux inégalités au sein d’une épidémie où 65 % de toutes les nouvelles infections se situent dans des groupes spécifiques, y compris les consommateurs et consommatrices de drogues et les personnes incarcérées.

Nous savons que si nous continuons au rythme actuel, c’est-à-dire si nous ne comblons pas les inégalités dans la riposte au VIH, alors le monde pourrait enregistrer 7,7 millions de décès dus au sida au cours des dix prochaines années.

La riposte mondiale au VIH, qui accusait déjà du retard avant la COVID-19, est aujourd’hui encore plus fragilisée alors que la crise de la COVID-19 se poursuit.

Et les toxicomanes et les personnes incarcérées continuent d’être parmi les principales victimes !

Dans le monde, les services de réduction des risques ne sont pas disponibles au niveau et à l’échelle requis pour mettre fin au sida. Et c’est vrai dans la communauté et dans les prisons. Dans trop de pays, ces services ne sont pas du tout disponibles.

Sans garantie d’un accès ininterrompu aux services anti-VIH et de réduction des risques, nous ne mettrons pas fin au sida chez les toxicomanes et les personnes incarcérées, et nous ne mettrons donc pas fin au sida TOUT COURT.

Les principaux obstacles à l’accès aux services anti-VIH et de réduction des risques pour les toxicomanes et les personnes incarcérées sont la criminalisation, la stigmatisation et la discrimination.

Nous ne mettrons pas fin aux inégalités et au sida sans lutter contre ces obstacles et sans supprimer les lois et politiques punitives.  

En particulier, les consommatrices de drogues sont confrontées à des obstacles juridiques, politiques et sociaux pour accéder aux services vitaux de lutte contre le VIH et de réduction des risques. Nous devons investir dans des services de réduction des risques adaptés aux besoins des femmes et qui ne les jugent pas.

Nous faisons actuellement face à une crise de financement de la réduction des risques dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Le gouvernement et les donateurs n’ont investi qu’à hauteur de 5 % des fonds nécessaires à une riposte efficace. Nous devons intensifier les investissements dès maintenant, en mettant l’accent sur le financement des ripostes dirigées par les communautés. Ce sont en effet les plus efficaces.

CONCLUSION

Membres de la Commission, je crois en votre exemplarité.

Nous devons estimer à sa juste valeur la santé et les droits humains de chaque consommateur et consommatrice de drogues et la dignité de chaque prisonnier et prisonnière.

Nous devons mettre en œuvre nos engagements pour créer des environnements juridiques favorables. Nous devons encourager et intensifier la réduction des risques comme une approche sûre, efficace et essentielle pour mettre fin au sida.

Nous devons supprimer les lois et politiques punitives et discriminatoires. Cela inclut les lois qui criminalisent la consommation et la possession de drogues, comme indiqué dans notre nouvelle Stratégie mondiale de lutte contre le sida.

Notre travail pour mettre fin aux inégalités qui favorisent le sida doit reposer sur la science, des données probantes et les droits humains.

Vous, membres de la Commission, je vous invite vivement à respecter ces principes afin de nous remettre sur la bonne voie pour mettre fin au sida d’ici 2030.

Je vous remercie de votre attention.

Winnie Byanyima
Directrice exécutive de l’ONUSIDA
Vienne, le 14 mars 2022

Notre action

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Les entreprises sociales et l’épargne aident les travailleuses du sexe malgaches à traverser la COVID-19

15 mars 2022

Pionnier de la riposte au VIH à Madagascar, le Réseau Association des Femmes Samaritaines (Réseau AFSA), une association de travailleuses du sexe, a été créé à la suite de la découverte du premier cas de VIH parmi cette communauté en 1987. Au cours des trois dernières décennies, il a concentré son action sur l’autonomisation et l’intégration sociale des travailleuses du sexe, dans le but de prévenir la transmission du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles.

Mais la pandémie de COVID-19 a entraîné une nouvelle vague de difficultés socio-économiques qui a vu les travailleurs et travailleuses du sexe souffrir dans le monde entier. Les pertes de revenus et les restrictions dues aux confinements, ainsi que la stigmatisation et la discrimination sociétales et systémiques, ont posé des défis spécifiques aux travailleurs et travailleuses du sexe pour protéger leur santé et leur sécurité. Tout comme ces défis complexes affectent le monde entier, les communautés marginalisées de Madagascar, l’un des pays les plus pauvres au monde, sont fragilisées en cette période d’incertitudes.

Par le biais du Fonds de solidarité de l’ONUSIDA, créé pour autonomiser économiquement les populations clés à l’aide de l’entrepreneuriat social, le Réseau AFSA a développé la création de petites entreprises dans la région d’Antananarive. Le Réseau AFSA soutient 10 travailleuses du sexe dans la fabrication de plats préparés et la vente de fruits, légumes et vêtements, et leur apporte également des compétences de base en gestion financière afin d’autonomiser leurs entreprises individuelles.

L’ONUSIDA s’est entretenue avec la docteure Esther Rarivoharilala, coordinatrice technique du Réseau AFSA, sur la manière dont le projet du Fonds de solidarité renforce la résilience de la communauté et la capacité financière de ses membres.

Quel est l’objectif de votre projet d’entreprise sociale ?

Notre objectif principal est de permettre aux travailleuses du sexe de gérer et de diriger efficacement leur propre entreprise afin de générer durablement des revenus.

