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Un an après le début du conflit : nous devons soutenir la riposte au VIH en Ukraine

23 février 2023

Un an après le début du conflit, la guerre en Ukraine continue d’engendrer des souffrances et des destructions massives. Depuis le 24 février 2022, plus de 13,5 millions de personnes, y compris des personnes vivant avec le VIH et des membres des populations clés, ont été déplacées à l’intérieur du pays ou ont été contraintes d’aller se réfugier dans des pays voisins.

Le deuxième pays le plus affecté par l’épidémie de sida en Europe de l’Est et en Asie centrale, l’Ukraine, est durement touché par la guerre.

Le pays réalisait toutefois de solides progrès dans la riposte au sida : 1) le nombre de personnes séropositives recevant des médicaments vitaux a augmenté (plus de 150 000 personnes sous traitement sur les 240 000 personnes vivant avec le VIH), 2) le pays travaille main dans la main avec des organisations communautaires et 3) il finance totalement des services innovants de prévention du VIH au sein des populations clés.

Le choc provoqué par la guerre a poussé tous les acteurs à protéger ces précieuses avancées. 

Avec le soutien du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR), de l’ONUSIDA et d’autres parties prenantes, le gouvernement ukrainien et ses partenaires de la société civile ont reçu suffisamment de thérapies antirétrovirales (ARV), de médicaments contre la tuberculose et de traitement de substitution aux opioïdes (OST) pour assurer le suivi du traitement à l’ensemble des personnes qui en ont besoin.

Avant la guerre, la société civile était déjà le moteur de la riposte nationale au VIH aux côtés du Centre de santé publique ukrainien et elle a continué de l’être tout au long de l’année passée. Elle fournit des services, des médicaments et de l’aide humanitaire à ceux et celles qui en ont le plus besoin malgré les bombardements, les attaques, le manque d’électricité et les difficultés d’accéder aux régions à l’est et au sud du pays.

Cet effort nécessite notre soutien et notre financement continus. Nous ne pouvons pas laisser faiblir la riposte au VIH de l’Ukraine.

Les agences et partenaires des Nations Unies sur le terrain travaillent en étroite collaboration avec les autorités locales pour atteindre et aider les personnes dans le besoin. Plus récemment, ils ont fourni une assistance humanitaire à des territoires durement touchés qui viennent seulement de redevenir accessibles.

« La collaboration est primordiale pour fournir une aide et une assistance ô combien nécessaires », a déclaré la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Une coalition regroupant le gouvernement, la société civile et des organisations internationales a été et reste primordiale pour préserver l’efficacité de la riposte au VIH de l’Ukraine pendant la guerre. L’ONUSIDA est solidaire de toutes les personnes et de nos partenaires qui travaillent si dur en première ligne. »

Un Fonds d’urgence de l’ONUSIDA a permis à des partenaires dans tout le pays de maintenir des services de prise en charge et d’assistance liés au VIH, ainsi que d’apporter une aide humanitaire directe et un soutien ciblé aux plus vulnérables. Cela s’est traduit, par exemple, par la création de dizaines de refuges pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, y compris les toxicomanes, les personnes LGBTIQ+ et d’autres populations clés, et en établissant des liens entre les prestataires de services anti-VIH et les programmes d’aide humanitaire disponibles. Le Fonds jouit du soutien de la Croix-Rouge de Monaco, des États-Unis d’Amérique et de l’Allemagne.

Fortes du financement supplémentaire de la part de l’Allemagne, des organisations de la société civile en Moldavie, en Pologne et dans d’autres pays voisins ont uni leurs efforts pour améliorer l’accès aux services pour les personnes réfugiées ukrainiennes vivant avec le VIH.

L’ONUSIDA demande ardemment à la communauté internationale de financer davantage les organisations de la société civile afin qu’elles continuent à fournir des services anti-VIH essentiels en Ukraine et dans les pays recevant des personnes réfugiées ayant besoin de ce type de services.

L’ONUSIDA continuera de soutenir la prévention, le dépistage, le traitement, les soins et l’assistance en matière de VIH pour les personnes en Ukraine victimes de la guerre et déplacées à cause du conflit.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

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UNAIDS
Snizhana KOLOMIIETS
kolomiietss@unaids.org

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Offrir un traitement anti-VIH et une assistance aux personnes réfugiées ukrainiennes à Berlin

20 mai 2022

Plus de 600 000 personnes réfugiées ukrainiennes sont arrivées en Allemagne depuis le début de la guerre. Parmi elles, beaucoup sont séropositives, dont une majorité de femmes.

Au début, les gens avaient surtout besoin d’un logement, puis s’est ensuivie une avalanche de demandes pour obtenir un traitement contre le VIH. De nombreuses personnes réfugiées étaient en effet parties sans leurs médicaments ou avaient juste pris le strict minimum.

Vasilisa Sutushko est née avec le VIH. Elle est arrivée à Berlin début mars avec un mois seulement de traitement dans ses bagages. Elle ne savait rien du fonctionnement du système de santé allemand. Une ONG locale, la Berliner AIDS Hilfe qui est aussi l’une des plus anciennes organisations allemandes de lutte contre le VIH, a été inondée d’appels à l’aide.

« J’ai payé 10 € pour ces médicaments qui me serviront pendant trois mois », explique Mme Sutushko en montrant une boîte de traitement du VIH. « Lorsque je suis arrivée à Berlin, il m’a fallu comprendre si mes médicaments allaient être gratuits ou payants », continue-t-elle.

Contrairement à son pays d’origine, elle explique que la plupart des médicaments sont délivrés sur ordonnance en Allemagne.

« En Ukraine, je peux obtenir facilement tous les médicaments dont j’ai besoin à la pharmacie », indique Mme Sutushko.

Le conseiller pour les migrants et migrantes de la Berliner Aids Hilfe, Sergiu Grimalschi, explique que les structures organisées étaient rares lorsque les premières personnes réfugiées sont arrivées. Il a donc fallu improviser dans tout le pays. « Nous avons dû trouver rapidement une solution », dit-il.

Les organisations ont aidé d’innombrables personnes réfugiées à obtenir des médicaments ou un logement, à effectuer des démarches administratives et à résoudre d’autres problèmes de santé urgents.

Selon la Berliner AIDS Hilfe, la plupart des personnes réfugiées vivant avec le VIH ne pourront pas revenir chez elles tant que les établissements médicaux bombardés ne seront pas reconstruits.

Mme Sutushko, fondatrice de Teens Ukraine, une ONG qui aide les jeunes vivant avec le VIH, et d’autres avec elle, tentent désormais de créer un réseau afin de renforcer l’aide apportée aux personnes séropositives. De fait, de nombreuses personnes réfugiées ont hésité à demander de l’aide ou à divulguer leur statut sérologique dans leur pays d’accueil à cause de la stigmatisation et de la discrimination liées au VIH en Ukraine. « Je suis heureuse de voir des gens comme moi qui ont besoin d’aide, je peux aussi être utile », déclare Mme Sutushko.

L’ONUSIDA estime que 260 000 Ukrainiens et Ukrainiennes vivent avec le VIH. 30 000 d’entre elles environ ont fui leur pays depuis le début de la guerre et ont besoin d’un traitement contre le VIH.

Une interruption même temporaire du traitement peut entraîner une résistance aux médicaments et un risque accru de progression du sida.

