Transgender people

En amont de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’ONUSIDA appelle ardemment à Confier le leadership aux communautés pour mettre fin au sida

28 novembre 2023

Un nouveau rapport de l’ONUSIDA met en lumière le rôle essentiel joué par les communautés, mais aussi la manière dont le sous-financement et les obstacles auxquels elles sont confrontées sapent leurs efforts pour sauver des vies et entravent les progrès pour mettre fin au sida.

LONDRES/GENÈVE, le 28 novembre 2023 — À l’approche de la Journée mondiale de lutte contre le sida (1er décembre), l’ONUSIDA appelle les gouvernements à travers le monde à libérer le potentiel des communautés implantées au cœur des sociétés du monde entier et à leur confier le leadership pour mettre fin au sida. Un nouveau rapport publié aujourd’hui par l’ONUSIDA, Confier le leadership aux communautés, montre que le sida ne pourra disparaître en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030 que si les communautés en première ligne reçoivent tout le soutien dont elles ont besoin de la part des gouvernements et des donateurs.

« Les communautés du monde entier ont montré qu’elles étaient prêtes, disposées et capables d’ouvrir la voie. Elles ont néanmoins besoin de voir disparaître les obstacles qui entravent leur travail et de disposer des ressources adéquates », a déclaré la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Trop souvent, les communautés sont traitées par les décideurs et les décideuses comme des problèmes à gérer, au lieu d’être reconnues comme des leaders et de recevoir un soutien à ce titre. Les communautés ne se tiennent pas en travers du chemin, elles éclairent la voie qui mène à la fin du sida. »

Le rapport, présenté à Londres lors d’un évènement organisé par l’organisation de la société civile STOPAIDS à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, montre comment les communautés sont la force motrice du progrès.

La mobilisation des communautés dans la rue, devant les tribunaux ou encore devant les parlements a permis d’instaurer des changements politiques inespérés. Les campagnes menées par les communautés ont contribué à élargir l’accès aux médicaments génériques contre le VIH et à réduire significativement et durablement le coût du traitement. Celui-ci est passé de 25 000 $ par personne et par an en 1995 à moins de 70 $ aujourd’hui dans beaucoup de pays parmi les plus touchés par le VIH.

Le rapport Confier le leadership aux communautés montre que les investissements dans des programmes anti-VIH dirigés par les communautés apportent des avantages transformationnels. Il explique comment des programmes mis en œuvre par des organisations communautaires au Nigeria sont associés à une augmentation de 64 % de l’accès au traitement anti-VIH dans le pays, à une propension deux fois plus élevée d’avoir recours aux services de prévention et à une multiplication par quatre de l’utilisation du préservatif à chaque rapport sexuel chez les personnes exposées à un risque d’infection au VIH. Il souligne également comment, en République-Unie de Tanzanie, les travailleurs et travailleuses de l'industrie du sexe qui ont eu accès à une palette de services offerts par des pairs ont vu leur taux d’incidence du VIH baisser de moitié (5 % contre 10,4 %).

« Nous sommes le moteur du changement capable de mettre fin aux injustices systématiques qui continuent à alimenter la transmission du VIH. Nous avons assisté à des avancées spectaculaires comme la campagne U=U (« Undetectable = Untransmittable », en français Indétectable = Intransmissible), amélioré l’accès aux médicaments et fait de grands pas en avant dans la décriminalisation », a déclaré Robbie Lawlor, cofondateur d’Access to Medicines Ireland. « Pourtant, on attend de nous que nous déplacions des montagnes sans soutien financier. Nous sommes supposés lutter pour un monde plus équitable et nous sommes chargés de déconstruire la stigmatisation, mais nous sommes mis sur la touche dans les discussions importantes. Nous sommes à la croisée des chemins. Il est fini le temps où les communautés étaient reléguées aux rôles de figurantes. L’heure est venue de nous confier le leadership. »

Le rapport souligne comment les communautés sont à la pointe de l’innovation. À Windhoek, en Namibie, un projet autofinancé par le Youth Empowerment Group utilise des vélos électriques pour fournir des médicaments anti-VIH, de la nourriture et une aide au suivi du traitement aux jeunes qui souvent ne peuvent pas se rendre dans un établissement de santé à cause de leur scolarité. En Chine, des organisations communautaires ont développé des applications sur smartphone qui relient les personnes à l’autodépistage, ce qui a contribué à multiplier par quatre le nombre de dépistages du VIH dans tout le pays entre 2009 et 2020.

Le rapport révèle comment les communautés placent les prestataires de services devant leurs responsabilités. En Afrique du Sud, cinq réseaux communautaires de personnes vivant avec le VIH ont inspecté 400 sites dans 29 districts et mené plus de 33 000 entretiens avec des personnes séropositives. Dans la province de l’État Libre, leurs conclusions ont conduit les responsables provinciaux de la santé à déployer de nouveaux protocoles de rendez-vous pour réduire les temps d’attente dans les établissements de santé et à proposer des ordonnances d’antirétroviraux pour trois et six mois de traitement.

Malgré des preuves sans appel de l’impact des communautés, les ripostes dirigées par les communautés ne sont pas reconnues et financées correctement et sont même la cible d’attaques dans certains endroits. Des mesures de répression à l’encontre de la société civile et des droits humains des populations marginalisées empêchent les communautés d’apporter des services de soins et de prévention du VIH. Le sous-financement des initiatives dirigées par les communautés fragilise leur capacité à fonctionner et à étendre leur action. L’élimination de ces obstacles leur permettrait de dynamiser encore plus les efforts pour mettre fin au sida.