La valeur ajoutée du projet d’entrepreneuriat social est que chaque bénéficiaire est encouragée à déposer une partie de ses revenus sur un compte d’épargne afin d’assurer la pérennité de son entreprise. Cela a été rendu possible grâce à une collaboration avec le ministère malgache de la Poste et des Télécommunications qui a créé les comptes d’épargne.

Quel problème souhaitez-vous résoudre par le biais de votre entreprise sociale ?

Nos activités d’entrepreneuriat social nous permettent de soutenir des travailleuses du sexe, y compris celles qui ont des enfants à charge.

Les revenus générés par les entreprises sociales les aident à prendre en charge leurs enfants. De plus, l’épargne peut garantir la pérennité de leur entreprise et, potentiellement, la prise en charge continue de leurs enfants. 

Quel est votre souci principal concernant le projet et comment allez-vous le surmonter ?

Notre principale préoccupation aujourd’hui est de promouvoir l’épargne afin d’assurer la pérennité des entreprises dirigées par la communauté. Mais au vu des retours et de l’amélioration des stratégies de gestion que nous avons observés au sein de la communauté, je suis convaincue que [les bénéficiaires] sont prêtes à poursuivre ces entreprises. Le Réseau AFSA s’engage également à assurer le suivi de ces entreprises et à les soutenir dans l’année à venir. Nous nous concentrons sur l’identification de donateurs et de partenaires pour assurer la continuité de ce projet.

Que voulez-vous atteindre pour la communauté à l’avenir ?

Nous espérons que davantage de membres de la communauté profiteront des avantages de ce projet. Nous espérons également que ce projet sera étendu à d’autres régions ou provinces de Madagascar.

Dans le cadre de la lutte contre les difficultés liées à la pandémie de COVID-19, la Plateforme Océan Indien a confié au Réseau AFSA la gestion et la distribution de nourriture, de masques, de savon et de gels à plus d’une centaine de travailleurs et travailleuses du sexe ainsi qu’à d’autres populations clés fortement exposées au risque de VIH et de COVID-19, notamment les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, les personnes vivant avec le VIH et les consommateurs et consommatrices de drogues injectables. Le réseau a également amélioré l’accès aux services de santé et aux vaccins pendant la pandémie.

L’étape suivante de cette aventure inspirante reste de garantir la pérennité des entreprises sociales et de rechercher des partenaires capables de les améliorer. Une première étape en ce sens consiste à faire prendre conscience que l’épargne constitue un levier de croissance des entreprises sociales et à renforcer la capacité des membres de la communauté à prendre soin de leurs enfants.

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Un membre du personnel de l’ONUSIDA témoigne de l’invasion de l’Ukraine

18 mars 2022

Le 24 février, Olena Sherstyuck, responsable de la présence mondiale de l’ONUSIDA en Ukraine, n’a pas eu d’autre choix que de fuir Kiev. Nous avons discuté avec elle depuis son nouveau refuge dans l’ouest de l’Ukraine.

Le 24 février, à quoi avez-vous pensé en premier ?

Ma journée a commencé très tôt. Mon fils m’a envoyé un message à 5 heures du matin en me disant : « On dirait que la guerre est déclenchée. » Lorsque je suis sortie sur mon balcon, j’ai entendu des bruits puissants qui ressemblaient à des bombes.

Avez-vous décidé à ce moment-là de quitter Kiev ?

Au début, je suis montée en voiture avec mes chats, puis, après avoir contacté le directeur national et le reste du personnel, j’ai décidé d’aller dans ma maison de campagne qui a un jardin, hors de la ville. J’y ai retrouvé mon fils et sa femme.

Le lieu était-il suffisamment sûr ?

Lorsque je suis arrivée, j’ai compris que c’était pire qu’en ville. En effet, ma maison se trouve près de l’aéroport de Hostomel qui était la cible de missiles. Nous avons à peine dormi. Le ciel était rouge. Ce que j’aime dans cette maison, ce sont ses baies vitrées panoramiques, mais cette fois-ci, c’était loin d’être agréable. Les vitres vibraient sans cesse.

Qu’avez-vous fait ensuite ?

Le 25 février à minuit, nous avons décidé de partir pour l’ouest de l’Ukraine. J’avais travaillé dans la région pendant cinq ans alors que je travaillais pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et j’y suis retournée après. Par conséquent, cette région montagneuse m’a semblé être une bonne option.

Pour cela, il a fallu conduire 28 bonnes heures, car nous avons dû zigzaguer pour éviter les combats et changer plusieurs fois d’itinéraire parce que des routes étaient fermées ou des ponts détruits. Notre itinéraire changeait constamment. Le trajet a été plutôt difficile.

J’ai demandé à des amis de la région de m’aider à trouver un endroit où loger et nous vivons maintenant dans une maison en bois de cinq pièces avec une cuisine commune.

Avez-vous pris contact avec votre équipe et votre responsable ?

Le bureau de l’ONUSIDA en Ukraine est un petit bureau et depuis la COVID-19, nous restons en contact par toutes sortes de moyens, en utilisant WhatsApp, Viber, etc. Tous les matins, nous avons notre réunion d’équipe habituelle. Cela nous aide à maintenir le contact. Des collègues de la région et de la plateforme mondiale ont également pris des nouvelles, ce qui me donne une impression de normalité.

Une impression de normalité, vraiment ?

Je n’arrive pas à dormir ni à manger, mais le travail, les réunions et les efforts de coordination m’aident à garder la tête sur les épaules. Cela me permet de continuer.