Vidéo : Aider des réfugiés Ukrainiens à Berlin

Les prestataires issus de la société civile continuent de se mobiliser en Ukraine

12 mai 2022

De nombreux services de santé vitaux ne fonctionnent plus depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Mais des prestataires locaux tels que l’Alliance for Public Health ont trouvé des moyens de continuer leur action. Bien que certaines routes soient minées et que de nombreux ponts aient été détruits, le projet Mobile HIV Case-Finding a utilisé ses 16 camionnettes pour fournir de la nourriture, un traitement anti-VIH et d’autres produits essentiels dans tout le pays. Il a également aidé des gens à trouver un abri.

La coordinatrice de l’équipe de la clinique mobile dans la région de Chernihiv, Iryna, a indiqué que la guerre a considérablement compliqué son travail. Chernihiv se trouve dans le nord de l’Ukraine à la frontière avec la Fédération de Russie et la Biélorussie.

« De nombreuses personnes étaient sur les routes, allant d’un endroit à un autre », a-t-elle expliqué. « C’était très difficile de travailler. »

L’Alliance for Public Health propose toutefois à nouveau bon nombre de ses services depuis mi-mars. Cette organisation non gouvernementale travaille principalement avec les consommateurs et consommatrices de drogues injectables et leurs partenaires.

« Les consommateurs et consommatrices de drogues injectables concentrent un nombre considérable de nouveaux cas de VIH en Ukraine en raison de pratiques d’injection dangereuses », explique Raman Hailevich.

Le directeur pays de l’ONUSIDA pour l’Ukraine est conscient qu’il était déjà difficile d’atteindre les toxicomanes avant la guerre et que cela est encore plus compliqué aujourd’hui. Il accorde tout le mérite de ce travail sur le terrain aux groupes de la société civile.

« La plupart des contacts avec ce type de population difficile à atteindre sont réalisés par les organisations communautaires. Sans elles, la mise en œuvre de programmes de prévention chez les consommateurs et consommatrices de drogues ne serait pas possible », a-t-il déclaré.

En raison de l’insécurité, l’Alliance for Public Health a enregistré une baisse du nombre de dépistages du VIH et de l’hépatite C. Toutefois, Iryna est fière, car, selon elle, les équipes ont fourni un traitement à plus de 1 400 personnes en mars et avril, soit en l’envoyant par la poste soit en le livrant à domicile.

Fondé en 2019, le projet Mobile HIV Case-Finding est mis en œuvre par l’Alliance for Public Health et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il est financé par le CDC et le PEPFAR.

Watch

Ukraine : un rapport indique que les femmes et les personnes marginalisées ont besoin d’accéder de toute urgence aux services de santé

11 mai 2022

Un nouveau rapport de l’ONU Femmes et de CARE International souligne l’urgence de fournir des services de santé aux femmes en Ukraine et explique pourquoi la communauté internationale doit soutenir une riposte à la crise humanitaire ukrainienne qui prenne en compte le sexe.

Le rapport met également l’accent sur la nécessité d’une approche intersectionnelle de la crise qui se penche sur les risques accrus rencontrés par les communautés marginalisées (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexe (LGBTI), les Roms, les personnes handicapées et celles atteintes de maladies chroniques), qui sont confrontées à d’immenses difficultés et ont des besoins spécifiques en matière de santé et de sécurité.

« Ce rapport influent montre pourquoi et comment les ripostes humanitaires doivent toujours prendre en compte le sexe, mais aussi répondre aux besoins spécifiques des communautés marginalisées », a déclaré la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Le courage et l’engagement des personnalités féminines qui continuent de servir leurs communautés, même en période de guerre, en Ukraine et dans le monde entier, sont une source d’inspiration. »

L’analyse du rapport, basée sur des enquêtes et des entretiens avec des personnes en Ukraine, a été menée en avril et détaille certaines dynamiques de la crise du point de vue des sexes et formule des recommandations pratiques et réalisables pour la riposte humanitaire internationale.

Les femmes et les filles interrogées dans le cadre du rapport ont mis en avant les difficultés à accéder aux services de santé, en particulier pour les survivantes de violences sexistes, les femmes enceintes et les jeunes mères, ainsi que la peur croissante face aux violences sexistes et au manque de nourriture, en particulier pour les personnes vivant dans les zones de conflit.

De nombreuses personnes interrogées ont évoqué les risques pour la santé, y compris la propagation de la COVID-19, à cause d’abris insalubres.

La guerre a également un impact sur l’accès à la santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale et la santé maternelle, néonatale et infantile. De nombreux médias ont constaté que les effets de la guerre sur les conditions de vie augmentaient le risque de naissance prématurée.

Les personnes transgenres ont également besoin d’un accès régulier aux médicaments, mais beaucoup ont dû arrêter leur traitement hormonal en raison de l’arrêt de l’approvisionnement. Plusieurs organisations LGBTI fournissent un accès aux médicaments aux membres de la communauté transgenre, mais leur aide ne couvre pas tous les besoins.

« Avec son analyse prenant en compte le sexe, la Rapid Gender Analysis nous permet de consulter directement les populations touchées afin d’identifier avec précision les besoins spécifiques de différents groupes de personnes et de savoir comment les satisfaire au mieux », a déclaré la secrétaire générale de CARE International, Sofia Sprechmann Sineiro. « Ce que nous entendons du peuple ukrainien, c’est que certains groupes, comme les personnes handicapées, les Roms et d’autres minorités ethniques, les mères célibataires et les enfants non accompagnés, ont chacun besoin de différentes formes de protection et d’assistance. Pour que notre réponse reste efficace et pertinente, il faut s’adresser à ces groupes et les prioriser dans l’ensemble de l’écosystème de l’aide, car cette situation réellement dévastatrice continue d’évoluer. »

Le rapport appelle à soutenir les organisations dirigées par des femmes et les organisations de défense des droits des femmes qui fournissent des ressources financières et à faire davantage entendre leur voix sur les plateformes nationales et internationales.

Le rapport enjoint à combler les lacunes dans les services de réponse à la violence sexiste et à accorder la priorité à la santé sexuelle et reproductive, y compris aux soins cliniques offerts aux survivantes d’agressions sexuelles, ainsi qu’aux soins de santé maternelle, néonatale et infantile, notamment à l’accès à la contraception.

« Il est essentiel que la riposte humanitaire en Ukraine tienne compte et réponde aux différents besoins des femmes, des filles, des hommes et des garçons, y compris des populations les plus laissées pour compte », a déclaré la directrice exécutive d’ONU Femmes, Sima Bahous. « Cette analyse arrive à point nommé. Elle apporte les preuves de ces besoins et de leur urgence. Les femmes jouent un rôle vital dans la riposte humanitaire au sein de leurs communautés. Elles doivent également être impliquées de manière significative dans les processus de planification et de prise de décision pour s’assurer que leurs besoins spécifiques sont satisfaits, en particulier ceux liés à la santé, à la sécurité et à l’accès aux moyens de subsistance. »

Rapport

Maintenir les services anti-VIH à destination des toxicomanes à Odessa

22 avril 2022

Odessa est un grand port sur la mer Noire où la consommation de drogues est importante. Dans les années 1990, la ville a enregistré les premiers cas de l’épidémie de VIH en Ukraine. Plus récemment, elle a mis en place des stratégies de services de réduction des risques à destination des toxicomanes qui figurent parmi les plus efficaces au monde. Le financement de ce système est assuré par des budgets nationaux et locaux et son exécution implique des organisations non gouvernementales et communautaires. Odessa a été l’une des premières villes d’Europe de l’Est et d’Asie centrale à signer la Déclaration de Paris. L’année dernière, elle a enregistré une baisse des nouveaux cas de VIH chez les toxicomanes.