Dans la Déclaration politique sur le VIH et le sida de 2021, les États membres des Nations Unies ont reconnu le rôle essentiel que jouent les communautés dans la prestation de services anti-VIH, en particulier auprès des personnes les plus exposées au VIH. Toutefois, alors que les organisations de la société civile canalisaient plus de 31 % du financement du VIH en 2012, dix ans plus tard, en 2021, seuls 20 % de l’enveloppe allouée au VIH leur étaient attribués. Il s’agit d’un recul sans précédent des engagements qui se calcule en vies perdues hier, aujourd’hui et demain.

« À l’heure actuelle, l’action dirigée par la communauté est la contre-mesure la plus importante de la riposte au sida », a déclaré la directrice exécutive de l’International Treatment Preparedness Coalition, Solange Baptiste. « Pourtant, il est incroyable de constater qu’elle n’est pas à la base des plans, agendas, stratégies ou mécanismes de financement mondiaux visant à améliorer la préparation aux pandémies et la santé universelle. Il est temps de changer cela. »

Chaque minute, une vie est perdue à cause du sida. Chaque semaine, 4 000 filles et jeunes femmes sont infectées par le VIH, et sur les 39 millions de personnes vivant avec le VIH, 9,2 millions n’ont pas accès à un traitement vital. Un chemin existe pour mettre fin au sida et le sida peut être éradiqué à l’horizon 2030, mais uniquement si les communautés mènent le combat.

Voici l’appel de l’ONUSIDA : Le rôle de leader des communautés doit être au cœur de tous les plans et programmes anti-VIH ; le rôle de leader des communautés doit être financé en totalité et de manière pérenne ; et les obstacles entravant le rôle de leader des communautés doivent être supprimés.

Le rapport contient neuf contributions externes dans lesquelles des leaders communautaires partagent leur expérience dans leurs accomplissements, les obstacles rencontrés et ce dont le monde a besoin pour mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

Contact

UNAIDS Geneva
Sophie Barton Knott
tél. +41 79 514 6896
bartonknotts@unaids.org

Contact

UNAIDS Media
communications@unaids.org

Contact

UNAIDS Geneva
Michael Hollingdale
tél. +41 79 500 2119
hollingdalem@unaids.org

Matériels

Vidéo

Fiche d'information

Un arc-en-ciel porteur d’espoir pour la communauté LGBTQI+ dans une zone rurale du Japon

17 mai 2023

Pendant de nombreuses années, Mami a enseigné dans une école publique à Kanazawa, au Japon. Lorsqu’elle a commencé sa transition et à s’habiller d’une manière moins masculine, ses collègues et ses responsables l’ont vu d’un mauvais œil. Puis, elle a été licenciée.

En tant que femme transgenre dans une petite ville conservatrice, Mami a eu du mal à trouver un autre emploi et s’est sentie très isolée. « Lorsqu’un ami m’a invitée à travailler au centre communautaire Rainbow Pride de Kanazawa, j’ai été heureuse de trouver un endroit où j’étais acceptée », a-t-elle déclaré.

Fondé en 2022, le centre LGBTQI+ de Kanazawa est hébergé dans une maison de thé vieille de 150 ans qui donne sur l’ancienne place de marché des samurais. Les panneaux coulissants permettent de varier les configurations selon les besoins. Dans la cuisine ouverte, Mami et son ami, Kennosuke Okumara, responsable du secrétariat du centre de Kanazawa, servent du thé et du café aux visiteurs et aux visiteuses.

« Avant, je travaillais à Tokyo, mais j’ai fini par revenir dans ma ville natale », raconte M. Okumara. « Le problème était qu’il y n’avait et qu’il n’y a toujours rien pour les gays ici », regrette-t-il.  M. Okumara vit avec le VIH et déplore que les questions liées au VIH et aux personnes LGBTQI+ sont encore tabous. « Les informations sont tellement rares. C’est dommage. Je suis ici pour partager mon expérience et sensibiliser », poursuit-il.

Vêtu d’un tablier, M. Okumara mélange du thé vert dans une petite tasse avec un fouet en bambou. Il s’arrête et regarde Mami. « C’est un espace où tout le monde est en sécurité », continue-t-il.

Pour la co-présidente du centre, Diana Hoon, le centre est une lueur d’espoir. « Nous sommes comme un phare dans une société patriarcale très conservatrice », indique-t-elle. Mme Hoon montre dans la bibliothèque improvisée les nombreux dépliants et prospectus sur l’importance de connaître son statut sérologique ou sur la marche des Fiertés de la ville ou encore des livres sur le coming-out. Elle déclare que le centre attire non seulement de plus en plus de monde, mais qu’il peut également compter sur l’aide de 10 bénévoles... dont beaucoup sont des mères.

« Nos séminaires 'LGBTQI+' à destination des parents font leur chemin », raconte-t-elle. « Les gens parlent de leurs enfants, ce qui permet de créer des liens. »

Mme Hoon est singapourienne et vit avec une autre femme originaire de Kanazawa. Elle a l’impression de jouer son rôle pour aider les gens et encourager l’acceptation.

« Parmi nos priorités, nous sensibilisons sur le thème du VIH et défendons des toilettes et des uniformes scolaires unisexes et surtout le mariage pour toutes et tous, qui n’existe pas encore au Japon », précise-t-elle. Elle espère également pouvoir proposer d’ici cinq ans un refuge pour héberger des personnes LGBTQI+.