Cependant, je suis scotchée aux infos. Je n’arrive pas à arrêter de regarder et de lire ce qui se passe. Je pense à mon appartement en ville et à mon jardin, et quand nous pourrons toutes et tous retourner à Kiev.

Je n’ai aucun regret d’être partie. Je ne suis ni une combattante ni dans l’armée, donc je ne veux pas gêner les personnes qui combattent. La première semaine, j’étais sous le choc et je pensais que cela se terminerait rapidement, mais cela fait maintenant trois semaines.

Je suppose que vous avez pris votre passeport et votre téléphone, mais qu’en est-il de la nourriture et des vêtements ?

J’ai pris mes papiers importants, mon passeport et mon ordinateur de travail, mais je n’avais que des vêtements de jardinage dans ma maison, donc je porte une veste d’homme à tout faire depuis. Disons simplement que j’ai l’air un peu débraillée, mais je ne suis pas la seule ! (Rire.)

Pour ce qui est de la nourriture, il y a des petits marchés et jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de pénurie. Nous essayons de nous occuper en aidant des femmes de la région à faire du pain et d’autres activités communes sont organisées dans le village.

(Une pause) Vous entendez ça, Charlotte ? Vous avez entendu la sirène annonçant un raid aérien ? Elle s’est tue maintenant.

N’ayant jamais vécu une telle situation, quel conseil avez-vous pour nous ?

Tout d’abord, dans ces moments-là, les relations personnelles avec des gens sont très utiles. Non seulement j’ai pu entrer en contact avec mes collègues du moment, mais je l’ai aussi fait avec mes ancien-nes ami-es du travail.

Et dès le premier jour, j’ai pu contacter les nombreux réseaux de personnes vivant avec le VIH et d’autres organisations non gouvernementales avec lesquelles je travaille pour voir comment elles gèrent la situation. Autrement dit, j’ai passé beaucoup de temps au téléphone, mais ce sont des relations professionnelles et personnelles que j’ai établies au fil des ans. Je voulais savoir si tout le monde était en sécurité.

Je dois dire que l’ONUSIDA a très bien communiqué et transmis des informations clés sur les services disponibles, le lieu et avec quel acteur, des services tels que les renouvellements de thérapie antirétrovirale ou le traitement de substitution aux opioïdes, puis elle a mis à jour les informations. Avant la guerre, j’étais membre du comité national de surveillance et du comité programmatique qui supervise les subventions du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Par conséquent, mes collègues et moi essayons d’assurer le suivi des points du programme. Ce n’est pas facile, et pour le suivi par exemple, de nombreuses personnes se terrent encore dans les caves, ce qui complique les choses.

Par ailleurs, il est vraiment difficile d'élaborer une stratégie. Au début, tout le monde prend des décisions sur le vif. Nos partenaires, d’autres organisations internationales, en fait tout le monde s’efforçait d’aider et malheureusement, nous avons fait beaucoup de choses en double. Un jour, on me demandait de trouver des matelas, un autre, quelqu’un avait besoin de gaz, maintenant les choses semblent être mieux organisées.

J’ai appris qu’il faut du temps pour comprendre comment agir et réagir et qu’il est important de trouver sa niche. Il faut éviter de trop se disperser.

Merci pour ces bons conseils. Autrement dit, il s’agit de distribuer les rôles et d’exploiter les points forts de chaque organisation pour travailler mieux de manière générale ?

C’est cela. L’aide de la plateforme mondiale est aussi utile. Je travaille principalement avec des partenaires sur place. Pour moi, cela représente 90 % de mon temps et, en raison des choses à faire dans tous les sens et de la situation en constante évolution, il a été utile que le siège nous donne une vue d’ensemble.

Comment ?

C’est rassurant de savoir que des pays comme la Pologne et la République de Moldavie et des personnes se sont engagés à aider l’Ukraine. Je sais maintenant ce que font nos collègues dans la région en ce qui concerne les stocks de thérapie antirétrovirale et le recours à l’aide internationale. En Ukraine, nous avons adopté davantage de normes européennes, de sorte que, par exemple, nos réglementations sur les médicaments et la propriété intellectuelle sont proches des normes européennes et ont peu de points communs avec les anciens pays satellites soviétiques. Notre législation contient des chapitres sur les populations clés et interdit la discrimination. Le gouvernement ukrainien a financé des services de prévention de base du VIH pour des centaines de milliers de personnes issues des populations clés. Nous avons également vraiment encouragé les services de réduction des risques, car le VIH en Ukraine touche principalement les consommateurs et les consommatrices de drogues injectables. Des milliers de personnes suivent un traitement de substitution aux opioïdes et utilisent la prophylaxie préexposition. Les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées font également partie intégrante de la stratégie du pays en matière de droits humains.  Je ne peux pas imaginer de telles évolutions dans de nombreux pays d’Europe de l’Est.

D'autres réflexions avant de conclure ?

C’est vraiment important pour moi d’avoir des contacts humains, alors n’hésitez pas à me contacter. Et je dois dire que je suis impressionnée par les gens qui se rassemblent, l’Ukraine me semble plus unie. C’est ma touche d’optimisme dans tout cela. Les gens se serrent vraiment les coudes, c’est fantastique. Gloire à l’Ukraine ! 

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La Journée zéro discrimination à Dakar est l’occasion de libérer la parole sur le VIH avec les étudiants de l’école de gestion BEM

01 mars 2022

Le niveau élevé de stigmatisation et de discrimination à l'égard des personnes vivant avec le VIH et des diverses populations clés continue de faire obstacle à la lutte contre le sida.