Natalia Kitsenko est responsable du service de santé publique de la Road to Home Foundation, l’une des plus anciennes organisations d’Odessa qui fournissent des services aux consommateurs et consommatrices de drogues. L’ONUSIDA a parlé avec elle de la manière dont son organisation réussit à continuer d’aider les personnes dans le besoin, même pendant cette guerre. 

Question : Beaucoup de personnes ont-elles fui Odessa ?

Réponse : Oui, beaucoup sont parties, principalement des femmes et des enfants. Les membres de notre organisation constituent une exception. Sur 60 collègues, 4 personnes sont parties parce qu’elles ont des enfants en bas âge. Les autres sont restées et nous poursuivons activement notre travail quotidien et fournissons une assistance d’urgence aux femmes avec des enfants et aux personnes âgées fuyant d’autres villes : Mykolaiv, Kherson, Marioupol et Kharkiv. Nous assurons principalement le transport vers la frontière moldave et nous les mettons en relation avec des bénévoles qui les aident ensuite dans le pays ou à atteindre une autre destination en fonction de leurs besoins.

Nous faisons également à manger comme des quiches et des ravioles pour les personnes dans le besoin. Toute cette situation nous unit. J’ai été témoin de beaucoup de scènes d’entraide autour de moi.

Question : Combien de personnes concernées par votre programme de réduction des risques ont quitté la ville ?

Réponse : Nous touchons près de 20 000 personnes par an à Odessa et dans les environs. À notre connaissance, seules 7 d’entre elles ont fui à l’étranger. D’autres sont entrées dans des groupes locaux de défense du territoire. D’autres encore aident à construire des structures de protection, ce qui implique de chercher des sacs de sable et de les transporter pour protéger les rues et les monuments. D’autres encore habitent avec nous afin d’obtenir les services dont elles ont besoin. Nous enregistrons un afflux de consommateurs et consommatrices de drogues d’autres régions d’Ukraine où les conditions sont bien pires.

Question : Quels services votre organisation propose-t-elle aux toxicomanes ?

Réponse : Tout d’abord, l’offre de base de réduction des risques que nous fournissons dans le cadre du budget de l’État comprend les consultations, la prévention du VIH (seringues, préservatifs, lingettes, lubrifiants, etc.), le dépistage du VIH et celui de la tuberculose. Parmi les personnes qui utilisent ces services depuis longtemps, le taux de détection d’une infection au VIH est de 0,02 %. Il atteint jusqu’à 7 % pour les personnes qui intègrent seulement le programme. Nous avons mis en place un modèle de recrutement de bénéficiaires avec l’Alliance for Public Health en utilisant la subvention du Fonds mondial et le soutien de l’ECDC. Nous encourageons les toxicomanes à venir avec leurs proches dans nos centres communautaires pour que ces personnes fassent un dépistage. C’est un aspect important, car les nouveaux et nouvelles bénéficiaires, en particulier les jeunes, qui commencent seulement à consommer des drogues, peuvent être un groupe très difficile à atteindre. Beaucoup d’entre eux cachent leur consommation et essaient de rester invisibles. Ce système de recrutement nous permet de les attirer vers nos services de réduction des risques, et, en premier lieu, vers les tests. La gestion des nouveaux cas, l’aide au diagnostic et à l’obtention d’une thérapie antirétrovirale, le dépistage et le suivi de la tuberculose sont également assurés par le biais d’un financement par des donateurs, en particulier le projet PEPFAR.

Question : Avez-vous obtenu des financements supplémentaires ?

Réponse : Oui. Nous venons de recevoir un financement supplémentaire du Fonds d’urgence de l’ONUSIDA pour acheter des médicaments, des pansements et des produits d’hygiène pour nos bénéficiaires. Cette aide essentielle arrive à point nommé, car nos bénéficiaires n’ont pas les moyens d’acheter de nombreux articles médicaux tels que le Fluconazole (un antibiotique) et ces articles sont par ailleurs devenus difficilement disponibles.

Question : Natalia, vous travaillez dans le domaine du VIH depuis plus de 20 ans. Le regard que porte le grand public sur les toxicomanes et les personnes vivant avec le VIH a-t-il changé ?

Réponse : Nous sommes heureux de constater une réduction spectaculaire du niveau de stigmatisation et de discrimination, ainsi qu’une amélioration globale des comportements envers nos bénéficiaires dans les environnements médicaux. Cependant, nous rencontrons toujours des problèmes de préjugés. Beaucoup de gens sont contre la présence de nos points d’échange de seringues et de nos centres communautaires près de chez eux, et ne souhaitent pas voir de toxicomanes dans leurs quartiers, car ces personnes craignent que les consommateurs et consommatrices de drogues menacent leur confort, leur bien-être et leur sécurité. Nous comprenons ces craintes et nous essayons d’expliquer aux personnes concernées pourquoi nous sommes là, comment fonctionnent ces points d’échange de seringues et les centres communautaires. Nous organisons des actions sur le terrain et des réunions pour expliquer aux personnes la réalité de la vie des toxicomanes. Notre travail consiste à justifier en permanence notre contribution et à montrer comment nous aidons à maîtriser les épidémies de VIH, de tuberculose et d’hépatite.

Depuis le début de la guerre, nous fournissons également un abri aux personnes qui vivent dans nos centres. Comme nos points d’échange de seringues se trouvent généralement dans les sous-sols, lorsque les sirènes se mettent à hurler, les voisins et voisines viennent chez nous. Cela signifie que, pour la première fois, les riverains et riveraines sont en contact direct avec des personnes vivant avec le VIH ou consommant des drogues.

Question : Quels sont les problèmes les plus urgents pour vous ?

Réponse : En ce moment, nous avons du mal à fournir à nos bénéficiaires du Naloxone qui permet d’éviter les overdoses. Bien que nous conseillons et informons sans cesse les gens sur les signes avant-coureurs d’une overdose, le nombre d’overdoses a augmenté à cause de la guerre en cours. Et comme le Naloxone est fabriqué dans la ville de Kharkiv qui est sous le feu des bombardements, nous n’en avons plus. Nous en avons besoin sous n’importe quelle forme, si possible sous une forme prête à l’emploi, intranasale ou injectable, car cela sauverait de nombreuses vies. Et nous devons maintenir les services anti-VIH pour les toxicomanes tout en leur fournissant une aide humanitaire urgente.

L’accueil des personnes réfugiées ukrainiennes en Allemagne est un grand test pour tout le monde

21 avril 2022

Le déclenchement de la guerre en Ukraine il y a cinquante jours a pris de nombreuses personnes par surprise, notamment l’équipe d’aide aux migrants et migrantes de la Berliner Aids-Hilfe. Sergiu Grimalschi et ses collègues ont été propulsés en première ligne pour aider des milliers de personnes réfugiées ukrainiennes venues en Allemagne, principalement celles vivant avec le VIH.

M. Grimalschi est interprète professionnel originaire de Roumanie et est arrivé à Berlin au début des années 1990. Au cours des vingt-cinq dernières années, il a travaillé sur la riposte au VIH principalement avec des personnes migrantes et est actuellement employé par la plus ancienne organisation allemande de lutte contre le VIH. De 2006 à 2012, il a aidé des pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EEAC) à développer des services de santé anti-VIH et a travaillé en Ukraine, au Bélarus, en Russie et en Pologne.

L’ONUSIDA s’est entretenue avec M. Grimalschi sur les défis auxquels sont confrontées les personnes réfugiées ukrainiennes vivant avec le VIH à Berlin.

Question : Sergiu, de nombreuses personnes réfugiées en Allemagne et vivant avec le VIH s’adressent directement à vous. Avez-vous eu le temps de vous y préparer ?