Selon elle, des étapes ont été franchies dernièrement. « Les personnes transgenres sont plus visibles ces derniers temps et nous avons des personnalités LGBTQI+ dans la communauté », explique-t-elle.

Une figure de proue est par exemple Gon Matsunaka, fondateur et ancien président du consortium Pride House Tokyo et directeur du mouvement Marriage for All au Japon. Ancien directeur de la publicité pour l’une des plus grandes entreprises japonaises, Dentsu, M. Matsunaka a caché sa sexualité pendant des décennies. « Pour moi, il n’y avait pas d’avenir dans ma petite ville de province, alors je suis parti à Tokyo », a-t-il déclaré. Il a ensuite étudié en Australie, a travaillé à Tokyo et à New York et a finalement démissionné de son entreprise.

Il a révélé son homosexualité en 2010 et a décidé de créer un centre communautaire à Tokyo. Les Jeux Olympiques semblaient être une occasion en or.

La pandémie de COVID est arrivée et beaucoup de projets ont été suspendus, mais M. Matsunaka et son équipe n’ont pas abandonné.

« En mai 2020, des enquêtes successives ont montré que les jeunes LGBTQI+ ne se sentaient pas en sécurité à la maison ou avaient perdu leurs contacts sociaux. Ce constat m’a vraiment motivé », indique-t-il. Il avait rassemblé 15 sponsors pour créer la Tokyo Pride House, un espace temporaire destiné à la communauté LGBTQI+ pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques. Cependant, avec le report des Jeux, le centre a été annulé.

L’équipe a persuadé les sponsors de modifier l’objectif de leur financement et de créer un espace permanent. Des années après les Jeux olympiques, la Tokyo Pride House est toujours ouverte à quelques pas du célèbre quartier de Shinjuku très apprécié de la communauté queer.

À Kanazawa, M. Matsunaka s’est associé à Mme Hoon pour lancer une marche des Fiertés en 2021. L’idée d’un centre communautaire est née de ce succès.

M. Matsunaka est particulièrement fier que la préfecture (municipalité) ait apporté la moitié des fonds au centre de Kanazawa Nijinoma. Le reste de la somme a été rassemblé par financement collaboratif.

Entouré de drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel, dans la Tokyo Pride House, il n’est pas peu fier de dire : « je n’ai jamais rêvé de cela et je n’aurais jamais cru cela possible, en particulier dans une petite ville comme Kanazawa. »

Pour lui, les femmes sont essentielles. « Les femmes viennent toujours après les hommes, surtout dans les zones rurales comme Kanazawa. Elles sont donc nos principaux atouts pour changer les mentalités patriarcales », indique-t-il. « Nous avons encore beaucoup à accomplir, mais je veux juste aller de l’avant et non reculer. »    

À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie (IDAHOT), l’ONUSIDA est solidaire de la communauté LGBTQI+. Nous devons nous unir et embrasser la diversité ; une société où tout le monde, peu importe son lieu de résidence ou son orientation sexuelle, peut vivre en paix et en sécurité ; une société où tout le monde peut contribuer à la santé et au bien-être de sa communauté.

L’ONUSIDA enjoint à tous les pays à décriminaliser l’homosexualité, car c’est une étape vitale pour garantir la santé de toutes les personnes

Découvrez quels pays criminalisent les populations clés

L’ONUSIDA enjoint à tous les pays à décriminaliser l’homosexualité, car c’est une étape vitale pour garantir la santé de toutes les personnes

17 mai 2023

Publication en amont de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie – 17 mai 2023

GENÈVE, le 15 mai 2023—Dans le monde entier, 67 pays criminalisent encore les rapports entre personnes du même sexe et cette pratique est passible de la peine de mort dans 10 États. 20 pays criminalisent la diversité des genres. Ce type de lois nuit à la santé publique générale et coûte des vies. La santé publique et les droits humains sont étroitement liés.

« On ne peut pas sous-estimer l’importance de décriminaliser l’homosexualité et la diversité des genres », a déclaré la directrice exécutive adjointe de la branche Politiques, sensibilisation et connaissances de l’ONUSIDA, Christine Stegling. « La décriminalisation sauve des vies. C'est une étape cruciale vers l’égalité, la dignité et la santé pour toutes les personnes. »

L’orientation sexuelle, l’identité et l’expression du genre sont diverses au sein de n’importe quelle culture. Les personnes LGBTQI+ font partie de chaque société dans chaque pays depuis la nuit des temps, mais cette communauté continue d’être marginalisée et exclue, que ce soit sur le plan juridique, culturel ou social ou une combinaison de tous ces aspects.

La criminalisation, ainsi que l’omniprésence de la discrimination et de la violence, empêchent les personnes LGBTQI+ d’accéder aux services vitaux. Dans un nombre croissant de cas, des milices autoproclamées ou la police harcèlent les soignants et soignantes qui fournissent des services vitaux à la communauté LGBTQI+.

Selon l’ONUSIDA, dans les pays où les rapports sexuels entre personnes du même sexe sont criminalisés, la prévalence du VIH est cinq fois plus élevée chez les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes que dans les pays où ce type de rapports n’est pas criminalisé. Ce risque est même 12 fois plus élevé lorsque des poursuites judiciaires ont été intentées récemment.