Partout dans le monde, on pointe du doigt des personnes ou des groupes jugés "différents", pour des raisons aussi nombreuses qu’injustifiées. Dans le contexte du VIH, la discrimination, qui désigne le traitement injuste ou inéquitable d'une personne en raison de son statut sérologique réel ou supposé, empêche la reconnaissance des risques, la gestion de la situation et la prise en charge des personnes concernées. Les comportements discriminatoires et la stigmatisation liées au VIH s’enracinent dans des inégalités sociales préexistantes et les renforcent, ce qui exclut encore davantage les personnes touchées par le virus et alimente l’épidémie.

Dans le cadre de la Journée zéro discrimination du 1er mars 2022, l’ONUSIDA, accompagné du Réseau National des Associations de Personnes vivant avec le VIH (RNP+) du Sénégal et de Trace Sénégal, discute avec les étudiants de la BEM Management School de Dakar. C’est l’occasion de solidifier la compréhension du VIH et de sa réponse parmi les étudiants, et d’exposer les situations de stigmatisation et de discrimination liées au VIH. C’est aussi une façon de favoriser l’engagement dans la lutte contre ces obstacles au sein d’une communauté d’étudiants potentiellement amenés à occuper des postes à responsabilité dans le futur. 

“Nous sommes très engagés dans la sensibilisation du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles pour protéger la santé et le bien-être de nos étudiants”, dit monsieur Diakhaté, Directeur d’école de gestion BEM Dakar. “Nous avons immédiatement saisi l’opportunité de recevoir l’ONUSIDA et ses partenaires ici, puisque nous savons que ce genre d’échanges peut jouer un rôle déterminant dans le développement et l’engagement de nos étudiants en tant que membres de la société et en tant que professionnels. Nous restons fidèles à la vision du PDG qui consiste à voir nos étudiants devenir militants et acteurs d'un monde de paix, de tolérance et de progrès responsables ”. La discussion s’est tenue dans un environnement convivial et ouvert, propice à l’établissement d’une relation de confiance entre les intervenants et les jeunes afin de libérer la parole.

La connaissance du VIH chez les 15-24 ans au Sénégal et en Afrique de l’Ouest et du Centre est encore limitée. Seuls 27,5 % des jeunes sénégalais parviennent à identifier correctement les moyens de prévention de la transmission sexuelle du VIH et à rejeter les principales idées reçues sur la propagation du virus. Les informer et les aider à mieux connaître le VIH pour lutter contre la discrimination constituent ainsi d’une intervention essentielle en faveur de la prévention.

Pour sensibiliser les étudiants, des acteurs clés dans la lutte contre la discrimination et la stigmatisation liées au VIH ont tenu à partager leurs expériences personnelles.

Soukeyna Ndiaye, activiste profondément engagée aux côtés des personnes vivant avec le VIH et Présidente du RNP+, témoigne sur son vécu. Elle raconte comment elle a été exclue par sa famille, qui voulait la priver de « ses responsabilités de femme et de mère » après avoir appris son statut sérologique. « Les gens me regardaient avec pitié, comme si j’étais déjà morte ». Ses enfants aussi ont souffert de discrimination à l’école, notamment de la part des enseignants qui organisaient des conseils de classe pour discuter de leur « cas ». Aujourd’hui, grâce aux médicaments, Soukeyna est en bonne santé et aucun de ses sept enfants n’a le VIH. Dans un monde sans discrimination, elle vivrait normalement.

Wassour Touré est le Président de l’Association Départementale And Juboo (ADAJ), une association de personnes vivant avec le VIH. En wolof, And Juboo veut dire « vivre ensemble dans la paix et la tolérance ». Il partage un témoignage poignant sur les traitements discriminatoires qu’il a pu observer dans un hôpital. « Les personnes vivant avec le VIH devaient attendre que tous les autres patients soient passés avant d'être pris en charge. On les mettait sur un banc, à part, en attendant qu’un docteur s'occupe d’eux séparément ». L’indignation et l’étonnement se faisaient sentir dans la salle, reflétant une réelle empathie des étudiants, mais montrant aussi que la discrimination et la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH sont un sujet dont on parle bien trop peu. « Je n’avais aucune idée de tout ça ! » s’exclame une étudiante, « ça me choque. Il faut qu’on en parle. Pourquoi je n’en ai jamais entendu parler ? »

De toute évidence, les intervenants ont su éveiller les consciences et provoquer des réactions fortes parmi les étudiants. « L'histoire de tous ces gens m'a beaucoup émue et j'aimerais vraiment contribuer à lutter contre toute cette discrimination », explique une étudiante.