Réponse : Non. Personne n’était préparé et, honnêtement, la guerre a été une surprise complète pour nous et pour moi en particulier. L’Europe de l’Est figure sur la liste des priorités de mon organisation depuis 2010. Nous parlons tous et toutes des langues d’Europe de l’Est et nous suivons la situation dans la région. Alors, lorsque la guerre a commencé, j’ai fait une chose simple qui s’est avérée décisive. J’ai écrit un e-mail commun à un groupe de l’EEAC indiquant que toute personne vivant avec le VIH fuyant la guerre pour l’Allemagne pouvait me contacter ou contacter mes collègues par téléphone. Tout d’abord, j’ai été appelé par des collègues de Moldavie avec qui j’ai travaillé en étroite collaboration pendant la pandémie de COVID-19 lorsque nous avons fourni des médicaments à des personnes bloquées en Europe. Plusieurs organisations ukrainiennes ont ensuite commencé à me contacter. Elles ont continué à transmettre mon adresse e-mail et, en une semaine, les numéros de la Berliner Aids-Hilfe étaient sur tous les réseaux sociaux et sur tous les canaux sur Telegram.

Question : De nombreuses personnes réfugiées vivant avec le VIH ont fui vers l’Europe, en particulier vers l’Allemagne, car elles pensaient que tout le monde y avait accès au traitement et aux services anti-VIH. Vrai ou faux ?

Réponse : Oui, tout le monde y a accès, à l’exception des migrants et migrantes sans assurance maladie. Cela n’a changé que récemment.

À Berlin, par exemple, toutes les personnes, y compris les migrants et migrantes sans papier ni assurance, pouvaient accéder au traitement, mais seulement depuis fin 2018.

Tout cela est dû au fait que les personnes sans assurance maladie en Allemagne ne peuvent pas obtenir de traitement et que la loi ne tient pas compte des personnes dans cette situation. Et, comme vous le savez, sans thérapie, vous mourrez. Depuis 2000, nous nous sommes concentrés sur toutes les façons possibles de fournir à toutes les personnes vivant avec le VIH et dépourvues d’assurance l’accès à des médicaments et à un traitement médical qualifié.

Notre lutte contre ce problème a été la tâche la plus difficile et la plus importante pour nous depuis de nombreuses années, mais notre travail a porté ses fruits. Et ce, grâce aux nombreuses années de sensibilisation que nous avons accomplies.

Question : Expliquez-nous comment vous gérez l’afflux de personnes réfugiées en Allemagne.

Réponse : Ce n’est toujours pas si simple. Tout d’abord, la situation est très différente selon les États fédéraux (les länder) allemands.

Par ailleurs, lorsque les premières personnes réfugiées sont arrivées, il n’y avait pas vraiment de structures organisées. Nous avons donc dû improviser avec nos collègues dans tout le pays. Une fausse bonne idée a été par exemple de demander aux Ukrainiens et Ukrainiennes qui ont quitté leur maison de laisser leurs médicaments aux personnes restées dans le pays. Les premiers jours de la guerre, des médicaments ont été collectés dans toute l’Allemagne pour être envoyés en Ukraine ou en Pologne. Mais, au bout d’une semaine, les personnes originaires d’Ukraine et vivant avec le VIH étaient nombreuses à être arrivées à Berlin. Quelques femmes m’ont dit : « Je n’ai que 2 ou 3 comprimés parce que j’ai tout donné à mon mari. »

Nous avons dû trouver rapidement une solution.

Nous sommes allés chez des médecins à Berlin et avons trouvé des stocks de traitement anti-VIH que nous avons rapidement épuisés. Les médecins délivraient des ordonnances, mais il n’était pas clair comment elles allaient être couvertes par une assurance ou payées. Rien que le Dolutegravir, par exemple, qui fait partie du traitement qu’une majorité d’Ukrainiens et Ukrainiennes vivant avec le VIH prennent, coûte plus de 700 euros ici. Médecins, services sociaux, autres personnes séropositives, tout le monde s’est plié en quatre. Ces gens se disaient : « Une guerre est en cours ». Et finalement, les autorités de santé allemandes ont commencé progressivement à couvrir les coûts du traitement.

De nombreuses personnes qui arrivent d’Ukraine ne comprennent toujours pas comment obtenir une thérapie en Allemagne. Il n’y a pas ici de grands centres spécialisés qui distribuent des médicaments. J’explique aux gens : « Nous vous aidons à trouver un médecin spécialisé dans le VIH près de chez vous qui vous délivrera une ordonnance, puis vous pourrez vous rendre à la pharmacie pour obtenir vos médicaments. »

Ces dernières semaines, seuls certains des 16 länder allemands soignent des personnes sans assurance, sans enregistrement auprès des autorités locales, uniquement sur la base de leur passeport. Au cours des deux dernières semaines à Berlin, les médecins sont autorisés à soigner les personnes réfugiées ukrainiennes juste sur présentation d’une photocopie du passeport qui est ensuite envoyée aux services sociaux pour le remboursement. C’est un véritable exemple de solidarité humaine.

Question : Combien de personnes reçoivent actuellement une thérapie antirétrovirale à Berlin ?

Réponse : Aujourd’hui, environ 600 personnes séropositives en provenance d’Ukraine sont en contact avec moi dans toute l’Allemagne, dont 150 à Berlin. Dans l’ensemble, je dirais environ 2 000 personnes au total, mais tout le monde ne s’est pas encore manifesté, car certaines ont encore suffisamment de médicaments.

Question : Sergiu, dites-nous comment la guerre a commencé pour vous ?

Réponse : Lorsque ma mère m’a appelée de Roumanie le matin du 24 février pour me dire : « La guerre a commencé. » Je lui ai demandé : « Maman, tu as mal dormi ? Ce n’est pas drôle ! » Je pensais qu’elle avait un mauvais rêve. Je n’aurais jamais pensé que la Russie allait lancer l’invasion de l’Ukraine.

Personnellement, j’ai beaucoup de liens avec l’Europe de l’Est. Ma grand-mère a quitté la Russie en 1918, mon grand-père était originaire de Chernivtsi, ce qui signifie qu’en théorie, il aurait pu être ukrainien s’il n’avait pas fui en 1940. J’y ai beaucoup de très bonnes connaissances, de proches et de collègues avec qui j’ai travaillé, donc cette situation est très douloureuse pour moi.

Question : Sergiu, si j’ai bien compris, vous aidez les personnes réfugiées non seulement pour le traitement, mais aussi pour le logement et d’autres choses ?

Réponse : Oui, bien sûr. Nous aidons les personnes réfugiées à s’enregistrement auprès des autorités locales et à accéder aux services d’aide sociale, à l’assurance maladie, à une assistance psychologique dans leur langue et à tout ce dont elles ont besoin. Nous leur déconseillons également d’aller à la campagne. Il est préférable pour les personnes vivant avec le VIH ou ayant besoin d’un traitement de substitution de rester à Berlin ou dans d’autres grandes villes, là où il y a de meilleurs établissements de santé.

Mes collègues, mes amis/amies et moi essayons d’aider les gens à trouver un hébergement et des vêtements. La maison d’une de mes amies médecins, une Roumaine, était vide. Je lui ai demandé si elle voulait aider. Aujourd’hui, six familles ukrainiennes vivent chez elle. Une autre amie allemande a offert 2 500 euros à des femmes venues d’Ukraine pour couvrir leurs besoins de première nécessité. Bien sûr, je suis responsable de gérer tout cet argent, mais il s’agit d’une initiative personnelle et privée. L’un de mes amis, avocat, a acheté des iPads pour plusieurs enfants réfugiés. Il dit que les enfants doivent apprendre, donc maintenant ils peuvent aller sur Internet.