Reconnaissant que les lois pénales ont un impact néfaste sur la riposte au VIH, les États membres des Nations Unies se sont engagés à l’Assemblée générale des Nations Unies dans la Déclaration politique sur le VIH 2021 à atteindre des objectifs ambitieux afin d’éliminer les textes qui compromettent la riposte au VIH et oublient les populations clés. Comprenant que la décriminalisation est un élément essentiel de la riposte au VIH, les pays se sont engagés à ce qu’à l’horizon 2025, moins de 10 % des pays aient des cadres juridiques et politiques punitifs qui affectent la riposte au VIH.

Nous observons une vague de progrès encourageants. L’année dernière, Antigua-et-Barbuda, Saint-Christophe-et-Niévès, Singapour, la Barbade et les îles Cook ont abrogé d’anciennes lois coloniales qui criminalisaient les relations entre personnes du même sexe. La Cour du Koweït a abrogé une loi qui criminalisait « l’imitation du sexe opposé ».

Le Brésil figure parmi les pays qui promeuvent les droits humains des personnes LGBTQI+. Dans le cadre d’un événement organisé le 17 mai, le ministre de la Santé et la ministre des Droits humains annonceront que le pays rejoint le Partenariat mondial pour l’élimination de la stigmatisation et de la discrimination liées au VIH. Cette manifestation mettra l’accent sur l’accès aux soins et à la justice pour les communautés transsexuelles et de genre divers.

Cependant, cette vague de progrès s'oppose au regain international d’une résistance bien financée et bien organisée qui cherche à essaimer les préjugés et à promouvoir de nouvelles lois contre l'homosexualité et les personnes trans, aussi discriminatoires que néfastes.

En cas d’entrée en vigueur, ces textes auraient des répercussions néfastes considérables sur la santé publique. Ils empêcheraient les personnes LGBTQI+ d’accéder aux services de santé et le personnel de santé de fournir des services vitaux, y compris des services de prévention et de traitement du VIH. Il est vital pour la santé publique de mettre un frein à cette spirale négative.

À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, l’ONUSIDA appelle tous les pays à supprimer les lois punitives et à lutter contre les préjugés visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. Un monde plus juste, équitable et bienveillant est plus sain, pour tout le monde. 

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

L’ONUSIDA salue la nomination d’Erika Castellanos au poste de directrice exécutive de GATE

13 décembre 2022

GENÈVE, le 13 décembre 2022—L’ONUSIDA salue chaleureusement la nomination d’Erika Castellanos au poste de Directrice exécutive de GATE (Global Action for Trans Equality). GATE œuvre pour garantir la justice et l’égalité pour les communautés transsexuelles, de genre divers et intersexuelles. Son action passe par des partenariats stratégiques avec différentes organisations mondiales, y compris l’ONUSIDA et d’autres organismes et mécanismes des Nations Unies.

Née au Belize, Erika a commencé à militer en faveur des droits des personnes vivant avec le VIH et des travailleurs et travailleuses du sexe. Sa nomination profite de son expérience personnelle en tant que femme transgenre vivant avec le VIH et faisant partie de différentes communautés de populations clés.

« Erika Castellanos est une militante de renommée internationale et très respectée dans les questions du VIH et des droits humains. L’ONUSIDA apprécie notre partenariat avec Erika en tant que déléguée de la société civile à notre Conseil de coordination du Programme », a déclaré la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Le travail de GATE en tant qu’organisation dirigée par la communauté transsexuelle a été essentiel pour favoriser l’implication des organisations transsexuelles, de genre divers et intersexuelles dans la riposte au sida. Nous sommes impatients de poursuivre notre travail avec Erika et GATE pour lutter contre les inégalités qui touchent ces communautés ».

Erika Castellanos a rejoint GATE en avril 2017 au poste de directrice des programmes. En février 2022, elle a occupé le poste de directrice exécutive par intérim, période au cours de laquelle elle a continué à consolider la position de GATE en tant que leader mondial dans le domaine de la lutte en faveur des personnes transsexuelles, de genre divers et intersexuelles.

Erika a occupé plusieurs fonctions à l’échelle nationale, régionale et mondiale, notamment : directrice exécutive du Réseau collaboratif pour les personnes vivant avec le VIH (C-NET+) au Belize, vice-présidente du Conseil du Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH (GNP+), membre du conseil du HIV Justice Network et co-présidente du programme ViiV Positive Action destiné aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et aux personnes transgenres. En 2018, Erika a été la première militante ouvertement transgenre à être nommée au conseil d’administration du Fonds mondial, dans le cadre de la délégation composée de membres de communautés.

Erika prendra ses nouvelles fonctions de directrice exécutive de GATE le 1er janvier 2023.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

Contact

Global Action for Trans Equality (GATE)

Related: Voices of activists for transgender rights

Assurer la sécurité des personnes LGBTI en temps de guerre

16 mai 2022

En amont de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie (IDAHoBiT) organisée chaque année le 17 mai, l’ONUSIDA s’entretient avec Evelyn Paradis, la directrice exécutive d’ILGA-Europe (l’association des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexuées basée en Europe), sur  la protection des droits des personnes LGBTI lors de crises humanitaires. 

Comment les crises humanitaires affectent-elles particulièrement les personnes LGBTI ?  