L’ONUSIDA souhaite élaborer un partenariat à plus long terme avec les étudiants. La création d’un groupe de discussion et d’un programme de jeunes ambassadeurs contre la discrimination et la stigmatisation permettraient d’impliquer des étudiants de BEM dans les activités de plaidoyer, aux côtés de l’ONUSIDA et ses partenaires. « Les étudiants ont une énergie et une volonté contagieuses. Cela peut être déterminant dans la lutte contre la discrimination et la stigmatisation–un domaine où « montrer le bon exemple » est particulièrement important », dit Patrick Brenny, Directeur Régional de l’ONUSIDA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Travailler avec eux peut permettre d’atteindre un public encore plus large, d’une façon personnelle et crédible. Nous nous réjouissons de l’enthousiasme des étudiants pour notre projet. »

La volonté des étudiants de BEM de bâtir un environnement plus inclusif, exempt de discrimination sous toutes ses formes, est particulièrement encourageante dans un pays où les questions de droits humain sont parfois contentieuses, et où l'on observe régulièrement des manifestations en faveur d’un durcissement de la législation condamnant l'homosexualité. Les jeunes sont les moteurs du rayonnement économique et social du Sénégal et il est essentiel de s’appuyer sur eux pour préparer le futur du pays. Encourager le dialogue sur le VIH et apporter aux étudiants les connaissances nécessaires sur le virus, les méthodes de prévention, de dépistage, et de traitement sont parmi les éléments clés de ce cheminement, et une étape cruciale pour donner aux jeunes les moyens de lutter contre la discrimination et la stigmatisation liées au VIH.

Journée zéro discrimination 2022

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Garantir que la réduction des risques reste disponible en Ukraine

09 mars 2022

Dix jours après le début du conflit en Ukraine, l’ONUSIDA s’est entretenue avec Oleksii Kvytkovskyi, responsable de l’antenne Volna Donbas Resource Center de l’Association ukrainienne des personnes dépendantes aux drogues, une organisation non gouvernementale qui travaille avec des consommateurs et consommatrices de drogues injectables dans le pays.

Comment vous sentez-vous Oleksii ?

J’en ai assez d’avoir peur et de fuir. J’ai décidé de continuer à faire ce que je fais depuis 14 ans : défendre les droits des communautés clés, notamment des consommateurs et consommatrices de drogues injectables et des personnes dans le besoin.

Il ne s’agit pas du premier conflit que vous traversez, n’est-ce pas ?

Il y a huit ans, j’étais là lors du conflit entre la Fédération de Russie et la partie orientale de l’Ukraine. Comme vous le savez, [ces zones] sont désormais des républiques autoproclamées. J’ai trois enfants et deux sont nés pendant ce conflit, l’un en 2014 et l’autre en 2019.

Je travaille toujours dans quatre villes de l’oblast (région) de Luhansk qui sont sous contrôle du gouvernement ukrainien et se trouvent pratiquement sur la ligne de front : Sievierodonetsk, Lysychansk, Rubizhne et Kreminna.

En quoi consiste aujourd’hui votre travail ?

Dans notre organisation non gouvernementale, nous recevons et redistribuons ensuite des traitements de substitution aux opioïdes (TSO), ainsi que de la nourriture et de l’eau aux personnes qui en ont besoin. Notre stock de TSO tiendra jusqu’à la fin du mois. Cela représente environ 28 jours. Après je ne sais pas ce que nous ferons.

L’accès à la thérapie antirétrovirale est également problématique dans certaines villes. Pour faire simple, nous regardons qui manque de quoi et s’il y a des risques d’interruption [du traitement].

Beaucoup de personnes ont-elles quitté votre région ?

Rares sont les personnes à s’en aller, car elles n’ont pas assez d’argent pour le faire. Jusqu’à présent, la priorité est accordée à l’évacuation des femmes, des enfants en bas âge et des personnes âgées.

Notre organisation non gouvernementale s’est tournée vers des organisations internationales et nous avons reçu l’aide du Réseau eurasien de réduction des risques, du Réseau eurasien des consommateurs et consommatrices de drogues et de Volna, ce qui nous aide vraiment à fournir une aide d’urgence.

Et vous ?

J’ai imploré ma femme de prendre les enfants et de partir pour Lviv. Je leur ai même trouvé un endroit où vivre, mais elle m’a dit qu’elle ne me quitterait pas, et elle est restée.

Mais j’ai peur. J’ai peur pour mes enfants et pour ma femme que j’aime.

Qu’est-ce qui vous fait avancer ?

Je vais au travail tous les jours. Les gens me demandent si je crains pour ma vie. Je réponds toujours : « Lorsque l’on résout les problèmes de quelqu’un, on oublie la peur et la guerre sans s'en rendre compte. Alors, résoudre le problème d’une personne de la communauté devient votre objectif numéro un et on se met à aider d’une manière ou d’une autre. »

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En Ukraine, le réseau de lutte contre le VIH réfléchit et s’organise rapidement

08 mars 2022

Lorsqu’elle est réveillée par les bombardements sur Kiev le 24 février, premier jour du conflit, Valeriia Rachynska se retourne dans son lit et essaie de se rendormir. Originaire de Luhansk, elle a en effet déjà traversé un conflit en 2014.

« Je pense que mon cerveau a analysé le bruit et s’est rendu compte que j’étais suffisamment loin du danger », a-t-elle déclaré lors d’une vidéoconférence tenue depuis un petit village de l’ouest de l’Ukraine. « Mais quand j’ai vu mes enfants pleurer et avoir peur, j’ai su qu’il était temps de déménager encore une fois. »

Ses deux garçons et elles passent alors la nuit suivante dans un abri antiaérien avant de quitter leur maison dans la capitale avec son frère et sa famille.

Directrice des droits humains, du genre et du développement de la communauté pour 100% Life, le plus grand réseau de personnes vivant avec le VIH en Ukraine, elle explique que pour pouvoir continuer à aider les gens, elle doit d’abord trouver un endroit plus sûr.