Question : Vous faites un travail incroyable, Sergiu... Qu’est-ce qui vous fait avancer ?

Réponse : Je suis impressionné par toute cette solidarité humaine et j’espère que toute cette horreur prendra bientôt fin... C’est un grand test pour nous tous et toutes.

Une logistique vitale en Ukraine

14 avril 2022

Le 10 avril, Tetyana Pryadko (nous avons changé son nom) reçoit un appel de son médecin annonçant que sa thérapie antirétrovirale contre le VIH est arrivée. Cet appel est très important pour Tetyana, car elle suit un traitement depuis 10 ans sans interruption. Or il lui reste des médicaments pour seulement cinq jours. Elle vit à Chernihiv, une ville sur la ligne de front coupée des chaînes d’approvisionnement habituelles qui permettaient jusque-là à Tetyana d’obtenir régulièrement son traitement anti-VIH.

Avant le déclenchement du conflit, la thérapie antirétrovirale était en effet très facilement disponible en Ukraine. Larisa Getman, directrice du service Gestion et riposte au VIH du Centre de santé publique du ministère ukrainien de la Santé, a expliqué que « l’État a obtenu la majorité des thérapies antirétrovirales par l’intermédiaire de l’Agence nationale des marchés publics. » 100% LIFE est la plus grande organisation de personnes vivant avec le VIH en Ukraine. Elle assure l’approvisionnement en matériel médical dans le cadre des projets du Fonds mondial et gère l’aide humanitaire dans le cadre des programmes du PEPFAR, y compris l’approvisionnement d’urgence en antirétroviraux.

Valeria Rachinskaya, responsable des Droits humains, du genre et du développement communautaire chez 100% LIFE, suit elle-même une thérapie antirétrovirale depuis de nombreuses années. Elle explique que la pandémie de COVID-19, contre toute attente, a amélioré le respect du traitement, car il est devenu courant de disposer chez soi d’un stock de médicaments pour plusieurs mois et que la thérapie est envoyée à celles et ceux qui n’ont pas accès à un établissement de soin. Les téléconsultations et l’utilisation généralisée des applications mobiles font également partie du quotidien.

« Au début de la guerre, les gens n’étaient pas sans médicaments. Le pire a été pour la population des villes les plus touchées par les bombardements, où non seulement les installations médicales ont été détruites, mais dont les chaînes logistiques ont également été interrompues », indique-t-elle.

« Avant la guerre, l’ensemble du processus d’approvisionnement et de livraison était assez facile en Ukraine », explique Evgenia Rudenka, responsable du département Approvisionnement de 100% LIFE. « Les livraisons arrivaient à l’aéroport, nous nous occupions des formalités dans notre entrepôt et nous les distribuions. Mais la guerre est arrivée et il est devenu urgent de déterminer comment assurer la livraison de ces médicaments dans le pays et, surtout, comment les mettre à disposition des patients et patientes. Dès les premiers jours de la guerre, nous avons ainsi élaboré ces mécanismes avec nos partenaires. »

À la demande du Centre de santé publique ukrainien, avec l’appui de l’USAID et du CDC, le Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) a accepté de contribuer à l’approvisionnement d’urgence en thérapie antirétrovirale. Chemonics, une agence du PEPFAR responsable des achats, a recherché dans le monde entier des stocks disponibles et a réservé du matériel vital.

Grâce au soutien de l’Union européenne qui a immédiatement mis au point les procédures spéciales de transit de l’aide humanitaire pour l’Ukraine, les livraisons ont commencé à se mettre en place à partir de pays voisins, principalement la Pologne et la Roumanie. « Grâce au soutien des chemins de fer, nous avons organisé l’enlèvement des marchandises dans une autre gare que celle du point de livraison central de la plupart des services d’aide humanitaire destinés à l’Ukraine. L’objectif était d’organiser immédiatement la distribution aux régions. (Étant donné qu’énormément de matériel humanitaire provenant de différents pays passe par l’Agence d’État pour les réserves stratégiques de Pologne, il est assez difficile d’avoir accès immédiatement aux livraisons.) Nous faisons donc appel à une entreprise de logistique capable de livrer des marchandises en Ukraine sous le régime du transit humanitaire, dans un entrepôt à Lviv, d’où nous pouvons effectuer la distribution immédiate », a déclaré Mme Rudenka.

La partie la plus difficile et la plus importante du processus est la livraison dans toute l’Ukraine, y compris sur le front.

Selon Mme Rudenka, de nombreuses entreprises de logistique ont cessé leurs activités à cause de la guerre, et celles encore actives ont multiplié par deux ou trois le coût de leurs services.

Les entreprises commerciales ne sont pas prêtes à se rendre dans des villes telles que Kharkiv, Kherson ou Mykolaiv, mais des bénévoles, travaillant en coordination avec les autorités locales, s’y rendent pour évacuer des gens et livrer des médicaments et d’autres articles.

« Dans les zones de combat, les bénévoles déchargent, par exemple, au siège de l’administration régionale, puis nous contactons les institutions médicales qui sont les destinataires finaux et nous leur disons où récupérer la livraison », explique-t-elle.

Néanmoins, plusieurs bénévoles ont été victimes d’attaques et quatre ont perdu la vie.

« La situation des personnes vivant avec le VIH en Ukraine est accablante. Nous essayons de fournir des médicaments, de la nourriture et de l’aide d’urgence sous d’autres formes aux personnes dans le besoin, mais le travail est dangereux et les bénévoles mettent leur vie en jeu. Si nous n’obtenons pas plus d’aide, je ne sais pas combien de temps nous pourrons continuer, en particulier pour atteindre les gens en première ligne », a déclaré le responsable du conseil de coordination de 100% LIFE, Dmytro Sherembey.

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L’ONUSIDA tire la sonnette d’alarme : la guerre en Ukraine risque de déclencher une catastrophe humanitaire pour les personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus

13 avril 2022

Appel urgent lancé pour intensifier considérablement l’aide internationale afin de soutenir les efforts héroïques des réseaux dirigés par la société civile qui œuvrent pour atteindre les personnes suivant une thérapie antirétrovirale 

GENÈVE, le 13 avril 2022—La guerre en Ukraine entraîne la destruction et la perturbation des services de santé et des chaînes logistiques dont dépend la survie de centaines de milliers de personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus. Plus d'un quart de million d'Ukrainiens vivent avec le VIH. Si jamais l’accès au traitement antirétroviral et aux services de prévention devait manquer, cela pourrait entraîner une vague de décès et une résurgence de la pandémie de sida dans le pays. L’action des réseaux dirigés par les communautés est essentielle pour maintenir des services vitaux et ces organisations ont besoin de toute urgence que l’aide internationale passe à la vitesse supérieure.  

Plus de 40 établissements de santé qui proposaient des services de traitement, de prévention et de soins anti-VIH avant le conflit sont désormais fermés, et les activités d’autres sites sont perturbées à plus ou moins grande échelle. Au 11 avril, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait recensé plus de 100attaques contre des établissements de santé en Ukraine, tandis que les voies d’approvisionnement au sein du pays sont désorganisées. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance signale que les attaques contre les infrastructures d’eau et les coupures de courant ont privé totalement d’accès à l’eau 1,4 million de personnes, tandis que 4,6 millions supplémentaires n’y ont plus qu’un accès limité. De son côté, la Banque mondiale a déclaré s’attendre à ce que l’économie ukrainienne recule de 45 % cette année, ce qui constitue une menace désastreuse pour la pérennité des programmes sociaux et de santé essentiels. 