Les crises humanitaires touchent tout le monde, mais certaines communautés ont parfois besoin d’une réponse spécifique en raison de vulnérabilités préexistantes. Ces vulnérabilités particulières font que des personnes ne se sentent pas en sécurité lorsqu’elles ont à faire à des organisations humanitaires qui fournissent la sécurité d’un abri ou une aide alimentaire et médicale de base. Ne pas savoir si on s’occupera d’elles sans les discriminer et si on les accueillera et les prendra en charge tout simplement est un obstacle à l’aide humanitaire pour ces personnes.

L’ILGA est très active dans la crise ukrainienne.  Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les personnes LGBTI touchées par la guerre 

Dans la crise ukrainienne, nous constatons que les personnes LGBTI ne sont pas intégrées de facto dans les chaînes d’approvisionnement des premiers secours. Les médicaments liés à la transition et spécifiques à l’intersexualité, comme le traitement hormonal substitutif et, dans une certaine mesure, les médicaments pour les personnes vivant avec le VIH, ne font pas encore partie intégrante des approvisionnements humanitaires. En outre, une part importante de la communauté LGBTI ne peut pas répondre à ses besoins fondamentaux, en raison d’inégalités socio-économiques antérieures au conflit.

Les femmes transsexuelles dont les papiers indiquent qu’elles sont de sexe masculin peuvent être obligées de rejoindre l’armée ou ne sont pas autorisées à quitter le pays avec d’autres femmes, ce qui les place dans une situation potentiellement très dangereuse.

Avoir accès à un abri sûr est également un problème. En Ukraine, beaucoup de personnes LGBTI ne se sentent pas en sécurité et se sentent exposées dans de nombreux abris, tandis que certaines personnes déplacées dans le pays signalent être confrontées à la discrimination lorsqu’elles tentent de louer un appartement. Par conséquent, de nombreux groupes LGBTI ont mis en place des abris pour soutenir leurs communautés. Certaines personnes qui restent et sont visibles ont été victimes d’attaques physiques, car la LGBTIphobie était déjà un problème en Ukraine avant la guerre.

Tout cela se passe alors que les personnes LGBTI sont confrontées aux mêmes difficultés que tout le monde : trouver de l’argent, de la nourriture, prendre soin de leurs proches et bien plus encore.

Que font des organisations comme l’ILGA pour les aider 

Nous envoyons un soutien financier direct aux groupes qui restent en Ukraine et fournissons un soutien direct à leurs communautés, ainsi qu’aux groupes LGBTI dans les pays d’accueil. Nous travaillons aussi activement à mobiliser des ressources pour tous les groupes LGBTI qui se mobilisent et aider les personnes LGBTI en Ukraine et à l’étranger. Nous travaillons avec des groupes et organisations humanitaires d’envergure comme l’ONUSIDA et leur communiquons les besoins sur le terrain, tout en militant auprès des institutions et des gouvernements européens pour qu’ils prennent des mesures à la fois en faveur des communautés LGBTI en Ukraine et des personnes LGBTI qui ont quitté le pays.

Que peut-on faire pour mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes LGBTIQ+ en situation de crise humanitaire ?  

Nous constatons que le travail humanitaire et le développement de mesures de protection, comme la protection contre la violence sexiste ou l’accès aux médicaments, n’intègrent pas du tout une approche du point de vue LGBTI. À bien des égards, nous avons dû partir de zéro, notamment en établissant des contacts avec des acteurs du secteur humanitaire.

Bien qu’il soit encore tôt dans cette crise particulière pour fournir des recommandations spécifiques, il ne fait aucun doute que le travail en cours aura beaucoup à nous apprendre. Par conséquent, nous nous assurerons qu’à l’avenir les points de vue et les besoins de personnes LGBTI sont intégrés dès le départ dans la riposte des acteurs humanitaires.

De nombreuses organisations communautaires et de la société civile aident les personnes LGBTI touchées par la guerre en Ukraine.  À quels défis sont-elles confrontées dans l’exécution de ce travail important ?  

La structure de la plupart des organisations LGBTI ne les préparait pas au travail humanitaire, et pourtant elles aident à couvrir les besoins fondamentaux en plus du travail qu’elles continuent à fournir pour leurs communautés. Mais elles ne peuvent pas tout faire. Si elles deviennent les premières interlocutrices pour obtenir de l’aide et une assistance, cela se fera aux dépens de beaucoup d’autres problématiques, comme la défense des droits. C’est vrai aussi bien en Ukraine que dans les pays d’accueil.

Les inégalités, la stigmatisation, la discrimination et les violations des droits humains continuent d’empêcher les personnes LGBTI d’accéder aux services anti-VIH et de santé dont elles ont besoin. Comment pouvons-nous parvenir à un changement politique, juridique et social positif ?  

Le travail qui a commencé avec le secteur humanitaire montre qu’il y a un besoin, mais cette situation est aussi une chance. Si le secteur humanitaire intègre dès le départ les personnes et une perspective LGBTI dans son travail, cela peut marquer un changement positif pour ces communautés, en particulier en temps de crise.

Le 17 mai, Evelyn Paradis interviendra au cours d’une rencontre dans le cadre de la journée IDAHOBIT. Elle expliquera comment mieux protéger les droits des personnes LGBTIQ+, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine, et comment garantir l’égalité des droits pour tous et toutes. Pour en savoir plus

L’entrepreneuriat social, un outil d’autonomisation pour la communauté LGBTI

20 avril 2022

L’impact économique de la pandémie de COVID-19 sur les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) est considérable. Une enquête menée en 2020 auprès de plus de 20 000 membres de la communauté LGBTI dans 138 pays a montré que beaucoup avaient perdu leur emploi en raison de la pandémie. En outre, les personnes LGBTI ont été victimes d’une augmentation de la discrimination, des crimes de haine et des arrestations. La criminalisation, combinée à la stigmatisation et à la discrimination de ce groupe dans certains pays, a entravé la capacité de ses membres à chercher un soutien économique et sanitaire essentiel.