« C’est comme lorsque l’oxygène manque dans un avion », explique Mme Rachynska. « Vous mettez d’abord votre masque, puis vous aidez les autres. »

Pour elle et son organisation, il était essentiel d’avoir accès à Internet, un réseau de téléphonie mobile stable, des banques ouvertes et un relatif sentiment de sécurité. Ces derniers temps, elle a l’impression de gérer un central téléphonique.

« Je réponds à tous les appels et j’essaie de les rediriger vers les bonnes personnes », explique-t-elle. « Cela n’arrête pas et à cause des nombreuses attaques et de l'imprévisibilité de la situation, je ne peux anticiper qu’une étape à la fois. »

Elle tire son chapeau à Dmytro Sherembey, responsable de 100% Life, pour avoir déjà pris ses dispositions.

« Beaucoup de gens nous ont dit : « Vous paniquez pour rien », mais chez 100% Life, nous avons transféré nos serveurs informatiques, nos documents et tout ce qui était jugé sensible vers l’ouest de l’Ukraine, voire jusqu’en Pologne et en l’Allemagne. »

Quelques collègues sont restés à Kiev en pensant tenir bon, mais 10 jours plus tard, beaucoup ont aussi pris la route.

« Nous nous concentrons désormais sur l’évacuation et l’hébergement des personnes vivant avec le VIH et de leurs familles, ainsi que des groupes marginalisés. Nous louons pour cela des bus », a déclaré Mme Rachynska, emmitouflée dans un sweat-shirt bleu à capuche. « Pour celles qui ne vivent pas à Kiev, nous envoyons de l’argent par virement bancaire pour leur permettre d’acheter de la nourriture et d’autres produits essentiels. »

Le pays dispose de suffisamment de réserves de médicaments anti-VIH jusqu’en avril, mais avec l’aide de partenaires internationaux et de la coordination de l’ONUSIDA, 100% Life a organisé très rapidement la livraison de médicaments vitaux supplémentaires en Pologne. Le gouvernement polonais a mis à disposition un entrepôt et a accepté d’apporter une aide logistique pour fournir une thérapie antirétrovirale aux personnes vivant avec le VIH en Ukraine.

L’Ukraine est le deuxième pays le plus touché par l’épidémie de sida dans cette région. On estime à 250 000 le nombre de personnes vivant avec le VIH en Ukraine. Plus de la moitié suit une thérapie antirétrovirale qui consiste en la prise quotidienne de médicaments pour que les personnes séropositives restent en bonne santé.

« Notre plus grand défi en ce moment est de sauver des vies, d’assurer la sécurité et de faire en sorte que les gens restent sous traitement », a-t-elle déclaré. Le réseau 100% Life a déjà retravaillé des aspects clés de son programme en vue d’obtenir des financements du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme afin de répondre aux besoins immédiats.

Depuis son arrivée en 2011 au sein de 100% Life, Mme Rachynska a observé les progrès accomplis par l’Ukraine pour inverser la tendance de l’épidémie de sida. Elle est particulièrement fière de l’impact positif que les programmes de réduction des risques, y compris le traitement de substitution aux opioïdes et les stratégies d’échanges d’aiguilles et de seringues, ont eu en Ukraine pour réduire les nouvelles infections à VIH. Dans le pays, le VIH continue d’affecter de manière disproportionnée les consommateurs et consommatrices de drogues injectables et l’offensive militaire en cours risque de perturber les options de thérapies de substitution. Elle a déclaré que 100% Life travaillait activement pour éviter cela.

Ses autres préoccupations concernaient la protection des travailleuses et travailleurs du sexe, des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées et des consommateurs et consommatrices de drogues injectables. Connaissant la violence et la stigmatisation subies par ces groupes pendant le conflit dans l’est de l’Ukraine, elle craint que les populations clés deviennent les cibles de la violence.

« Notre prochaine mission sera de commencer à recenser les violations des droits humains », a-t-elle déclaré. « C’est très important pour moi. »

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Engagement de l’UE dans le cadre du Partenariat mondial sur la Journée zéro discrimination

03 mars 2022

Le 1er mars, Marc Angel, député au Parlement européen qui a autrefois défendu les objectifs 90–90–90 contre le VIH, a organisé un événement parlementaire virtuel lors la Journée zéro discrimination. Coorganisé par le Partenariat mondial pour l’élimination de la stigmatisation et de la discrimination liées au VIH (Partenariat mondial), cet événement a réuni des intervenants et intervenantes de haut niveau qui œuvrent ardemment pour mettre fin à la discrimination dans l’Union européenne (UE) et au-delà.

Les intervenants et intervenantes ont abordé les thèmes des enfreintes aux droits, des obstacles sociétaux, y compris les lois et les politiques, ainsi que de la discrimination et de la stigmatisation sous-jacentes qui alimentent la pandémie de sida, le tout dans une optique liée au VIH. Puisant dans leur propre travail et leurs expériences, les membres du panel ont discuté de la manière dont l’UE et ses États membres pourraient promouvoir le travail du Partenariat mondial en vue de mettre fin aux lois, politiques et pratiques discriminatoires au sein de la zone de l’UE et des pays partenaires.

« La stigmatisation et la discrimination portent atteinte à la lutte contre le VIH/sida, car elles constituent un obstacle majeur pour se faire dépister et pour accéder à un traitement ou respecter sa thérapie », a déclaré la commissaire européenne à l’Égalité, Helena Dalli. « Nous pouvons et devons lutter contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH, nous faire entendre, rassembler des preuves et partager des informations et des connaissances. »

Les preuves recueillies par les réseaux communautaires et les organisations de la société civile révèlent des niveaux importants de stigmatisation et de discrimination. Ces violations des droits humains ainsi que d’autres ont un impact sur les personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus dans l’UE, situation qui a été exacerbée par la pandémie de COVID-19.