Une première livraison de plus de 18 millions de doses de médicaments antirétroviraux vitaux fournies par le Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) est arrivée à Lviv la semaine dernière. Sa distribution est en cours en partenariat avec le Centre de santé publique du ministère de la Santé ukrainien et 100 % Life, la principale organisation de personnes vivant avec le VIH en Ukraine. À condition qu’ils puissent atteindre les personnes qui en dépendent, ces médicaments suffiront à couvrir pendant six mois les besoins de toutes les personnes séropositives sous traitement de première intention. Cette première tranche fait partie de l’engagement du PEPFAR de financer les besoins de traitement anti-VIH pour 12 mois en Ukraine. Avant l’éclatement de la guerre, l’ONUSIDA estimait à 260 000 le nombre de personnes séropositives dans le pays, dont 152 000 qui prenaient quotidiennement des médicaments contre le VIH.  

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial) apporte également un financement d’urgence pour assurer la continuité des services vitaux de lutte contre le VIH et la tuberculose. 

Aujourd’hui, l’accent est mis sur la livraison rapide de médicaments primordiaux contre le VIH à toutes les personnes qui en ont besoin. Les organisations de la société civile déploient des efforts héroïques pour fournir des articles médicaux et des services anti-VIH essentiels aux personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus, y compris aux populations vulnérables. Malgré les énormes obstacles auxquelles elles sont confrontées, elles vont à la rencontre des personnes vivant dans des endroits extraordinairement difficiles d’accès. Mais les organisations de la société civile dont dépend ce système de livraison et de soins ne pourront pas continuer leur action sans un renforcement de l’aide internationale.  

« La situation des personnes vivant avec le VIH en Ukraine est accablante. Nous essayons de fournir des médicaments, de la nourriture et de l’aide d’urgence sous d’autres formes aux personnes dans le besoin, mais le travail est dangereux et les bénévoles mettent leur vie en jeu », a déclaré le responsable du conseil de coordination de 100 % Life, Dmytro Sherembey. « Si nous n’obtenons pas plus d’aide, je ne sais pas combien de temps nous pourrons continuer, en particulier pour atteindre les gens dans les zones de première ligne. » 

L’ONUSIDA a débloqué un premier fonds d’urgence de 200 000 $US pour répondre aux demandes humanitaires et programmatiques urgentes dans sept centres de l’épidémie de VIH (Chernihiv, Dnipro, Kharkiv, Kryvy Rih, Kiev, Odessa et Poltava). Dans le cadre de l’augmentation au sens large de l’aide nécessaire, elle demande de toute urgence à la communauté internationale de fournir 2 420 000 $US supplémentaires en faveur des organisations de la société civile fournissant des services anti-VIH en Ukraine et de celles qui accueillent des réfugiées et réfugiés touché-es par le VIH dans d’autres pays.  

« Les organisations de la société civile et les communautés de personnes vivant avec le VIH et touchées par le virus forment la base de la riposte au VIH en Ukraine », a expliqué la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Elles ont besoin sans attendre d’un soutien financier et logistique supplémentaire pour assurer la continuité des programmes de traitement, de soins et de prévention du VIH. Nous encourageons l’ensemble des donateurs et donatrices à participer au maintien de ces services pour sauver des vies et prévenir une résurgence de la pandémie de sida en Ukraine. »  

La seule raison pour laquelle la riposte contre le VIH est capable de fournir encore des services aux personnes même au milieu des horreurs de la guerre est que l’Ukraine a choisi une approche moderne qui repose sur un partenariat entre les services publics et ceux des communautés. Mais les réseaux de la société civile, dont la créativité et le courage sont essentiels aux services anti-VIH, ne pourront pas garantir encore longtemps la continuité des opérations au niveau nécessaire sans une aide internationale plus importante.  

Aujourd’hui, il reste extrêmement difficile d’apporter les équipements et les services médicaux aux groupes vulnérables. L’ONUSIDA travaille dans ce domaine avec des partenaires humanitaires en Ukraine et dans le monde en vue de faire émerger des solutions d’urgence pour fournir une aide médicale et humanitaire à des centaines de milliers d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes.  

L’Alliance for Public Health s’efforce de fournir l’aide d’urgence nécessaire pendant le conflit. Elle utilise des minibus pour répondre aux besoins humanitaires impératifs, notamment en évacuant des populations vulnérables et en assurant des livraisons de nourriture et de médicaments. Les communautés en première ligne de la riposte font des efforts incroyables pour rester en contact avec les personnes. Par exemple, des cliniques mobiles ont été déployées par l’Alliance for Public Health pour proposer un traitement de substitution aux opioïdes aux toxicomanes dans les zones où les établissements ont été contraints de fermer. L’ONUSIDA travaille également avec le Fonds mondial et un coparrainant de l’ONUSIDA, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, pour obtenir davantage de traitement substitutif aux opiacés. 

Le conflit a déjà forcé des millions d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes à quitter le pays et des milliers de femmes et d’enfants ukrainiens vivant avec le VIH ont besoin d’aide dans les pays d’accueil. Les réseaux de la société civile soutenus par les coparrainants et les partenaires de l’ONUSIDA aident les populations réfugiées à accéder à la thérapie antirétrovirale en République de Moldavie et dans toute l’Union européenne.  

L’OMS a aidé à parvenir à un accord avec le groupe pharmaceutique ViiV Healthcare portant sur des dons de médicaments anti-VIH à la Pologne, à la République tchèque et à d’autres pays de l’Union européenne accueillant un grand nombre de personnes réfugiées d’Ukraine.  

L’ONUSIDA enjoint également à la communauté internationale d’aider les centres d’hébergement de réfugié-es à renforcer leur soutien aux personnes les plus exposées aux risques, notamment en élargissant les services psychosociaux, de traitement et de prévention du VIH et ceux liés à la violence sexiste. Un coparrainant de l’ONUSIDA, l’ONU Femmes, a déclaré que les abus sexuels et les actes de trafic d’êtres humains signalés en Ukraine indiquaient une crise de protection de la population. L’ONUSIDA met en garde contre l’augmentation des risques pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. 

Mme Byanyima a réitéré l’appel des Nations Unies à mettre fin à la guerre. « La paix est ce dont nous avons besoin en premier », a déclaré Mme Byanyima. « La guerre en Ukraine doit cesser. Maintenant. Il n’y aura pas d'amélioration sans l’arrêt de ce conflit. Et même lorsqu’il sera terminé, les besoins en aide seront considérables. Cette guerre met gravement en danger la population ukrainienne vivant avec le VIH. Les réseaux d’intervention dirigés par la société civile pour les services anti-VIH risquent leur vie pour en sauver d’autres. Ils ont besoin de tout le soutien possible. » 

Ligne Info VIH en Ukraine : 0800 500 451. 

Le site de l’initiative ART Initiative for Ukrainians Abroad, établie en coordination avec le Centre de santé publique de l’Ukraine, apporte une assistance supplémentaire aux personnes réfugiées ukrainiennes vivant avec le VIH. Des données plus précises sur la localisation et les besoins des personnes vivant avec le VIH en Ukraine et de celles qui sont forcées de fuir le pays sont en cours de collecte.

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

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Les partenaires de santé redoublent d'efforts pour obtenir des médicaments et des services vitaux anti-VIH pour les personnes touchées par la guerre en Ukraine

05 avril 2022

Alors que les livraisons de traitement antirétroviral arrivent, les obstacles se multiplient pour les remettre aux personnes qui en ont besoin

GENÈVE, le 5 avril 2022—La guerre en Ukraine a déclenché une crise humanitaire catastrophique. Le nombre de décès et de blessé-es, de destructions de villes et d’agglomérations entières et d’attaques inadmissibles contre des établissements de santé et d’autres cibles civiles ne cesse d’augmenter. Tout cela met gravement en danger la population ukrainienne vivant avec le VIH.