Au Brésil, au Ghana, en Inde, à Madagascar et en Ouganda, plusieurs des 23 bénéficiaires du Fonds de solidarité de l’ONUSIDA aident des organisations LGBTI à renforcer leurs capacités économiques et l’impact social pour leurs communautés respectives à travers divers projets d’entrepreneuriat social.

L’Ouganda accueille plus de 1,5 million de personnes réfugiées. Les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont illégales dans le pays et le statut de réfugié-e s’accompagne de nombreux autres obstacles, notamment l’exclusion sociale. De plus, la pandémie de COVID-19 a détruit les moyens de subsistance de nombreuses personnes réfugiées en Ouganda qui appartiennent à des populations clés. Grâce à une subvention du Fonds de solidarité, la Simma Africa Creative Arts Foundation a créé le Rainbow Drip Craft Shop Project. Ce magasin commercialise des articles d’art et d’artisanat, notamment des bijoux en laiton et en perles, des chaussures en cuir fabriquées à la main et des vêtements en Ankara de style fusion fabriqués par des personnes LGBTI, des adolescentes et de jeunes femmes issues de camps et de communautés d’accueil de réfugié-es. « La boutique est devenue un espace sans danger et un moyen pour la communauté d’exprimer sa créativité et de canaliser ses compétences et ses talents pour établir des moyens de subsistance autonomes », a déclaré Natasha Simma de Simma Africa.

En collaboration avec les communautés ougandaises LGBTI et de travailleur-ses du sexe, la Vijana Na Children’s Foundation (VINACEF Uganda) a ouvert un salon communautaire offrant divers soins de beauté. Environ 80 membres de la communauté ont été mis en lien avec des services sociaux et formés à la gestion financière et d’une entreprise sociale. « Le projet d’entrepreneuriat social a renforcé l’implication et les capacités des communautés LGBTI et des travailleurs et travailleuses du sexe tout en leur permettant d’acquérir et d’utiliser de nouvelles compétences pour dégager un revenu durable », a déclaré Benard Ssembatya, directeur exécutif du VINACEF Uganda. Forte de cette expérience, VINACEF Uganda met en place un réseau de salons pour améliorer l’accès à l’information sur le VIH, les droits sexuels et reproductifs, la tuberculose, le cancer et les maladies non transmissibles à destination des membres de la communauté.

De même, au Brésil, l’Associação Social Anglicana de Solidariedade do Cerrado (Casa A+) a concrétisé le projet Empodera Mais en puisant dans les talents des membres des communautés LGBTI et des travailleur-ses du sexe dans le domaine des soins de beauté. « Nous avons motivé des membres issus de situations vulnérables à participer au projet d’entrepreneuriat social. Nous leur avons fourni pour cela le kit Empodera Mais qui contient des équipements et des produits de base afin de se lancer dans le domaine de la coiffure et des soins esthétiques », a déclaré Maurício Andrade, le fondateur de Casa A+. Les compétences techniques fournies ont encouragé les membres à lancer des activités dans les soins de beauté, ce qui leur a permis de surmonter les difficultés liées à la pandémie de COVID-19. Des partenariats techniques avec des spécialistes, un institut de beauté et des institutions telles que le service municipal de développement des ressources humaines de Palmas ont permis aux participant-es d’avoir une expérience sur le terrain avant le lancement de leur propre entreprise et de créer un réseau professionnel pour échanger des expériences et obtenir de nouvelles opportunités commerciales.

Au Ghana, la Hope Alliance Foundation et l’OHF Initiative ont lancé le Community Economic Empowerment Program pour créer des entreprises sociales dirigées par des personnes LGBTI et vivant avec le VIH afin de les aider économiquement à faire face à des défis complexes liés au cadre légal et à la COVID-19. L’initiative a fourni une formation professionnelle apportant des compétences dans la production de produits alimentaires et d’hygiène à 30 jeunes, a soutenu la création d’entreprises sociales dans la mode et a soutenu la rénovation et le réaménagement de 10 petites entreprises sélectionnées ayant été touchées par la COVID-19.

En Inde, la plateforme en ligne d’artistes Nachbaja.com a été mise en place pour surmonter les défis posés par la discrimination et la rémunération déloyale, ainsi que les difficultés liées à la sécurité des artistes de la communauté LGBTI. Au cours de la même période, Gaurav Trust a ouvert ses portes à des membres de la communauté pour intégrer un salon de beauté communautaire, La Beauté and Style, et a mobilisé des financements supplémentaires pour assurer sa pérennité et sa croissance.

Let’s Walk Ouganda est un autre exemple de croissance réussie. Son projet Jump Start vise à accueillir de petites entreprises de la mode, du design et de la production de savon liquide dirigées par des gays et d’autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Les membres de la communauté ont fait preuve d’ingéniosité pour développer, élargir et diversifier leurs entreprises en réinvestissant savamment dans de nouvelles activités commerciales les revenus générés par la vente du premier lot de produits. Cela a conduit au développement et au lancement de l’application Stall App soutenue par l’ONUSIDA. Il s’agit d’une application de marketing social en ligne qui pourrait aider à stimuler la vente de produits développés par plusieurs entreprises dirigées par des populations clés, y compris d’autres bénéficiaires du Fonds de solidarité.