« En ce qui concerne l’UE, les inégalités ne cessent de croître, ce qui constitue un obstacle majeur à la riposte au VIH », a déclaré le coordonnateur exécutif d’AIDS Action Europe, Ferenc Bagyinszky. « La stratégie mondiale de lutte contre le sida offre une excellente opportunité à l’UE et à ses États membres, ainsi qu’aux communautés, de travailler pour mettre fin à ces inégalités dans l’UE, en particulier en ce qui concerne les objectifs 10–10–10. »

« L’UE peut apporter une contribution essentielle à la lutte contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH en interconnectant ses différents projets sur les droits humains et l’égalité des sexes », a déclaré Mandeep Dhaliwal, directrice du groupe VIH, Santé et Développement du Programme des Nations Unies pour le développement.

« En tirant parti de son expertise, de ses ressources et de son leadership politique pour aider les communautés et les pays partenaires à mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination liées au VIH partout où elles existent, l’UE peut apporter une contribution considérable pour que la riposte au VIH rattrape son retard », a déclaré Matthew Kavanagh, directeur exécutif par intérim de l’ONUSIDA pour la politique, la sensibilisation et les connaissances.

À ce jour, 29 pays, dont aucun n’est membre de l’UE, ont rejoint le Partenariat mondial.

Franz Fayot, ministre luxembourgeois de la Coopération et de l’Action humanitaire, a annoncé le soutien du Luxembourg au Partenariat mondial, ce qui en fait le premier État membre de l’UE à sauter le pas. « Nous soutenons le travail du Partenariat mondial et ne pouvons qu’applaudir son rôle dans l’aide apportée aux pays pour atteindre les objectifs 10–10–10 en supprimant les lois néfastes et en élaborant des lois émancipatrices. L’approche stratégique et la plateforme inclusive du Partenariat mondial pour gérer les diverses violations des droits humains auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec le VIH et les populations marginalisées seront essentielles pour lutter contre les pratiques discriminatoires contreproductives », a déclaré M. Fayot.

« Le Partenariat mondial représente une chance unique pour l’UE et ses États membres de mettre fin aux inégalités et aux injustices concomitantes et pour voir émerger une Europe et un monde résilients face aux pandémies », a déclaré M. Angel.

Catharina Rinzema, députée au Parlement européen, a évoqué l’importance de parler ouvertement du VIH, de corriger les idées fausses et d’aider le public à s’éduquer. Elle a également évoqué la stigmatisation et la discrimination auxquelles sont confrontées les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuelles dans l’UE. « Nous devrions avoir les mêmes règles que pour le don du sang, à savoir si les rapports sexuels sont protégés, plutôt que de nous intéresser aux partenaires », a-t-elle déclaré.

Maria Walsh, députée au Parlement européen, a évoqué les effets de la stigmatisation et de la discrimination sur la santé mentale et le bien-être des personnes vivant avec le VIH et a appelé à une stratégie de santé mentale de l’UE inclusive et complète. « Pour briser la stigmatisation et émanciper les personnes séropositives, il est essentiel de parler ouvertement et honnêtement de leur expérience », a-t-elle déclaré.

M. Angel a conclu en encourageant les États membres de l’UE à adhérer au Partenariat mondial et a souligné la nécessité d’une action mondiale et concertée pour accomplir des progrès significatifs vers la fin de la stigmatisation, de la discrimination et des inégalités liées au VIH, ainsi que du sida d’ici 2030. 

Journée zéro discrimination 2022

Partenariat mondial pour l’élimination de la stigmatisation et de la discrimination liées au VIH

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Investir dans le VIH, la santé et les pandémies est essentiel à la reprise économique en Afrique

15 février 2022

Des leaders et des spécialistes du monde entier en matière de santé et de financement ont participé à une rencontre virtuelle de haut niveau pour discuter de l’un des problèmes les plus urgents auxquels le monde est confronté aujourd’hui : la sécurité sanitaire universelle. La rencontre « Investing in health is investing in economic recovery: Financing for HIV, stronger public health systems, and pandemic preparedness and response » s’est tenue en amont du sixième Sommet Union africaine (UA)-Union européenne (UE) qui aura lieu les 17 et 18 février.

Alors qu’elle représente 16 % de la population mondiale et supporte 26 % du fardeau mondial des maladies, l’Afrique ne représente que 2 % des dépenses de santé mondiale. Malgré l’engagement d’Abuja pris par les gouvernements en 2001 d'allouer 15 % de leur budget à la santé, la moyenne stagne encore à 7 %.

Les intervenants et intervenantes ont échangé sur la manière dont l’Afrique est laissée de côté dans la riposte à la COVID-19, avec moins de 12 % des personnes entièrement vaccinées contre le coronavirus sur le continent. Un accès insuffisant aux vaccins, aux médicaments et aux technologies, ainsi que la faiblesse des systèmes de santé privent les populations africaines de leur droit à la santé pendant la pandémie. En outre, les contraintes fiscales et le poids accablant de la dette entravent la voie de la reprise.