« Il devient de plus en plus difficile pour les personnes d’accéder aux soins dont elles ont besoin, y compris les services anti-VIH », a déclaré la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima. « Avant l’éclatement de la guerre, l’ONUSIDA estimait à 260 000 le nombre de personnes séropositives en Ukraine, dont 152 000 qui prenaient quotidiennement des médicaments contre le VIH. Le VIH ne peut pas être soigné. Sans accès aux médicaments antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH mourront. »

L’Organisation mondiale de la Santé estime qu’il y a eu 82 attaques distinctes contre des hôpitaux, des ambulances et des médecins en Ukraine depuis le début de la guerre, tuant 72 personnes et blessant au moins 43 personnes. Près de 50 % des pharmacies ukrainiennes sont potentiellement fermées et nombre de professionnel-les de santé sont déplacé-es ou incapables de travailler.

L’ONUSIDA et ses coparrainants, l’OMS et l’UNICEF, ainsi que USAID, le PEPFAR et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme œuvrent pour fournir aux personnes séropositives en Ukraine des médicaments pour 12 mois. Une livraison de 209 000 traitements antirétroviraux pour 90 jours est arrivée à Lviv, en Ukraine, afin d’être apportée aux personnes qui en ont besoin. Cependant, la distribution dans le pays risque d’être difficile, en particulier dans les zones de conflit. L’ONUSIDA appelle au respect et à la protection des corridors humanitaires pour permettre la distribution de l’aide humanitaire et un passage sans danger des civils vers des zones où il n’y a pas de combats.

Le Secrétaire général des Nations Unies a appelé à garantir « un accès sans entrave à toutes les personnes et communautés touchées » et à mettre fin à la guerre.

« Grâce à des efforts remarquables de la société civile et du gouvernement, la plupart des sites fournissant un traitement antirétroviral fonctionnent encore au moins en partie, mais la guerre a perturbé les chaînes d’approvisionnement et l’accès des patients et patientes à ces sites », a déclaré Mme Byanyima. « Les partenaires sur le terrain s’efforcent de fournir des médicaments essentiels aux personnes en faisant attention à la sécurité. La souplesse dont dispose la société civile pour atteindre les personnes est primordiale et des fonds sont nécessaires de toute urgence pour soutenir et renforcer ces liens vitaux. »  

L’ONUSIDA a lancé un appel à financement pour aider les personnes vivant avec le VIH et les populations clés à accéder aux services anti-VIH et aux besoins humanitaires de base, y compris la fourniture ininterrompue d’un traitement anti-VIH et des services de réduction des risques tels que le traitement de substitution aux opioïdes (TSO – un traitement efficace contre la dépendance aux opiacés). Les personnes vivant avec le VIH sont invitées à contacter la ligne Info VIH en Ukraine* pour obtenir plus d’informations sur la disponibilité du traitement anti-VIH.

Plusieurs prisons ne sont plus contrôlées par le gouvernement ukrainien. Les personnes incarcérées dans le besoin doivent avoir accès à un traitement antirétroviral contre le VIH ou un TSO (en cas de dépendance aux opiacés).

Plus de 4 millions de personnes ont fui l’Ukraine depuis le début de la guerre. On estime que jusqu’à 1 % des réfugiés et réfugiées pourraient vivre avec le VIH et avoir besoin de services anti-VIH. L’ONUSIDA et ses coparrainants, l’OMS et l’UNHCR, ont tenu des discussions avec les pays riverains de l’Ukraine : la Roumanie, la Slovaquie, la Moldavie, la Hongrie et la Pologne. Au cours de ces échanges, ils ont informé les gouvernements respectifs et les responsables de la santé sur les besoins des réfugié-es vivant avec le VIH ainsi que sur l’importance de fournir des services de prévention du VIH.

Dans le cadre des efforts visant à assurer la continuité du traitement du VIH, l’OMS,  coparrainant de l’ONUSIDA, a contribué à un accord avec le groupe pharmaceutique ViiV Healthcare portant sur des dons de médicaments anti-VIH à la Pologne, à la République tchèque et à d’autres pays de l’Union européenne accueillant un grand nombre de personnes réfugiées venant d’Ukraine. Le site de l’initiative ART Initiative for Ukrainians Abroad, établie en coordination avec le Centre de santé publique ukrainien, apporte une assistance supplémentaire aux personnes réfugiées ukrainiennes vivant avec le VIH.

L’Organisation mondiale de la Santé travaille avec le Centre de santé publique ukrainien sur la collecte de données, tout en préservant la confidentialité, afin de comprendre où se trouvent les personnes vivant avec le VIH touchées par la guerre et quels sont leurs besoins. Il n’existe actuellement aucune donnée précise sur les mouvements de personnes séropositives qui ont déjà quitté le pays.

L’ONUSIDA surveille la situation et travaille en étroite collaboration avec les organisations de la société civile pour aider les réfugié-es et les personnes vivant avec le VIH en Ukraine. L’ONUSIDA œuvre également pour garantir que les personnes issues des populations clés, notamment les membres de la communauté LGBTI, encore en Ukraine ou ayant fui le pays, ont accès à l’aide humanitaire. 

*Ligne Info VIH en Ukraine : 0800 500 451

ONUSIDA

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) guide et mobilise la communauté internationale en vue de concrétiser sa vision commune : « Zéro nouvelle infection à VIH. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida. » L’ONUSIDA conjugue les efforts de 11 institutions des Nations Unies – le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, l’UNFPA, l’UNODC, ONU Femmes, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. Il collabore étroitement avec des partenaires mondiaux et nationaux pour mettre un terme à l’épidémie de sida à l’horizon 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable. Pour en savoir plus, consultez le site unaids.org, et suivez-nous sur Facebook, Twitter, Instagram et YouTube.

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La militante ukrainienne Anastasiia Yeva Domani explique à l’ONUSIDA comment la communauté transgenre fait face à la guerre en Ukraine

30 mars 2022

Anastasiia Yeva Domani est directrice de l’association Cohort, experte du Groupe de travail des personnes transgenres sur le VIH et la santé en Europe de l’Est et en Asie centrale, et représentante de la communauté transgenre au Conseil national ukrainien sur le VIH/sida et la tuberculose.

L’ONUSIDA a parlé avec elle pour savoir comment elle et la communauté transgenre au sens large vont depuis l’attaque russe contre l’Ukraine.

Parlez-nous un peu de vous et de la communauté transgenre en Ukraine

Je suis la directrice de Cohort, une organisation pour les personnes transgenres. Cohort existe depuis environ deux ans, même si je milite depuis plus de six ans. Selon le Centre de santé publique du ministère ukrainien de la Santé, avant la guerre, environ 10 000 personnes transgenres vivaient dans le pays, bien que ce chiffre soit sûrement sous-estimé, car de nombreuses personnes transgenres ne communiquent pas ouvertement leur identité de genre. Beaucoup ne demandent de l’aide qu’en cas de crise, comme c’était le cas pendant la pandémie de COVID-19, et aujourd’hui à nouveau avec la guerre. À présent, nous recevons des demandes d’aide de la part de personnes dont nous n’avons jamais entendu parler auparavant, des personnes qui ont un besoin urgent d’assistance humanitaire, financière et médicale.