« Nous devons prendre conscience que pendant que le reste du monde se remet de l’impact économique de la pandémie de COVID-19, les communautés marginalisées en ressentiront les effets encore longtemps. Par conséquent, il est de la plus haute importance de continuer à soutenir les entreprises sociales innovantes dirigées par les communautés, pensées pour préserver leurs moyens de subsistance et surmonter des obstacles spécifiques », a déclaré le directeur de l’innovation de l’ONUSIDA, Pradeep Kakkattil.

La restauration de l’autonomie et de la dignité des communautés LGBTI doit être fondée sur des initiatives menées par ces dernières, en mettant l’accent sur la lutte contre les inégalités. Le fil conducteur qui relie ces initiatives variées est l’ingéniosité des personnes LGBTI face aux aléas. Les bénéficiaires ont démontré le potentiel que recèle l’autonomisation par l’art, la créativité et les compétences professionnelles encouragées par le financement de démarrage du Fonds de solidarité.  Il est crucial de reconnaître et d’accepter la diversité dans l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans tous les domaines afin de rendre la communauté visible, de la protéger de la stigmatisation, de la discrimination et de la violence, et de l’impliquer dans la riposte aux pandémies.

La militante ukrainienne Anastasiia Yeva Domani explique à l’ONUSIDA comment la communauté transgenre fait face à la guerre en Ukraine

30 mars 2022

Anastasiia Yeva Domani est directrice de l’association Cohort, experte du Groupe de travail des personnes transgenres sur le VIH et la santé en Europe de l’Est et en Asie centrale, et représentante de la communauté transgenre au Conseil national ukrainien sur le VIH/sida et la tuberculose.

L’ONUSIDA a parlé avec elle pour savoir comment elle et la communauté transgenre au sens large vont depuis l’attaque russe contre l’Ukraine.

Parlez-nous un peu de vous et de la communauté transgenre en Ukraine

Je suis la directrice de Cohort, une organisation pour les personnes transgenres. Cohort existe depuis environ deux ans, même si je milite depuis plus de six ans. Selon le Centre de santé publique du ministère ukrainien de la Santé, avant la guerre, environ 10 000 personnes transgenres vivaient dans le pays, bien que ce chiffre soit sûrement sous-estimé, car de nombreuses personnes transgenres ne communiquent pas ouvertement leur identité de genre. Beaucoup ne demandent de l’aide qu’en cas de crise, comme c’était le cas pendant la pandémie de COVID-19, et aujourd’hui à nouveau avec la guerre. À présent, nous recevons des demandes d’aide de la part de personnes dont nous n’avons jamais entendu parler auparavant, des personnes qui ont un besoin urgent d’assistance humanitaire, financière et médicale.

L’Ukraine a créé l’environnement le plus favorable aux personnes transgenres parmi tous les pays postsoviétiques en ce qui concerne le changement des documents officiels, ainsi que les aspects juridiques et médicaux de la transition entre les sexes. C’est loin d’être parfait, mais d’autres organisations et nous-mêmes avons fait notre maximum pour améliorer la situation. Depuis 2019, les personnes transgenres sont représentées au Conseil national ukrainien sur le VIH/sida et la tuberculose.

Quelle était la situation pour les personnes transgenres au début de la guerre ?

En 2016, un nouveau protocole clinique pour les soins médicaux de la dysphorie sexuelle a été adopté en Ukraine, ce qui a grandement facilité la partie médicale de la transition entre les sexes. Grâce à lui, des personnes ont pu recevoir l’année suivante des attestations de changement de sexe.

Cependant, de nombreuses personnes transgenres n’ont pas encore modifié tous leurs papiers. Certaines personnes ne les ont pas du tout changés, d’autres n’en ont changé que quelques-uns et seulement très peu d’entre elles ont tout changé, y compris leur permis de conduire, leurs diplômes et ceux liés à l’enregistrement et à l’enrôlement dans l’armée. Nous avions signalé ce problème et nous avons maintenant une guerre. De nombreuses personnes transgenres ne savaient pas qu’elles devaient se désinscrire au bureau d’enregistrement militaire.

En raison de la loi martiale, les hommes âgés de 18 à 60 ans ne peuvent pas quitter le territoire de l’Ukraine s’ils n’ont pas l’autorisation du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaires. Nous avons beaucoup de personnes non binaires qui ont des papiers pour un homme et qui ne peuvent donc pas fuir.

Avec le déclenchement de la guerre, de nombreuses personnes transgenres sont parties dans l’ouest de l’Ukraine. Mais si vos papiers indiquent que vous êtes un homme, vous ne pouvez pas quitter l’Ukraine.

Quelle est la situation actuelle et sur quels aspects concentrez-vous votre travail ?

En raison de la guerre, nous n’avons plus personne dans certaines villes. Kharkiv comptait le plus grand nombre d’activistes transgenres après Kiev, notamment parce que beaucoup avaient quitté les régions occupées de Luhansk et Donetsk en 2014. Et maintenant, ces personnes doivent à nouveau se déplacer. Aucune information ne nous est parvenue sur la mort de personnes transgenres, mais je pense que c’est uniquement parce que nous n’avons aucun contact avec certaines villes, comme Mariupol. Beaucoup n’ont tout simplement pas eu le temps de quitter la ville avant que cela ne devienne impossible. J’ai peur que les chiffres ne soient terribles, il faudra juste du temps pour comprendre ce qui s’est passé là-bas.