Coparrainée par le gouvernement français, cette rencontre a été organisée par l’ONUSIDA, l’Union Africaine, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Organisation mondiale de la Santé. La session a été modérée par le Haut représentant pour le financement de l’Union Africaine, Dr Donald Kaberuka. Il s'agissait de trouver des solutions pour élargir la base de revenus disponibles pour les pays africains afin d’augmenter le financement de la santé et de stimuler la solidarité mondiale.

Pour surmonter la crise de la COVID-19, les participants et participantes ont souligné le besoin général d’investir dans des systèmes de santé publique renforcés en vue d’offrir la couverture sanitaire universelle, y compris les services dirigés par les communautés, et d’éviter de fragiliser davantage les plus vulnérables avec des dépenses leur incombant. De plus, il est nécessaire de s’attaquer simultanément aux pandémies actuelles de VIH et de COVID-19, ainsi qu’à d’autres maladies infectieuses telles que le paludisme et la tuberculose, pour prévenir les pandémies futures et protéger la sécurité sanitaire mondiale.

« Si nous continuons à ce rythme, c’est-à-dire si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour accélérer l’accès et combler les inégalités dans la riposte au VIH, le monde pourrait enregistrer 7,7 millions de décès dus au sida au cours des dix prochaines années, dont 4,7 millions seulement en Afrique »

Winnie Byanyima DIRECTRICE EXÉCUTIVE DE L’ONUSIDA

Des personnalités influentes ont insisté sur le fait que les investissements essentiels en matière de VIH, de systèmes de santé et de préparation aux pandémies sont destinés à sauver des vies humaines et à relancer l’économie. Par ailleurs, elles ont souligné qu’il n’y aura pas de reprise rapide en Afrique sans sécurité sanitaire pour tous et toutes.

« Moins de la moitié des établissements de santé en Afrique ont l’eau et l’électricité. Nous devons faire plus, nous savons où il manque des financements : les investissements dans la santé, les ressources humaines et les infrastructures »

Remy Rioux DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (AFD)

La lutte contre les pandémies existantes, telles que la COVID et le VIH, doit se faire en même temps que les pays renforcent leurs systèmes de santé et consolident leur préparation aux pandémies. 

« Nous ne pouvons pas choisir les maladies, mais les pandémies, nous pourrions choisir de les éviter. En définitive, le financement national est la clé pour protéger durablement tout le monde des maladies infectieuses les plus mortelles »

Peter Sands DIRECTEUR EXÉCUTIF DU FONDS MONDIAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA, LA TUBERCULOSE ET LE PALUDISME

Les participants et participantes ont salué le regain de leadership et de souveraineté en Afrique et ont appelé au renouvellement d’un partenariat Afrique-UE qui soutiendrait les institutions africaines et s’appuierait sur son leadership, en collaboration avec des institutions multilatérales. Plus précisément, l’UE est invitée à consacrer davantage de mécanismes de financement au VIH, à la santé et à la préparation aux pandémies, y compris une aide publique au développement (APD) renforcée et pérenne.

« Investir dans la santé est une décision politique. La jeunesse africaine peut être son principal atout. Des soins de santé de qualité sont le terreau sur lequel les jeunes Africains et Africaines s’épanouiront. Nous ne pouvons plus traiter les dépenses de soins de santé avec un temps de retard »

Yared Negash JEUNE MILITANT DU FINANCEMENT DE LA SANTÉ

Le panel a également reconnu l’importance du financement national pour assurer la pérennité de la santé. Cependant, de nombreux pays du continent sont actuellement écrasés par des contraintes financières. Par conséquent, il est essentiel d’agir de manière décisive pour éradiquer l’évasion fiscale et l’évitement fiscal : de fait, entre 25 et 50 milliards d’euros sont perdus chaque année alors qu’ils pourraient être alloués à la santé et à l’éducation des populations africaines. L’augmentation des revenus des gouvernements nécessite des réformes fiscales internationales et nationales courageuses. Parmi les moyens possibles d’élargir la base de revenus, citons la lutte contre l’évasion fiscale, l’amélioration des conditions d’obtention de financement pour les pays africains, les politiques d’allégement et d’annulation de la dette, ainsi que la réallocation des droits de tirage spéciaux.

« La voie vers la sécurité sanitaire mondiale pour l’humanité passe par le renforcement du soutien à l’Afrique pour atteindre la souveraineté sanitaire »

Dr John Nkengasong DIRECTEUR DES CENTRES AFRICAINS DE CONTRÔLE ET DE PRÉVENTION DES MALADIES (AFRICA CDC)

Les intervenants et intervenantes ont souligné qu’il est urgent d’augmenter la part de revenus alloués, d’améliorer les investissements et d’utiliser des ressources de la santé et des pandémies en tirant parti de l’infrastructure de lutte contre le sida et des leçons tirées de la riposte au sida basée sur les droits pour prévenir les futures pandémies.

« La pandémie de COVID-19 a créé une opportunité tragique de revoir totalement notre manière de penser, de renforcer efficacement les systèmes de santé et de remodeler la mobilisation des ressources dans le domaine de la santé, y compris les investissements nationaux »

Stephanie Seydoux AMBASSADRICE FRANÇAISE POUR LA SANTÉ MONDIALE

Les leaders ont appelé à un financement international solide, par le biais d’une réallocation des droits de tirage spéciaux, d’un allégement de la dette, de nouvelles sources concessionnelles et d’une APD supplémentaire. La reconstitution du Fonds mondial en 2022 est identifiée comme un moment clé pour assurer un soutien global à la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose afin de rattraper le retard accumulé.  

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