L’Ukraine a créé l’environnement le plus favorable aux personnes transgenres parmi tous les pays postsoviétiques en ce qui concerne le changement des documents officiels, ainsi que les aspects juridiques et médicaux de la transition entre les sexes. C’est loin d’être parfait, mais d’autres organisations et nous-mêmes avons fait notre maximum pour améliorer la situation. Depuis 2019, les personnes transgenres sont représentées au Conseil national ukrainien sur le VIH/sida et la tuberculose.

Quelle était la situation pour les personnes transgenres au début de la guerre ?

En 2016, un nouveau protocole clinique pour les soins médicaux de la dysphorie sexuelle a été adopté en Ukraine, ce qui a grandement facilité la partie médicale de la transition entre les sexes. Grâce à lui, des personnes ont pu recevoir l’année suivante des attestations de changement de sexe.

Cependant, de nombreuses personnes transgenres n’ont pas encore modifié tous leurs papiers. Certaines personnes ne les ont pas du tout changés, d’autres n’en ont changé que quelques-uns et seulement très peu d’entre elles ont tout changé, y compris leur permis de conduire, leurs diplômes et ceux liés à l’enregistrement et à l’enrôlement dans l’armée. Nous avions signalé ce problème et nous avons maintenant une guerre. De nombreuses personnes transgenres ne savaient pas qu’elles devaient se désinscrire au bureau d’enregistrement militaire.

En raison de la loi martiale, les hommes âgés de 18 à 60 ans ne peuvent pas quitter le territoire de l’Ukraine s’ils n’ont pas l’autorisation du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaires. Nous avons beaucoup de personnes non binaires qui ont des papiers pour un homme et qui ne peuvent donc pas fuir.

Avec le déclenchement de la guerre, de nombreuses personnes transgenres sont parties dans l’ouest de l’Ukraine. Mais si vos papiers indiquent que vous êtes un homme, vous ne pouvez pas quitter l’Ukraine.

Quelle est la situation actuelle et sur quels aspects concentrez-vous votre travail ?

En raison de la guerre, nous n’avons plus personne dans certaines villes. Kharkiv comptait le plus grand nombre d’activistes transgenres après Kiev, notamment parce que beaucoup avaient quitté les régions occupées de Luhansk et Donetsk en 2014. Et maintenant, ces personnes doivent à nouveau se déplacer. Aucune information ne nous est parvenue sur la mort de personnes transgenres, mais je pense que c’est uniquement parce que nous n’avons aucun contact avec certaines villes, comme Mariupol. Beaucoup n’ont tout simplement pas eu le temps de quitter la ville avant que cela ne devienne impossible. J’ai peur que les chiffres ne soient terribles, il faudra juste du temps pour comprendre ce qui s’est passé là-bas.

Un travail important est en cours à Odessa. Nous y avons deux Yulias, des femmes transgenres qui apportent une aide incroyable à la communauté. Elles ont pris en charge des pans entiers de l’assistance et du financement. À Odessa, la situation des hormones et les médicaments est meilleure. Nous avons également toujours une coordinatrice à Dnipro, elle fait aussi un travail considérable.

Notre travail se concentre désormais sur l’assistance financière, médicale et juridique aux personnes transgenres qui se trouvent en Ukraine, où qu’elles soient, dans l’ouest de l’Ukraine, dans des abris ou des appartements, ou dans leurs villes sous les bombes. Tout le monde a peur, mais il faut quand même se raccrocher à quelque chose en soi et essayer de se battre. Je ne pense pas que tout le monde devrait partir. Je comprends que beaucoup de gens ont une dent contre la société, l’État. Pendant de nombreuses années, ils ont vécu comme des victimes. Pour beaucoup, il n’y a rien qui les retient ici, ni travail ni logement.

Qui vous soutient financièrement ?

Nous avions des projets prévus pour 2022, et littéralement le premier ou le deuxième jour de la guerre, les représentants de nos donateurs ont déclaré que l’argent pouvait être utilisé non seulement pour les projets programmés, mais aussi pour l’aide humanitaire. Il s’agissait notamment de RFSL, en Suède, qui a abordé ce problème de la manière la plus flexible possible et nous a permis non seulement d’utiliser l’argent du projet, mais aussi d’envoyer de l’argent directement à nos coordinateurs et coordinatrices afin de leur permettre de payer pour des gens le logement, les déplacements, etc.

Ensuite, GATE (Global Action for Trans Equality) a immédiatement déclaré que leurs fonds pouvaient être utilisés pour l’aide humanitaire et a promis des fonds supplémentaires. La Public Health Alliance, par l’intermédiaire du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous a autorisés à modifier le budget et la nature des activités prévues.

Nous allons maintenant faire ce que nous pouvons dans le contexte de la guerre, et la mobilisation de la communauté se poursuivra à Dnipro, Odessa, Lviv et Chernivtsi. De nouveaux partenaires ont fait leur apparition et ont immédiatement répondu à nos besoins.

Chaque jour, j’utilise des fonds d’OutRight Action pour répondre aux besoins humanitaires des personnes transgenres, ainsi que des fonds de LGBT Europe. Il y a aussi des dons privés, pas de grosses sommes, bien sûr, mais ils existent également.

À quoi ressemble une journée type pour vous ?

Ma journée est pleine d’échanges avec des journalistes de médias d’envergure. Je vais également au supermarché faire des courses que je distribue aux personnes qui en ont besoin. J’ai des formulaires Google dans lesquels je peux voir les demandes d’aide.

Je gère les demandes de consultations avec deux spécialistes en psychologie et en endocrinologie qui continuent de travailler en Ukraine. Je reçois de nombreuses questions concernant le passage de la frontière et je fournis des informations sur la manière de communiquer avec le bureau d’enregistrement militaire et sur les documents nécessaires pour se désinscrire.

Je reçois beaucoup d’appels, donc je dois recharger mon téléphone cinq fois par jour. Je possède deux comptes Instagram, deux comptes Facebook, trois adresses e-mail, Signal, WhatsApp, etc. Je dois être constamment joignable. Je dois également prévoir du temps pour faire la queue pendant deux heures au bureau de poste. Cela me fait perdre énormément de temps, mais les gens ont besoin que je leur envoie des médicaments. J’ai également besoin de garder du temps pour suivre l’actualité, je dois savoir ce qui se passe en première ligne, dans les villes.

Qu’est-ce qui vous donne de la force ?

Jusqu’à ce que ma famille et mon enfant quittent la ville, je ne pouvais pas travailler en paix.

Je suis actuellement à Kiev. Au cours des 10 premiers jours de la guerre, j’étais sous le choc et j’avais peur, nous vivions littéralement une heure à la fois. Maintenant que nous nous sommes habitués au danger, je n’ai plus peur. Si c’est mon destin, alors je l’accepte. Je ne descends plus dans l’abri. J’ai tant de travail, tant de demandes d’aide, d’appels, de consultations qui arrivent chaque minute.

Je suis née ici, à Kiev, c’est ma ville natale. Je me suis rendu compte que lorsque votre pays est dans une mauvaise passe, il faut rester. Je ne peux pas m’enfuir, ma conscience ne m’y autorisera pas. Je ne peux pas, car je sais que ma ville doit être protégée. Il n’est pas nécessaire d’être dans l’armée pour aider. Il y a la défense militaire, mais il y a aussi le bénévolat. L’aide humanitaire, c’est beaucoup de travail.

Qu’est-ce qui me donne de la force ? Parce que c’est mon pays, je sais que celles et ceux qui peuvent faire quelque chose, sur n’importe quel front, sont là. Nous pouvons le faire partout, tout le monde peut apporter sa contribution, faire quelque chose d’utile, et cela me donne le sentiment d’être nécessaire, un sentiment que nous pouvons réussir tellement de choses ensemble.

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