Un travail important est en cours à Odessa. Nous y avons deux Yulias, des femmes transgenres qui apportent une aide incroyable à la communauté. Elles ont pris en charge des pans entiers de l’assistance et du financement. À Odessa, la situation des hormones et les médicaments est meilleure. Nous avons également toujours une coordinatrice à Dnipro, elle fait aussi un travail considérable.

Notre travail se concentre désormais sur l’assistance financière, médicale et juridique aux personnes transgenres qui se trouvent en Ukraine, où qu’elles soient, dans l’ouest de l’Ukraine, dans des abris ou des appartements, ou dans leurs villes sous les bombes. Tout le monde a peur, mais il faut quand même se raccrocher à quelque chose en soi et essayer de se battre. Je ne pense pas que tout le monde devrait partir. Je comprends que beaucoup de gens ont une dent contre la société, l’État. Pendant de nombreuses années, ils ont vécu comme des victimes. Pour beaucoup, il n’y a rien qui les retient ici, ni travail ni logement.

Qui vous soutient financièrement ?

Nous avions des projets prévus pour 2022, et littéralement le premier ou le deuxième jour de la guerre, les représentants de nos donateurs ont déclaré que l’argent pouvait être utilisé non seulement pour les projets programmés, mais aussi pour l’aide humanitaire. Il s’agissait notamment de RFSL, en Suède, qui a abordé ce problème de la manière la plus flexible possible et nous a permis non seulement d’utiliser l’argent du projet, mais aussi d’envoyer de l’argent directement à nos coordinateurs et coordinatrices afin de leur permettre de payer pour des gens le logement, les déplacements, etc.

Ensuite, GATE (Global Action for Trans Equality) a immédiatement déclaré que leurs fonds pouvaient être utilisés pour l’aide humanitaire et a promis des fonds supplémentaires. La Public Health Alliance, par l’intermédiaire du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous a autorisés à modifier le budget et la nature des activités prévues.

Nous allons maintenant faire ce que nous pouvons dans le contexte de la guerre, et la mobilisation de la communauté se poursuivra à Dnipro, Odessa, Lviv et Chernivtsi. De nouveaux partenaires ont fait leur apparition et ont immédiatement répondu à nos besoins.

Chaque jour, j’utilise des fonds d’OutRight Action pour répondre aux besoins humanitaires des personnes transgenres, ainsi que des fonds de LGBT Europe. Il y a aussi des dons privés, pas de grosses sommes, bien sûr, mais ils existent également.

À quoi ressemble une journée type pour vous ?

Ma journée est pleine d’échanges avec des journalistes de médias d’envergure. Je vais également au supermarché faire des courses que je distribue aux personnes qui en ont besoin. J’ai des formulaires Google dans lesquels je peux voir les demandes d’aide.

Je gère les demandes de consultations avec deux spécialistes en psychologie et en endocrinologie qui continuent de travailler en Ukraine. Je reçois de nombreuses questions concernant le passage de la frontière et je fournis des informations sur la manière de communiquer avec le bureau d’enregistrement militaire et sur les documents nécessaires pour se désinscrire.

Je reçois beaucoup d’appels, donc je dois recharger mon téléphone cinq fois par jour. Je possède deux comptes Instagram, deux comptes Facebook, trois adresses e-mail, Signal, WhatsApp, etc. Je dois être constamment joignable. Je dois également prévoir du temps pour faire la queue pendant deux heures au bureau de poste. Cela me fait perdre énormément de temps, mais les gens ont besoin que je leur envoie des médicaments. J’ai également besoin de garder du temps pour suivre l’actualité, je dois savoir ce qui se passe en première ligne, dans les villes.

Qu’est-ce qui vous donne de la force ?

Jusqu’à ce que ma famille et mon enfant quittent la ville, je ne pouvais pas travailler en paix.

Je suis actuellement à Kiev. Au cours des 10 premiers jours de la guerre, j’étais sous le choc et j’avais peur, nous vivions littéralement une heure à la fois. Maintenant que nous nous sommes habitués au danger, je n’ai plus peur. Si c’est mon destin, alors je l’accepte. Je ne descends plus dans l’abri. J’ai tant de travail, tant de demandes d’aide, d’appels, de consultations qui arrivent chaque minute.

Je suis née ici, à Kiev, c’est ma ville natale. Je me suis rendu compte que lorsque votre pays est dans une mauvaise passe, il faut rester. Je ne peux pas m’enfuir, ma conscience ne m’y autorisera pas. Je ne peux pas, car je sais que ma ville doit être protégée. Il n’est pas nécessaire d’être dans l’armée pour aider. Il y a la défense militaire, mais il y a aussi le bénévolat. L’aide humanitaire, c’est beaucoup de travail.

Qu’est-ce qui me donne de la force ? Parce que c’est mon pays, je sais que celles et ceux qui peuvent faire quelque chose, sur n’importe quel front, sont là. Nous pouvons le faire partout, tout le monde peut apporter sa contribution, faire quelque chose d’utile, et cela me donne le sentiment d’être nécessaire, un sentiment que nous pouvons réussir tellement de choses ensemble.

Pages